Archive | avril, 2021

Champagne Sentimental

29 Avr

Pour commencer, peut-être allez-vous trouver ma chronique désuète, voire un brin farfelue. Ce ne sera pas la première fois. Tout d’abord, je vous dois une explication. Avril est pour moi l’occasion de célébrer tous les béliers qui me côtoient : en premier lieu, un de mes fils, Victor, ma maman, Françoise, qui n’est plus de ce monde mais qui me reste proche, quelques autres encore… dont ma pomme. Cela me donne plus d’une excuse pour faire sauter le bouchon. Ce qui fut fait l’autre jour, encouragé, je dois le dire, par l’envoûtant touché pianistique de Tommy Flanagan sur La Jazz, une des formidables radios thématiques (je vous recommande aussi La Baroque) que nous offre notre redevance sur le site de France Musique.

Et voilà qu’en levant mon verre (non, je n’utilise plus de flûte) je me laisse vite emporter par le constat que l’on a tous en nous un champagne de cœur, un champagne de prédilection, un champagne d’amour. Dans une cuvée spéciale ou non, que l’on soit à jeun ou au bord de la sieste digestive, en état normal ou en plein spleen, dans sa baignoire ou devant son clavier comme moi ce soir, peu importe, car ce vin qui nous est cher devient l’espace d’un instant dans mon imaginaire un vrai sentimental champagne. Au même titre que ces Trois petites notes de musique valsées bien mieux que ne le fait Montand par Juliette Gréco (sur une musique de Georges Delerue), qu’un poème de Beaudelaire si joliment récité par Serge Reggiani ou qu’un déjeuner toscan bien arrosé à L’Osteria Le Logge, le calme gourmet à deux pas de l’animation du Campo de Siena.

©MichelSmith

Curiosité journalistique aidant, une fois le goût bien avancé et bien ancré, reconnaissons-le, on a tous un champagne de prédilection, un champagne avec un “C” majuscule, une marque, une maison, un récoltant-manipulant pour ne pas dire un. vigneron, un style, une époque, un genre, une référence, un champagne-perso, un champagne sur lequel on se damnerait lorsque l’on désespère de la vie ou, au contraire, celui que l’on bénirait si l’on se sentais comblé par elle. Allez, je vous accorde deux ou trois noms, pas plus. Chez moi, en bon « septantenaire », il y a plus d’une maison, plus d’une référence au sein de la grande famille Champagne : Drappier, BollingerVeuve ClicquotCharles Heidsieck… Le champagne étant devenu cher, seuls quelques-uns que je compte sur les doigts de deux mains, reposent en ma cave sachant que, par principe, je ne les boirai, quelque soit leur type, qu’une fois passé trois à cinq années de repos après leur mise en bouteilles. 

Revenons donc à ce sentiment, à cette sensation sentimentale. S’il fallait en citer un qui me ravit par dessus tout pour sa régularité, son style toujours-là, fidèle entre tous les fidèles, c’est bien le Brut Classic de Deutz lequel mérite pleinement son image de classicisme que l’on associe facilement à la danse, la peinture ou la musique. Cet attachement serait-il dû à la courtoisie, à la gentillesse si particulière, au nom si « vieille France » et à la force de persuasion de l’ancien responsable de la communication de la maison Deutzle dénommé Arnaud Bro de Comères ? Pour ma part, cela ne fait aucun doute. Arnaud, c’est à toi que je pense en écrivant ces lignes. C’est bien dans les caves et les salons de la vénérable maison Deutz à Aÿ, dûment chaperonné par toi, que j’ai appris ce que je sais aujourd’hui du vin de la Champagne : la science subtile des assemblages, le rôle important du chef de cave, le vieillissement, la finition d’une cuvée… C’est en y allant régulièrement, en goûtant avec le plus d’attention et de sérieux que de possible que j’ai découvert la justesse du vin rehaussé de ses bulles, celle de la noble cuvée William Deutz en particulier, en plus de l’importance capitale que l’on affecte à la régularité d’une cuvée dite « de base » ou plus justement d’un « brut sans année« . Ce type de cuvée, en effet, se doit de refléter à elle seule l’esprit, le style, la régularité, l’image d’une maison ou d’un domaine et il me semble que cette démarche n’est plus tout à fait de mise depuis que le champagne se banalise en fréquentant sans retenue les rayons bulles des grandes surfaces.

©MichelSmith

Aujourd’hui donc, je viens d’ouvrir une bouteille de mon champagne « marqueur », celui que j’appelle mon champagne. Le Brut Classic de Deutz me transporte à nouveau dans un voyage champenois aussi lumineux que nostalgique, une transportation émaillée de parfums de cuisine, celle de Gérard Boyer à Reims surtout, de vignes en fleurs entre Verzenay et Bouzy, de caves-cathédrales fraîches et profondes, des pauses cigares au fond d’un parc un verre aux accents de pinot noir à portée de main. Je revois ces gens passionnés qui vous content leur métier force bouteilles à l’appui. A petites doses, le vin se remémore en moi. Il revit, il me revient, les senteurs s’amplifiant dans le verre. Comme ce jour d’avril où les bulles sautillent, si fines et délicates. La bouche est d’une précision et d’une intensité rassurantes :  fraîcheur persistante en appui, structure bien affirmée, acidité juste, fruits blancs mûrs tout en vinosité, de petits fruits des bois aussi qui traduisent avec justesse la dominante pinot noir dans l’assemblage avec le chardonnay, plus que bonne tenue en bouche, voilà que Deutz me confirme à nouveau son style épuré, son classicisme revendiqué. Voilà que ce brut-sans-année (bsa pour les pros) assure avec brio sa mission de direction d’orchestre tant et si bien qu’en dehors d’être un simple champagne d’ouverture, un bon blanc de mise en bouche si vous préférez, il se pose en parfait vin de repas, en compagnon digne et sérieux de ma printanière pintade en pot au feu. Bref, le Classic de Deutz m’a fait une fois de plus le coup du Sentimental Champagne me laissant In a Sentimental Mood sur l’air du Duke en compagnie de John Coltrane, un titre devenu un des grands classiques du jazz… et maintenant du Champagne.

Michel Smith

Les 5 du Vin

Pour commencer, peut-être allez-vous trouver ma chronique désuète, voire un brin farfelue. Ce ne sera pas la première fois. Tout d’abord, je vous dois une explication. Avril est pour moi l’occasion de célébrer tous les béliers qui me côtoient : en premier lieu, un de mes fils, Victor, ma maman, Françoise, qui n’est plus de ce monde mais qui me reste proche, quelques autres encore… dont ma pomme. Cela me donne plus d’une excuse pour faire sauter le bouchon. Ce qui fut fait l’autre jour, encouragé, je dois le dire, par l’envoûtant touché pianistique de Tommy Flanagan sur La Jazz, une des formidables radios thématiques (je vous recommande aussi La Baroque) que nous offre notre redevance sur le site de France Musique.

Et voilà qu’en levant mon verre (non, je n’utilise plus de flûte) je me laisse vite emporter par le constat que l’on a tous…

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