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L’Ermitage, sans le « H », mais avec cire

4 Avr

Parfois, ouvrir une bouteille devient une tâche pénible. Le vigneron – ici, il est aussi négociant – a l’idée de mettre de la cire solide, car il existe une cire « molle » qui se décolle facilement lors de l’ouverture, pour recouvrir le sommet de son (cher) flacon. Ça fait mieux, ça fait sérieux et ça donne un aspect « précieux » à la bouteille. Du moins, c’est ce que le vigneron veut croire. Alors, dans ce cas précis, le tire-bouchon devient marteau (moi aussi du coup !) et, quand vient l’heure fatidique du débouchage, on en fout partout de ces misérables éclats de cire que l’on retrouvera parfois nichés jusque sur une étagère. Comme si cela ne suffisait pas, pour parachever votre irritation, voilà que le bouchon ne sort pas, qu’il s’effrite, qu’il se transforme en poussière de liège dont on trouvera aussi des traces plus tard jusque dans le col de sa propre chemise ! Quand une telle déconfiture vous arrive, il ne vous reste plus qu’à filtrer le vin sans attendre en le passant doucement au travers d’un tamis et d’un entonnoir, afin qu’il s’écoule le plus proprement possible dans une carafe, enfin débarrassé de 99,90 % de son liège.

Enfin, seulement, on peut déguster cet Ermitage 2007 – on peut aussi mettre Hermitage sur l’étiquette – aux accents toastés et boisés. J’aime redécouvrir ces millésimes passés à la trappe. Qui se souvient en effet de cette année sans louanges particulières ? Pour ça, il fallait le conserver en cave, miser sur sa qualité. Ce que j’ai fait. Alors, direz-vous, comment est-il ?

Assez boisé, donc, concentré, presque noir de robe, marqué au nez par des effluves feuillues, viandées, avec touches de laurier, de cuir, un nez qui se complexifie au bout de deux jours d’ouverture au frigo; en bouche, les tannins boisés et fumés sont bien marqués sans être trop rêches et l’on sent derrière une matière riche, une certaine épaisseur, des notes de cassis bien mûr, une légère acidité en finale pour un vin qui se déguste sans problèmes sur des rognons de veau ou un magret de canard grillé sur la peau.

Après tout ça, Michel Chapoutier peut dormir sur ses deux oreilles : heureusement que son vin, est bon !

Pas de Mahler sans Clairette !

4 Avr

Vienne,1952. Bruno Walter dirige le Philharmonique de la capitale autrichienne. Il est accompagné de la contralto Kathleen Ferrier dans le fameux Chant de la Terre de Gustav Mahler qui fut l’ami du chef d’orchestre. Un « disque de légende », comme on dit. Un disque que je ne me lasse pas d’écouter. Et très souvent, je ne sais pourquoi ni comment, lors de mes retours de marché, il m’inspire au plus haut point et me plonge dans la préparation d’un plat spontané, sans suivre de recettes particulière et sans chichis, du type de plat qui va suivre. Sans oublier l’accompagnement.

La dernière fois, ce fut lors de mon retour d’un voyage au Maroc. J’avais soif de vin, de pureté salivante, de délice terrien. Cette soif ajoutée à la musique mahlerienne m’inspirèrent un risotto. J’ai une folle envie de vous le raconter, mon risotto. Mais avant toute affaire en cuisine, une descente en cave s’impose. Là, au bout d’une exploration rapide, je tombais pile au « rayon Rhône » sur trois bouteilles d’un vin IGP Méditerranée « Les Anthénors » de l’ami Jean-luc Colombo, un blanc issu de ses vignes de Clairette plantées quelque part au large de Carry-le-Rouet, plus précisément sur la commune de Sausset-les-Pins, à quelques lieues de Marseille, son port d’attache familial. J’examinai ce beau flacon à la forme légèrement évasée, l’étiquette ornée de trois cyprès – Jean-Luc ne fait jamais les choses à moitié -, pour découvrir le millésime. C’était un 2018 que j’avais volontairement oublié. J’ai toujours entendu, venant de la part de je ne sais quels doctes savants de la vigne et du vin, que la Clairette, par je ne sais quel manque d’acidité, ne saurait « vieillir » au-delà de deux ou trois ans. Sachant que ce cépage ancien était responsable à mes yeux de la finesse et de la profondeur de beaucoup de vins de Châteauneuf-du-Pape et de la méconnue appellation Clairette du Languedoc (goûtez celle du Château La Croix Chaptal, de par chez moi, dans l’Hérault) -, ce genre d’affirmation venant aussi de quelques remarques recueillies au fil des ans auprès de vignerons sudistes, me donna l’idée de conserver quelques exemplaires de ce cépage, comme ça, par curiosité, par esprit de contradiction certainement, enfin bref, juste pour voir. Certes six ans d’âge, ce n’est pas très vieux, mais enfin il faut faire avec ce que l’on a. Résultat, le flacon se retrouva illico au frigo pour dégustation. En un premier verre, le vin que j’avais apprécié dans sa jeunesse, n’avait guère me dire. Mais au bout de l’après-midi dans le verre, à l’air libre, il se décida à me parler, avé l’accent : fenouil des sentiers, garrigues, fleurs de thym, résine, salinité, pêche de vigne, j’étais bien en Provence, à la fois chez Giono, Pagnol et Guédiguian, en plein « Chant de la Terre ». Prenant en compte les origines italiennes, piémontaises je crois, de la famille Colombo, je gardais l’idée première d’un risotto.

Pour moi, faire un risotto, c’est un peu comme un jeu, une sorte de dépaysement, une évasion. Cette fois-ci, spontanément, je voulais donner au plat une connotation végétale et printanière inspiré que j’étais par ce que j’avais rapporté du marché, petits pois, oignons tendres, de l’aillé, ainsi qu’une botte d’asperges vertes.

A partir de là, le reste est simplissime : un peu d’huile de pépin de raisin au creux de la poêle pour faire frémir à feu vif les oignons, leurs tiges vertes et l’aillé émincés, deux ou trois belles louches de riso arborio, on touille bien jusqu’à faire briller et brunir légèrement l’ensemble, puis on y ajoute une louche de bouillon de légumes (ou de volailles), des tiges tendres d’asperges (garder la partie la plus dure des tiges pour un bouillon) taillées en fines rondelles; on touille encore et encore et, de nouveau, une louche de bouillon; lorsque le tout se met à bien saisir, on verse un demi verre du vin blanc de Clairette, quelques lamelles de parmesan pour obtenir un aspect quelque peu crémeux, puis une lichette de vin rancio pour parfumer, puis on touille et re-touille avec la spatule en bois avant de finir la cuisson avec une louche supplémentaire de bouillon, deux ou trois si nécessaire. L’opération prend une vingtaine de minutes et requiert une présence permanente au cours de laquelle on n’hésite pas à trifouiller la surface du plat à coups de tranchant de spatule dans un sens puis dans l’autre, à tourner et retourner le riz et, lorsque la cuisson avance bien, on goûte le grain jusqu’à ce qu’il soit croquant mais aussi fondant; ajouter sel et poivre selon son goût (perso, j’y met une mini cuillère à café de curcuma en poudre), on baisse le feu vers la fin de cuisson, on ajoute deux belles noix de beurre, un peu de thym frais et (ou) fines herbes grossièrement hachés, une louche de petits pois et les pointes d’asperges vertes mises préalablement en réserve lors de la préparation. Lorsque que le riz est à point, on saupoudre éventuellement selon goût un peu de Parmigiano Reggiano râpé (15 mois d’affinage au moins), on coupe le feu et on couvre le plat pour bien infuser les parfums avant de servir au besoin réchauffé une ou deux minutes à feu vif. Il m’arrive de rajouter le parmesan râpé au moment du service quitte à faire hurler les spécialistes.

Qu’il soit légumier, à base de crevettes ou de coquillages, aux truffes ou aux cèpes, à la moelle ou aux viandes blanches (lapin, pintade, poulet…), la rondeur, la suavité de la Clairette servie pas trop glacée se marie bien avec le risotto. La puissance retenue, la persistance en bouche du vin, sans oublier la profondeur, tout cela ressortira encore mieux si l’on tente de transvaser la veille le vin en une carafe ventrue. Après cela, on peut s’offrir une belle sieste en compagnie de la Première de Mahler, ou la Quatrième ou la Sixième, peu importe. Pour ma part, j’ai pu constater que s’il reste une lichette de Clairette en finale, ce n’est pas plus mal pour apaiser l’esprit !

Pour plus de Chant de la Terre, rendez-vous ICI !

Force de rosés en Pays d’Aix

28 Mar

Fin de journée d’hiver dans l’arrière-pays d’Aix-en-Provence. Après une journée active passée avec Peter Fischer dans ses vignes bio du Château de Revelette qu’il finissait de tailler avec ses hommes, l’heure était à la détente. Provençal dans l’âme, volontiers partageur, amoureux de son « terroir le plus froid de la Provence », « Piteur », comme on l’appelle ici avé l’accent, avait rassemblé sur un simple coup de fil quelques uns de ses voisins et amis. Une petite armée vigneronne s’était mise à table chez la belle brune Christine Charvet dans sa géniale pizzeria-guinguette de Jouques où le vin occupe une place de choix. Une adresse que je recommande chaudement. Au passage, Jouques est un délicieux village où il fait bon passer un week-end vigneron entrecoupé de randonnées. Mais revenons à notre réunion. Mots d’ordre de la soirée : convivialité, déconnades en tous genres et Carignan à gogo sans ordre précis, sans cérémonial. Vaste et beau programme.

Peter Fischer, un vigneron toujours dans le vent. Photo©MichelSmith
Peter Fischer, un vigneron toujours dans le vent. Photo©MichelSmith

Je ne parlerai pas du « Pur » de Peter, vin déjà évoqué il y a peu dans cette même rubrique. Pas non plus du Carignan des absents. Mais je vais vous dire du bien de deux vins de couleur rose, pour une fois, deux cuvées qui mettent en avant mon cépage chéri.

-IGP Var 2012, Domaine de La RéaltièreL’ineffable et sympathique ingénieur agronome Pierre Michelland (je vous ai déjà parlé de son rouge « Cul Sec » 2011 l’an dernier) avait apporté son rosé brut de cuve dont la mise n’était plus qu’une affaire de jours, un vin qui ne sera pas filtré et qui comporte 80 % de carignan noir vinifié en pressurage direct et agrémenté de 20% de clairette. Comme son rouge, il pète la forme et se distingue par sa carrure et sa droiture. Vraiment à l’aise sur les délicieuses pizzas. Son « Chant du Coq » blanc 2011 à 80% carignan blanc, le reste en sauvignon, se défendait pas mal aussi en dépit d’une petite touche sucrée en finale.

Pierre Michelland, de la Réaltière. Ses vins sont aussi souriants que lui ! Photo©MichelSmith
Pierre Michelland, de la Réaltière. Ses vins sont aussi souriants que lui ! Photo©MichelSmith

Côteaux-d’Aix 2010Domaine La Chapelle Saint-BacchiChristian Valensi travaille aussi l’olivier et le lavandin. Sous le même nom cuvée, « Carpe Diem », il vinifie un pur alicante, réalise chaque année un rosé confidentiel (1.300 bouteilles, 9 € départ cave, il en reste encore un peu) cent pour cent carignan issu d’un pressurage direct vinifié d’abord en cuve avec une légère macération à froid, puis un élevage en barriques (de deux vins blancs) pour quelques mois. La robe, légèrement évoluée, a des tonalités orangées du pus bel effet et le vin, qui a conservé son fruit, offre de jolies notes grillées, là aussi légèrement sucrées. On le verrait bien sur un poulet thaï ou des crevettes grillées pas trop épicées. Le 2011 a été zappé et le prochain (2012) sera à 80% carignan.

Photo©MichelSmith

Photo©MichelSmith

Dans ce pays Aixois entre Sainte-Victoire et Luberon, le carignan qui n’a pas été arraché sur les conseils des techniciens agricoles, donne quelques espoirs aux vignerons de produire des vins différents dans une région qui, de toutes façons, n’est pas comparable au reste de la Provence viticole. Le seul problème qu’ils évoquent en parlant de ce cépage est que, dans cette zone au climat septentrional, la maturité est rarement satisfaisante à leurs yeux.

Christian Valensi, de La Chapelle Saint-Bacchi. Photo©MichelSmith
Christian Valensi, de La Chapelle Saint-Bacchi. Photo©MichelSmith

Reste que je suis sûr qu’en prenant quelques risques, comme Peter Fischer et Pierre Michelland l’ont fait avec leurs rouges, ils arriveront en poussant les maturités à vinifier de fort jolis vins de Carignan. C’est tout ce que je leur souhaite ! En attendant, on a de beaux rosé et c’est déjà pas si mal…

                                                                                                                     Michel Smith

Pinoteries et Rythm n’ Rouze

28 Mar

Ce n’est pas la première fois que je vous entretiens de cette tendance qu’ont les vignes du Midi à “pinoter”. La dernière fois, c’était cet hiver où je fourrais mon nez dans les Terrasses du Larzac. Cette fois, la fournaise aidant, j’ai retrouvé cet été la joie pure du “pinotage” à la languedocienne, sensation que je partage avec vous aujourd’hui façon “brut de cuve”, si j’ose dire. 

Photo : MichelSmith

Bouchons qui sautillent de joie, rouges servis frais surtout jusqu’à plus soif, c’est l’été quoi, et quel été ma bonne dame ! Plus que jamais par les temps qui coulent tout en courant, telle une source généreuse et jaillissante cachée dans la roche d’un paradis au milieu du désert brûlant, c’est le moment de boire à gorge déployée, loin, très loin des estivaux festivals, des plages surpeuplées et des autoroutes bondées, le moment de s’enivrer au fil de nos journées haletantes.

Alors, je goûte et re-goûte presque sans retenue le vin joyeux et n’ai d’autres envies que celle de jouir pleinement la simplicité du vin. Le genre pet’ nat’, par exemple, le tendre Pineau d’Aunis, le Gamay sucré de mon cœur, léger, frétillant et gourmand, le Pinot Noir qui, dans bien des cas, libère son fruit avec exubérance, la Négrette de Fronton, la Barbera piémontaise et j’oublie certainement au passage plus d’un raisin qui, vinifié simplement pour être bu sans trop tarder, sans manières, révèlent un fruité d’un goût oublié et avance avec fougue tel un cheval camarguais en pleine course libre dans les hautes herbes.

Mes camarades et moi avons déjà écrit à maintes reprises sur le Cinsault et les jolis rosés qu’il engendre un peu partout dans le Midi. Je ne vais donc pas trop m’attarder. Sauf pour dire que chez nous, en Languedoc, le Cinsault fait partie de ces jus que l’on n’oublie pas et les vignerons qui s’y attachent sont de plus en plus nombreux. J’ai déjà cité par le passé ceux de Sylvain Fadat, de Thierry Navarre avec ses fameuses “Œillades” – l’autre nom que l’on donne ici au Cinsault, et de bien d’autres vignerons méritants. 

Voici venir un jus réjouissant, celui de Karine et Nicolas Mirouze dont les 25 ha de vignes travaillées en biodynamie s’incrustent joliment dans la garrigue aux pieds du château du même nom, bâtisse à l’allure de forteresse médiévale. Je bois ainsi d’une traite (enfin presque) ce rouge léger (une version Viognier existe aussi en blanc) qui ne dépasse pas 11°, qui affiche une robe insolente de légèreté, entre rouge et rosé foncé, et qui m’offre une jolie coupe de petits fruits, rouges évidemment, avec quelques touches florales pour chatouiller le gosier. Comme annoncé plus haut, il s’agit d’un Cinsault non filtré armé, dans sa version 2021 du moins, d’une belle portion de Carignan et de Mourvèdre qui laissent une impression de petits tannins poivrés en finale. Un parfait vin de soif à boire sans songer à la modération !

Photo : MichelSmith

J’allais oublier le prix : 10 € chez mon pote Bruno, caviste au Nez dans le Verre à Pézenas. Un conseil : si vous ne connaissez pas les vins des Mirouze, prenez le temps de lire l’article printanier de Nadine sur ces lignes. Enfin, par ce lien, vous aurez accès à la chaîne YouTube du domaine qui permet de faire aussi connaissance avec Karine et Nicolas.

Le Jour du Seigneur

28 Mar

Nous sommes bien d’accord, n’est-ce pas : on ne devrait saisir son clavier, du moins dans le cadre d’un blog tel que le nôtre, que si l’on a quelque chose d’important à dire, non ? Eh bien c’est mon cas puisque je vais vous entretenir du Jour du Seigneur, le Seigneur Carignan, bien sûr.

Tandis que je me gave de cèpes et autres trésors de nos bois à grand renfort de poêlées dignes d’Insta et de Facebook, je me souviens que, demain lundi, je vais participer, à Berlou, au Domaine de Cambis, sous l’égide de l’Union de la Sommellerie Française Languedoc Roussillon et Vallée du Rhône Sud (ouf !), et en étroite collaboration avec l’Association Carignan Renaissance qu’il m’est arrivé à ses débuts de présider, participer donc à une dégustation qui, je l’espère, sera grandiose puisqu’elle concernera les vins de nos associés, une bonne vingtaine je pense et même plus si l’on ajoute les “vieux” millésimes. De mon côté, je me pointerai avec des bouteilles de notre Puch, 2021 et 2014, ce petit domaine fondé avec des copains il y a plus de 10 ans sur une bosse avancée vers la mer, dans la commune de la commune de Tresserre dans les Pyrénées Orientales.

Tout cela va se faire en prélude du désormais célèbre Jour du Carignan autrement connu sous le nom de International Carignan Day, en attendant que le plus jeunes de nos membres ne créent un Carignan Night Fever à l’instar de nos amis du Grenache Day. La date retenue cette année pour ce Jour du Carignan, événement suivi par de plus en plus de cavistes et sommeliers, du moins dans le Sud, est le jeudi 27 Octobre. Je lance donc un appel à nos lecteurs, mais aussi à tous les amateurs et professionnels amoureux du vin méditerranéen de bien vouloir prévoir ce jour-là d’ouvrir une bouteille de ce noble cépage, de trinquer à notre belle humeur et de faire part de vos découvertes sur les désormais indispensables réseaux sociaux. Rendez-vous en particulier ce jour-là sur notre page Facebook que vous trouverez sur ce lien, laquelle, je l’avoue, mériterait un certain rafraîchissement.

Sur ce, pour le fameux Jour du Carignan, je vais faire cuire doucettement les premières girolles du marché avant de les achever avec deux oeufs fermiers en omelette si possible baveuse, ail et persil inclus. Pour les accompagner, j’ai prévu ce très provocateur “Renverse-moi” 2019 de Fabien Reboul, un Vin de France qui a l’audace et le mérite d’associer les deux cépages valeureux que sont Carignan et Cinsault, vin que je compte servir autour de 14° de température car ici on a nettement l’impression que l’été se prolonge.

PS J’ai cherché ici sans le trouver le Spécial Vins du Point où, parait-il, mon ami Olivier Bompas a mis en valeur nos vins carignanisés. Lisez-le si vous le trouvez. Sinon, j’ai vu son article en ligne ici même.

Oh, là! V’là venir Turenne

28 Mar

Je reviens en séance de rattrapage avec cette bouteille d’un joli flacon du Languedoc gouté ce midi au petit Restaurant La Victoire, une de nos bonnes adresses de Béziers, tout au bas des fameuses Allées qui sont nos Champs Élysées bien à nous.

Photo©MichelSmith

Ce Grès de Montpellier 2017 est l’une des grandes cuvées de l’Abbaye de Valmagne, haut-lieu de notre histoire et de notre viticulture. Il s’agit-là d’un assemblage très Syrah (dont on sent le fruit), mais rehaussé de Grenache (25%) de Mourvèdre (20%) et de 5% de Morrastel. Toute l’originalité de ce vin réside dans cet apport discret de Morrastel qui, se liant à la finesse fruitée de la Syrah et à la chaleur du Grenache, sans oublier le côté un peu strict des tannins du Mourvèdre (absolument pas gênant en l’occurrence), va conférer une sympathique note presque rustique à l’assemblage. Une chose est sûre : le vin se goûte divinement bien en ce moment et il a de quoi tenir encore au moins 2 à 3 ans avec un service de préférence sur une belle volaille rôtie. Lorsque l’on connaît ce lieu incomparable de spiritualité qu’est cet ensemble abbatial cistercien fondé en 1139, on ne peut qu’adhérer.

Environ 16 € départ cave.

Photo©MichelSmith
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Finomania, la grande dégustation

4 Sep

Comme vous le savez, la Finomania est ancrée en moi pour de bon, et ce, depuis belle lurette ! Ce jour là, c’était en 2014, bien avant que ne se rapplique la grande dépression. Et j’avais éprouvé l’envie de rassembler chez moi avec l’aide précieuse de quelques amis du Fino parmi lesquels Isabelle Brunet et Bruno Stirnemann, un maximum d’échantillons de vins de Jerez de la Frontera, de Sanlucar de Barrameda, de Puerto Santa Maria, sans oublier quelques flacons de Montilla-Morilles. Une journée de dégustation à la fois folle et sérieuse, à l’image du Fino, à deux pas du Centre du monde, la gare de Perpignan.

Bruno Stirnemann. Photo©MichelSmith
Bruno

Pour cette session, pas de cinoche « à l’aveugle » : les bouteilles étaient alignées par mes soins, mélangeant volontairement (la folie, vous dis-je) les trois appellations – Jerez, Manzanilla, Montilla-Moriles – sachant, je le rappelle, que la dernière D.O. est la seule, du moins dans la qualité Fino, à ne pas être mutée, renforcée à l’alcool si vous préférez. À charge pour moi, par la suite, de mettre tout cela en ordre et par écrit. En queue de dégustation, sept bouteilles d’un type Fino, certes, mais un vin élevé plus longtemps, flirtant avec le style Amontillado. Là encore, j’entends l’armée des puristes et spécialistes se manifester dans les rangs, mais nous autres, simples amateurs, n’avons rien trouvé à redire de cette manière de voir les choses.

Isabelle Brunet. Photo©MichelSmith
Isabelle

Cette dégustation n’est certainement pas parfaite. Pas d’étoiles ni de notations chiffrées, tant pis pour les amateurs de classements. Je sais, il manque des marques et cela ne plaira certainement pas aux aficións, donc pas la peine de m’en tenir grief. Vous ne lirez rien, hélas, sur l’Inocente de Valdespino, par exemple… la Quinta, le cheval de bataille d’Osborne et Coquinero d’Osborne également, le Fino Superiore de Sandman, le Hidalgo Fino d’Emilio Hidalgo, le Pavon de Luis Caballero, le Harveys Fino de Harveys, le Fino Romate de Sanchez Romate, le Gran Barquero de Pérez Barquero (Montilla-Moriles), etc. J’ai dû faire avec les moyens du bord ! Tous les vins de cette série titrent 15°. En gras, se distinguent nos vins préférés, nos coups de cœur. Pour ces premiers douze vins, les prix en grandes surfaces, comme chez certains cavistes en Espagne, oscillent entre 6 et 8 euros. Un seul est en dessous de 9 €, tandis qu’un autre est à 12 € en France. Bien sûr, tous les autres sont plus chers en France et ce n’est pas toujours justifié. Bref, pour ceux qui vont se ravitailler en Espagne, vraiment pas de quoi se ruiner ! À noter aussi que dans les bonnes boutiques espagnoles, beaucoup de ces vins sont aussi disponibles en demi-bouteilles, ce qui est un avantage pour préserver la fraîcheur du vin. Les bouteilles sont alignées : allons-y !

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– Muyfina, Manzanilla, de chez Barbadillo (bouchon à vis). Robe jaune pâle. Un goût cireux, étrange, poussiéreux, notes de vieux cuir… Puissant, gras et long en bouche mais sur une tonalité rustique. Dur, manquant à la fois de fraîcheur et de finesse.

Comportement acceptable sur des tapas : olives, anchois…

– Carta Blanca, Jerez, de chez Blazquez (distribué par Allied Domecq). Robe paille étonnement soutenue. Densité, profondeur, quelque chose d’inhabituel, rusticité, plus proche de l’oxydation que de la flor, avec des notes de caramel et (ou) de Pedro Ximenez. Très léger rancio en finale.

Bien sur des tapas genre tortillas. À tenter sur un fromage comme le Manchego (brebis) ou un Picón de Valdeón, persillé de chèvre et de vache.

– Tio Pepe, Jerez, de chez Gonzalez Byass (DLC Novembre 2014. Robe bien pâle. Nez de voile. Très sec en bouche, comme c’est annoncé sur l’étiquette. Le vin joue son rôle, sans plus. Il ne surprend pas. Simple et court.

Sans hésiter à l’apéritif sur du jambon, clovisses ou salade de poulpe.

– La Gitana, Manzanilla, de chez Hidalgo (bouchon à vis). Robe très pâle. Nez frais. Excellente prise en bouche, du nerf, de l’attaque, notes de fruits secs, bonne petite longueur qui s’achève sur la salinité.

Exquis sur de belles olives, beignets d’anchois, gambas, ratatouille froide.

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– San Leon, Manzanilla, des Bodegas Arguezo. Robe moyennement pâle. Nez pas très net, simple et rustique. Bouche réglisse et fumée.

Ça fonctionne sur le gras du jambon et sur le boudin noir de campagne.

– La Ina, Jerez, de chez Lustau. Robe pâle. Nez plutôt complexe sur la flor et l’amande grillée avec de légères notes de fumé. Belle amplitude en bouche, de la fraîcheur, du mordant, rondeur en milieu de bouche, finale sans bavures sur des notes salines.

L’apéritif presque parfait sur amandes grillées, olives pimentées, jambon bellota, lomo, chorizo, palourdes, anchois frais, sardines grillées…

– La Guita, Manzanilla, de chez Raneira Perez Marin (bouchon à vis, mise en bouteilles décembre 2013). Robe légèrement paillée. Nez fin et discret avec touche d’amande. Une vraie présence en bouche, ça frisotte, léger rancio, manque peut-être un poil de finesse, notes d’amandes salées en finale. C’est bien foutu.

Plus sur des plats de crustacés, langoustines, crevettes, etc.

 El Maestro Sierra, Jerez, des Bodegas Maestro Sierra (Mise en bouteilles en avril 2014). Belle robe pâle. Nez fumé. Dense, ample et riche en bouche, un poil rondouillard, mais bien fait dans l’ensemble.

Apéritif, certes, mais le garder pour un plat de poisson au four, ou pour un plat de morue, une omelette de pommes de terre ou de champignons.

Photo©MichelSmith
Photo©MichelSmith

– Fino Electrico, Montilla-Morilès, de Toro Albala (12 € pour 50 cl. Diffusé par Valade & Transandine chez Soif D’Ailleurs à Paris) Robe pâle. Nez fruité, élégant, notes d’amande fraîche et de fumé. Finesse en bouche, impression de légèreté, complet, finale sur la longueur.

« Une bouche à jambon », quelqu’un. Oui, mais il lui faut un grand pata negra ! Quant à Bruno il le verrait bien sur un turbot. Et pour ma part, je lui propose une brouillade de truffes !

– Puerto Fino, Jerez, de Lustau (élevé à El Puerto Santa Maria). Belle robe légère. Très complexe au nez comme en bouche : notes de fougère, amande fraîche, écorce de citron, iode, silex, épices, vieux cuir, volume… on sent que ce fino est associé à une vieille réserve de type solera tant la longueur le maintient en bouche avec toute sa richesse. Les critiques le propulsent « Roi des Finos » et ils n’ont pas tort.

Un grand apéritif de salon, parfait pour réfléchir aux choses de la vie au creux d’un profond fauteuil. Un bon robusto de Cuba, genre Ramon Allones, pour les inconditionnels du cigare. À essayer aussi sur une cuisine asiatique, Thaï ou Coréenne. Sur une huître tiède à la crème ou sur une mouclade légèrement crémée et épicée.

– Papirusa, Manzanilla, de Lustau (Bouchage vis, aurait dû passer à mon avis avant le précédent). Si je ne me trompe pas, le fino a pour base une solera moins âgée que pour le Puerto Fino. Belle robe blonde. Parfaitement sec en bouche, c’est propre, net, élégant, fraîcheur évidente, salinité bien affirmée, un régal de précision, une touche animale pour finir, genre vieux cuir. Finale exemplaire où le goût du vin reste en bouche pour longtemps. Difficile de dire, en tout cas pour moi, si c’est ce vin qui l’emporte sur l’autre. Question de goût. Toujours est-il que c’est un formidable rapport qualité-prix !

Là encore un vin de cigare, plutôt celui de la fin de matinée. Doit être à l’aise sur de gros crustacés, genre homard thermidor, surtout si on ajoute un peu de fino dans la cuisson. Sinon, parfait pour le jambon de qualité, les fritures de poissons ou de calamars.

Solear, Manzanilla, de chez Barbadillo (Bouchage vis, DLC Avril 2015). Belle robe blonde et lumineuse. Nez discret et fin. Bouche fumée, fraîche avec des notes de fruits cuit (abricot). Un fino assez classique, voire simple et qui s’oxyde assez vite. Il ne fait pas l’unanimité.

Sur des tapas : ailes de poulet, travers de porc, poivrons, sardines à l’escabèche, thon, maquereau.

Photo©MichelSmith
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– 3 En Rama, Jerez, Fino d’El Puerto de Santa Maria, de chez Lustau (50 cl). Blond de robe, fin de nez, exceptionnel de droiture, de finesse et de longueur en bouche, cette série fondée sur la mise en exergue des 3 zones d’élevages de l’appellation confirme la suprématie de Lustau dans l’art de la précision. La complexité en bouche n’est pas absente : noix, amande, touche de bois brûlé, on rêve de le marier à un saumon fumé de belle origine en gravlax. J’ai aussi pensé à un carpaccio de veau avec câpres, huile d’olive, une pointe de vinaigre balsamique et de généreux copeaux de vieux parmesan.

– Sacristia AB, Manzanilla, Secunda Saca 2013, d’Antonio Barbadillo Mateos (37,5 cl, 15°). Robe blonde sans surprise, mais nez surprenant au premier abord, presque moisi. À l’oxydation, le vin devient prenant, dense, entêtant au point qu’il finit par captiver l’auditoire. Huit jours après, il confine au sublime : on devine l’épaisseur, on sent le zeste de citron, le fumé, la salinité et la belle amertume qui vient souligner la finale. Il lui faudrait quelques blocs de maquereau cru avec des feuilles de basilic et des morceaux d’olives vertes et noires, mais là encore on pense au parmesan disposé cette fois-ci sur des asperges vertes légèrement poêlées et servies tièdes avec un filet d’huile de noix. Où alors on lui donne un jeune navet coupé en lamelles fines avec huile d’olive et truffe. Mais on songe aussi à un tartare de cèpes…

– Fino Una Palma, Jerez, Gonzalez Byass (50 cl, mis en bouteilles le 25/10/2013). Un autre monde pour cette palme (la marque repère inscrite à la craie par le maître de chais sur un fût qui se comporte particulièrement bien), la plus jeune d’une série de quatre. Dans ce cas précis, il s’agirait de 3 botas (fûts) assemblées, un Fino de 6 ans d’âge minimum. C’est plein, épais, riche mais bien structuré, rond mais avec ce qu’il faut d’acidité et de jolies notes d’amande grillées. Un très joli vin où l’on ressent la présence excitante de la flor ainsi qu’une longueur assez inhabituelle. Certains pensent au cognac et de ce fait au havane. D’autres évoquent une dégustation de chocolats de différentes origines. De mon côté, je penche pour un très léger curry de crevettes…

Photo©MichelSmith
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– Fino Dos Palmas, Jerez, Gonzalez Byass (50 cl, mis en bouteilles le 15/10/2012). Toujours cette belle étiquette ancienne sur un élégant flacon montrant une robe plus ambrée. Huit ans d’âge au moins, ce qui fait que l’on boit la puissance… Rondeur, intensité, l’acidité se distingue sur la longueur qui, elle même, est assez phénoménale. On boit, on parle, on boit et on reparle, on ne remarque même pas que le vin commence à être chaud depuis le temps qu’il attend son tour dans cette dégustation estivale. C’est un vin de repas, on en convient – Bruno le voit sur un turbot aux morilles -, mais c’est aussi un vin de fauteuil, un vin de méditation.

– Fino Tres Palmas, Jerez, Gonzalez Byass (50 cl, mis en bouteilles le 18/10/2012). Nous sommes sur des vins ayant passé 10 ans sous voile, ce qui est plutôt rare et même rarissime. Au premier abord, on pense à de vieux Château-Chalon. Le style Fino est encore présent, mais on devine quelques touches de rancio caramélisé en finale qui vient s’ajouter à des notes de noisettes grillées. Le vin fait causer. « C’est la mort de la fleur » lance quelqu’un en imaginant le voile qui se déchire et se désintègre petit à petit dans le fût. « Doré, soyeux et tendu en bouche », s’avance un autre dégustateur. Que faire avec ? Lire ? Écouter de la grande musique ? Sombrer dans un profond fauteuil ? Aimer ? Fumer un grand havane ? Contempler la campagne ou la mer, ou le ciel ? Bref, à vous de voir… Sachez qu’il existe un Cuatro Palmas qui est en réalité un très vieil Amontillado tiré d’une très vieille réserve…

– Pastrana, Manzanilla Pasada, La Gitana de Hidalgo. Pour ainsi dire très peu filtré et composée de vins deux fois plus âgés que ceux entrant dans la composition de la Gitana (voir commentaire plus haut), ce vin d’une seule vigne (single vineyard sur l’étiquette) était très mal placé dans notre dégustation. Bien que sa robe ambrée fut agréable à l’œil, je l’ai trouvé un peu éteint, mou, tandis que mes collègues de dégustation ont préféré utiliser le terme « discret ». Certains ont tout de même relevé des volutes de havane et des effluves de fruits secs. On a même envisagé un mariage sur l’huître !

Photo©MichelSmith
Photo©MichelSmith

Antique Fino, Jerez, Bodegas Rey Fernando de Castilla (50 cl). Une gamme de vieux Jerez dans toutes les catégories, voilà ce que propose ce négociant, à commencer par ce Fino luxueusement présenté. Je lui ai trouvé un nez légèrement bouchonné, tandis que d’autres, comme Bruno, ont relevé un nez complexe fait de rancio, de cognac et de vanille. Il l’a d’ailleurs examiné sous l’angle d’un digestif, tandis qu’Isabelle, en fait « son » vin de cigare ! Goûté de nouveau quelques jours après, le côté liège avait disparu pour laisser place à un vin que j’ai trouvé dur et massif, en tout cas pas dans l’esprit fino, même vieux.

Michel Smith

Quelques notes complémentaires et pratiques

-Absente de cette dégustation, il convient de noter la série « En Rama » de la maison Tio Pepe, plutôt Gonzalez Byass, dont le chef de cave, Antonio Flores, met chaque année en bouteilles une sélection particulière donnant lieu à un assemblage de finos pour ainsi dire à l’état brut (non filtrés) ayant passé cinq ans au moins sous voile dans deux chais réputés pour leur hygrométrie. Le souvenir de l’un d’entre eux, goûté il y a trois ans (chaque année, une nouvelle étiquette est copiée sur un modèle ancien) est encore présent… Il faut dire qu’il y avait un remarquable jambon à portée de doigts !

-À propos de la série des Palmas de Gonzalez Byass (voir plus haut), je recommande le récit d’une dégustation du même type organisée par le maître de chais de Gonzalez Byass à laquelle le journaliste Danois Per Karlsson (BKWine Magazine) a pu assister. Et puisqu’il faut tout de même de temps en temps causer prix, le 3 Palmas de Gonzalez Byass tourne autour de 30 € pour 50 cl quand on en trouve en Espagne, le 2 Palmas est à un peu plus de 20 € et le 1 Palma autour de 15 €. Il existe aussi un cuatro Palmas (Manzanilla) mais en Amontillado à près de 90 € (50 cl). Merci encore à Bruno Stirnemann de nous avoir offert ces vins de grande noblesse extirpés de sa cave.

-Dans le même genre d’idée, la maison n’est pas en reste, elle qui commercialise 3 versions de finos en rama, un Jerez (que nous avons dégusté plus haut), une Manzanilla et un autre Jerez mais d’El Puerto de Santa Maria. Compter près de 17 € pour 50 cl.

-Une boutique en ligne ? La plus sérieuse me semble être celle de Villa Viniteca, une institution à Barcelone, avec quelques raretés chères à notre dégustatrice Isabelle Brunet, comme les finos de l’Equipo Havazos hélas absents de notre dégustation. Bien qu’intéressés par tous les vins espagnols, les membres de cette équipe semblent avoir une prédilection pour l’Andalousie. Leur mission : détecter des pépites dans les caves du royaume, se les réserver, suivre leur élevage, puis leur mise en bouteilles, enfin leur commercialisation. Je vous avais déjà déterré quelques bouteilles ici même. Je me souviens d’une exceptionnelle Manzanilla Bota n° 32 qui fait encore frémir mes papilles de jouvenceau… Introuvable désormais, à moins d’un miracle ! Quelques raretés de cette fameuse équipe sont cependant en vente à la Maison du Whisky qui semble en avoir l’exclusivité en France.

bandap

-Une boutique pas trop mal achalandée et proche de la France, le magasin Grau, en Catalogne, où je me suis largement servi en payant ma note, je le précise, au cas où certains auraient des doutes… Sinon, allez sur le site Univum où un large choix est proposé. Un autre site semble s’intéresser au Fino : Vino Iberico. Quant à Lavinia, pourtant partie de l’Espagne, son offre en ligne en France est plutôt décevante en matière de Finos.

-Enfin, un blog sérieux à consulter régulièrement si vous lisez l’anglais : le Sherry Notes du Belge Robert Luyten.

Dos Amigos Andalous

4 Sep

L’époque où il suffisait de lever mon petit doigt pour recevoir une pluie d’échantillons de vins est heureusement révolue pour ce qui me concerne. Le seul hic, c’est qu’il faut que j’y aille de ma bourse pour picoler ! Comme mes compères de blog, fut un temps où j’organisais des dégustations que je croyais savantes en vue de parutions dans des articles pour revues plus ou moins solides, plus ou moins spécialisées. En ce moment, j’ai très soif d’Andalousie. Et par chance, ça tombe bien, car ces vins ne sont pas ruineux.

Au hasard de mes récentes commandes hispaniques, je pioche pour une fois dans l’appellation Montilla-Moriles qui donne, rappelons-le, à peu de choses près ce que l’on goûte du côté de Jerez sauf que le cépage n’est plus le Palomino mais le Pedro Ximénez et qu’à Montilla-Moriles, par décret, on ne mute pas les vins à l’alcool. On en a déjà causé ailleurs, donc je ne vais pas trop m’étendre et plutôt vous conseiller de revoir cet ancien article

De mes achats récents chez Vinissimus – rappelons que même si je les cite souvent, je ne cherche aucunement à faire leur publicité et que je paie mes vins, je retiens deux “coups de cœur”, deux vins, deux approches et deux plaisirs, deux différences de style, deux esprits que je me suis amusé à classer en deux catégories bien distinctes : le compliqué et le facile.

Photo©Vinissimus

Le compliqué

Fino Los Amigos de Perez Barquero

Bien que déclaré fino, mention qui chez moi sous-entend une approche franche et directe en bouche avec le coup de la joie instantanée en plus, ici, ça ne me la fait pas. Il a beau s’adresser “amicalement” à nos palais, Los Amigos ne me livre pas l’amitié franche, sincère et directe à laquelle je m’attends. Ça, c’était une première impression. Puis, une fois entamé, le vin a traîné quelque peu au frigo. En outre, vu son prix, j’avais acheté 3 bouteilles de ce vin, j’ai donc eu suffisamment le temps de l’évaluer. Première erreur, ne pas le servir trop glacé, car ce n’est qu’autour de 13/14° de température que le vin se révèle enfin : notes réglisse, c’est puissant, bien sec, avec un très joli fond concentré et torréfié. Étonnamment long en bouche, un rien langoureux, je le vois finalement comme le vrai complice qu’il promettait d’être, le vrai copain, surtout sur le fromage frais de brebis. Je l’ai particulièrement apprécié aussi en fin de repas, presque comme une liqueur que l’on s’offre alors qu’arrive le moment du café. 6,95 €.

Le facile

Le Fino CB d’Alvear

Photo©MichelSmith

Ayant fréquenté ce vin jadis lors d’un été de canicule où je le trouvais non seulement rafraîchissant, mais proche de l’idée que je me faisais alors – et que je me fais encore – d’un vin synonyme de vacances, vin de chance et d’insouciance, je retrouve avec le Fino de la marque Alvear tout le plaisir du vin d’apéritif et de début de repas. En dépit d’une ouverture parfois pénible (tête de bouchon un peu trop lisse qui nécessite une bonne poigne), on se retrouve ici dans un univers de franchise et de clarté, tout ce qui sied à un Fino. Le nez, d’abord : amande grillée, atmosphère florales d’orangers et citronniers. En bouche, c’est sec, bien sec et structuré dans l’élégance, mais c’est aussi complet, avec un fond salin rehaussé de notes fumées allant vers une finale anisée. J’en recommanderai volontiers, et ferai en sorte de le servir bien autour de 10° de température pour l’associer à toutes sortes de tapas pas trop pimentées, ou sur une entrée plutôt maritime. 6,76 €.

Michel Smith

Une java à Montpeyroux

4 Sep

Faiez la java à Montpeyroux, ça vous dit ? Encore un village de l’arrière-pays, me direz-vous. Plus beau et plus peuplé que le Vailhan d’une de mes dernières livraisons (pour ceux qui suivent…), plus intéressant encore sur le plan viticole, car on me souffle que ce village serait sur le point d’accéder au titre suprême de cru et, qui l’eut crû, au rang de mes “grands crus” du Sud. J’attends cela depuis si longtemps…

C’étai un dimanche de fin avril dernier pour la 23ème édition de ses “Toutes caves ouvertes”, une journée vécue avec bonheur, verre à la main, dans un cadre fou ponctué de fanfares, de déambulations et de dégustations avec, en guise d’apothéose, le repas – classique, mais mémorable – pris en compagnie d’une bande d’amis et supporters du couple vigneron Désirée et Sylvain Fadat. Au menu : pieds et oreilles de cochon ramenés et cuisinés par les parents de Désirée venus d’Espagne tout exprès pour l’occasion, le tout agrémenté de quelques vieux magnums de Carignan surtout pas gnangnan, cépage qui contribue largement à la renommée de ce territoire gagnant.

Pieds de cochon et beaux flacons pour les amis ! Photo©MichelSmith

Quand je le vois venir de loin en remontant l’A75 vers Millau et Clermont-Ferrand, lorsque je sens se rapprocher les Cévennes et le Larzac, je sais que je suis un peu chez moi. Et quand, passé la Thongue, je me rapproche peu à peu de son ventre – la place de l’Horloge – et que je vois pointer le poing du Mont Baudile couronné d’antennes, j’ai des envies de java… de jaja aussi. On pourra relire ce que j’écrivais déjà en 2010 sur la démarche opérée alors, avec le soutien de l’excellente Cave Coopérative de Montpeyroux, par les meilleurs vignerons du village en vue de réclamer un cru, droit qui avait déjà été octroyé au bon vieux temps des VDQS. Je trouve tout à fait louable qu’une armée de vignerons, plutôt que de s’en tenir, en égoïstes, à la seule notoriété de quelques domaines, rassemble ici les forces nécessaires afin de se distinguer sur le marché du vin en adoptant le nom de leur commune, à l’instar de Pommard ou Margaux. Cette décision passée qui laisse désormais espérer un cru Montpeyroux pour 2023/2024, se justifiait encore plus à l’époque face au dynamisme de la toute nouvelle et assez vaste appellation Terrasses du Larzac (32 communes !) qui, depuis, a renforcé son aura de cru hautement recommandable chez les sommeliers comme les critiques. Il est ironique de souligner le fait que les vignerons de Montpeyroux, pourront finalement, selon les parcelles qu’ils cultivent, proposer une gamme riche de trois identités : LanguedocTerrasses du Larzac et Montpeyroux, sans parler de plusieurs IGP (Oc, Mont Baudile, Saint-Guilhem-le-Désert…). Je m’avance un peu, beaucoup même, mais à mes yeux l’appellation risque fort, à terme, de devenir le “phare” des vins du  Languedoc. Certes, l’ambition en ce cas peut paraître quelque peu démesurée… mais pourquoi pas ? À Montpeyroux, rien d’impossible !

King Sylvain ! Photo©MichelSmith

À suivre, les quelques vins – les plus en forme ce jour-là – que j’ai pu retenir lors de cette déambulation par moments folklorique. Je n’ai pu tout goûter, faute de temps et par manque d’ardeur peut-être. Les vins sont présentés dans l’ordre de mes dégustations et vous pourrez sans mal, en quelques clics de recherche sur Internet, en savoir plus sur chaque domaine. Commencez donc par les retrouver listés ici dans leur totalité.

Domaine d’Aupilhac

L’un des plus réputés du Sud de la France, premières cuvées de Carignan en 1989, première médaille d’or l’année suivante, en bio depuis fort longtemps, ce domaine tient grâce au dynamisme du couple Désirée et Sylvain Fadat. On peut considérer que tous les vins sont d’un excellent niveau. En voici quelques-uns.

-Le Gris 2021, Vin de France composé de Clairette rose, de Carignan et de Grenache tous deux gris, est un très joli vin dodu, mais structuré et d’une longueur notoire. Autour de 13 €.

-Le Cinsault 2020, Vin de France, après 14 mois d’élevage en petits foudres, est un modèle de finesse en rouge, non dénué de densité et de matière. Autour de 17 €.

-Aupilhac 2019, Languedoc Montpeyroux gaillard au possible, élevage de 30 mois en petits foudres et barrique usagés, est en plein sur la fraîcheur, profond, garrigue et terre chaude, sur tannins finement boisés. L’exemple du cru. Par expérience, je sais qu’on en a pour 20 ans de garde minimum ! 17 €.

-La Boda 2018, Languedoc Montpeyroux, assemblage des Cocalières, amphithéâtre volcanique sur roche calcaire, et d’Aupilhac, éboulis sur marnes bleues, rouge vinifié et élevé 30 mois en cuves tronconiques, encore replié sur lui-même, matière serrée, bien droit, poivré et long en bouche. Environ 35 €.

-Le Clos 2019, Languedoc Montpeyroux principalement issu d’un secteur de marnes bleues, toujours 30 mois de fûts, est un peu, cépages mis à part, le Petrus du Languedoc. Une cohabitation entre Mourvèdre et Carignan, avec une petite place pour la Syrah. Nez où l’on sent l’élevage en fûts avec un accent de garrigue estivale. Belle densité, profondeur, droiture, tannins magnifiques, c’est un grand vin de garde, 30 à 40 ans au moins ! Environ 50 €.

Domaine Alain Chabanon

Toujours aussi haut classé dans l’esprit des amateurs, il est intéressant de suivre cette cave dont l’expérience n’est plus à remettre en cause.

-L’Esprit de Font Caude 2016, Languedoc Montpeyroux, toujours aussi exemplaire, est un rouge armé d’un fruit magnifique, très précis, long en bouche, ample et profond, tout en restant marqué par des tannins en beauté qui augurent d’une belle garde. J’ai goûté pas mal de vins d’Alain lors de Millésime Biocommentaires à lire dans ce lien. Environ 35 €

Les filles (sœurs ?) d’Amile. Photo©MichelSmith

Mas d’Amile

Ce petit domaine tenu par Amélie et son frère Sébastien ne cesse de progresser au fil des ans avec, en particulier, deux cuvées de cépage unique.

-Terret blanc 2021, Vin de France produit depuis 2014 en petite quantité (800 bouteilles en 2021) cette version est dynamique en bouche, pleine, presque suave (légères touches de sucre résiduel), avec un côté majestueux. Garder au moins 5 ans avant de l’attaquer sur des pâtes aux champignons. 18 €.

-Le Petitou 2020, aussi joyeux que son étiquette le laisse deviner, est un Terrasses du Larzac rouge bigrement attachant, en plein sur le fruit et prêt à boire frais. 9 €.

-Vieux Carignan 2017, IGP Saint-Guilhem-le-Désert, un petit hectare, un an d’élevage en barriques usagées : nez particulièrement beau ainsi qu’une sacrée amplitude en bouche. En bon vieux pionnier, je célébrais ce vin (version 2008) il y a une douzaine d’années dans le numéro 28 de Carignan Story ! 16 €.

Domaine Terre de Feu

Un couple charmant que Katherin, l’Allemande et Gonzalo Amigo, l’Argentin, couple qui se trouve à la tête de 7 ha travaillés en bio depuis 5 ans et sur lesquels je fonde plein d’espoirs.

-Glace 2019, IGP Pays d’Oc, est un blanc remarquable d’expression fruitée et d’éclat en bouche. 12 €.

-Tout Flamme 2019, Languedoc Montpeyroux, rouge plaisant d’assemblage classique (sans le Mourvèdre), est plein de largesse et de sourire, le tout dans l’amplitude et la longueur. 12 €.

Domaine Flo Busch

Un autre couple très prometteur, Paola et Florian – lui est passé de la Moselle jusqu’au Domaine d’Aupilhac – partage leur temps entre la vigne et les plantes aromatiques. Bio et biodynamie, vins ni filtrés, ni collés, j’avoue que leurs vins ont quelque chose de passionnants.

-Heureux qui comme… 2020, Vin de France. Sur sols de marnes bleues et jaunes avec fossiles et dépôts de grès, ce rouge Carignan et Grenache noir en partie élevé en barriques, se remarque surtout par un bel équilibre et une longueur de bon aloi. 15 €.

-Pointe du jour 2020, Vin de France associant Syrah et Carignan. Superbe impression de matière enrobée de velours avec beaucoup de charnu, de rebond et de longueur conduisant à une belle finale. À suivre. 20 €.

Villa Dondona

Une maison au sein du pitoresque Barry (l’ancien village) et une cave près de la coopérative, tel est le petit monde de Jo Lynch et d’André Suquet dont la vie s’articule autour d’une superbe vigne de 8 ha au-dessus de Montpeyroux. Que de belles surprises !

-Esperel 2015, Landuedoc. Un très jovial blanc (Roussanne, Marsanne, Vermentino, Grenache blanc), très rafraîchissant, bien structuré, plein, précis et long en bouche.

-Chemin des Crayades 2019, IGP Saint-Guilhem ici consacrée au seul Carignan, c’est droit, bien encadré par les tannins souples, belle tenue, longueur. Peut encore tenir 5 ans.

-Que du Grenache 2019, IGP Hérault. Ici on a l’élégance du Grenache noir cueilli à point, fraîcheur bien présente, souplesse alerte, longueur, finesse en guise de fin. Un petit régal, sans trop attendre.

-Dondona 2019 et 2020, Languedoc Montpeyroux. Le premier fort bien noté par sa présence, sa densité et sa largesse, le second mieux encore par l’extrême élégance de sa matière. Encore 5 ans pour ne pas gâcher l’esprit charmeur de ces bouteilles.

-Oppidum 2015, Languedoc Montpeyroux. Axé sur le Mourvèdre (majoritaire) et la Syrah, avec douze mois d’élevage en barriques, le nez est à la fois fin et frais, notes de garrigue, belle attaque, amplitude, vif et charnu, voilà un rouge marqué par une très belle finale sur des tannins grillés. On peut encore attendre 5 à 10 ans, probablement plus.

Jo, dans tous ses états ! Photo©MichelSmith

L’Aiguelière

Après Aimé, puis Auguste Commeyras, c’est le jeune Antoine qui reprend fièrement ce domaine réputé longuement tourné vers la seule Syrah. La sixième génération de vignerons arrive avec quelques nouveaux vins sur lesquels il faudra désormais compter. Quand bien même faudrait-il aussi raccourcir la gamme pour plus de précision, notamment au passage en cru.

-Sarments 2020, IGP Saint-Guilhem-le-Désert, est un blanc que se partagent à égalité Sauvignon et Viognier. On sent du rythme, une forte et belle densité, ainsi qu’une légère et agréable amertume pour souligner la finale. 13 €.

-Côte Rousse 2019, Languedoc Montpeyroux, agréable rouge Syrah/Grenache, un peu lisse d’aspect, plutôt facile, tannins comme adoucis, prêt à boire. 8.000 bouteilles. 23 €.

Côte Dorée 2019, Languedoc Montpeyroux. Avec 4.000 bouteilles, je dois admettre que cette pure Syrah est resplendissante : matière riche et abondante, épatante structure tannique, longueur, c’est un grand vin de garde, pour dix ans, voire plus. 23 €.

-Anthénor 2020, Terrasses du Larzac. Il doit y avoir une erreur d’appellation que je n’ai pas relevée lors de ma dégustation, car ce pur Cabernet Sauvignon au nom d’Anthénor, le grand-père d’Antoine, vin tiré à un millier d’exemplaires, ne saurait être en AOP et ce, même si cette cuvée, moelleuse et portée sur le fruit, avec de jolies notes cacaotées et des tannins bien dessinés, attire les dégustateurs. 58 €.

Voilà, c’était la Java de Montpeyroux !

Michel Smith

Millésime Bio 2022 : mon petit parcours.

3 Avr

Bio ou pas, le tout dernier jour d’un salon consacré au vin a le plus souvent l’allure d’un vagabondage apaisant, et ce, pour plusieurs raisons, à commencer par le fait que l’on y croise moins d’emmerdeurs, moins d’anciens combattants de la vitisphère aussi, moins de vignerons saisis de grossetêtisme aigu, de journalistes désœuvrés ou sur le déclin (c’est mon cas !), moins de sommeliers starisés, moins d’attroupements aux stands des célébrités vigneronnes. En route pour une journée de dégustations à Millésime Bio 2022.

©Salon Millésime Bio

En réalité, pour bien visiter un tel salon (plus de 1.500 exposants), il faut s’organiser, planifier ses dégustations, parcourir des kilomètres en tentant d’éviter les enseignes amies afin de respecter au mieux un planning et enfin, boire, boire beaucoup d’eau. Autant de choses dont je me sens incapable. Sans organisation précise, il faut donc se fier à l’improvisation et à la liberté qui en découle. Suffit alors d’arpenter une travée prise au hasard, d’éviter les invitations pressantes de commerciaux aux allures de rabatteurs de boîtes de nuit, ne pas trop se fier aux mines souriantes des uns et des autres, marcher droit en levant bien la tête pour repérer les noms d’exposants, noms qui déclenchent l’envie de passer son chemin ou, au contraire, de s’arrêter pour une pause ou une dégustation des plus complètes. Ce faisant, on accepte le principe du choix arbitraire, voire hasardeux : c’est ainsi que, de manière à ne pas trop embrouiller mon palais, et ce, jusqu’à l’heure du déjeuner, j’attaque sans discussion au blanc sec, puis j’accélère aussi sec au rouge jusqu’à ce que la faim, comme réveillée par les tannins, se profile et me tenaille. Pour finir, clore la visite par des bulles. Pas de vins spéciaux, privé de liqueurs, de cidres, poirés ou bières…

On part donc avec l’idée que l’on ne va pas participer à un marathon-dégustation à l’image de ce que l’on savait faire lorsque l’on était jeune et beau, mais que l’on s’autorise juste une promenade curieuse pleine de bonnes surprises. Accepter enfin le fait que l’on ne peut pas tout en même temps goûter, cracher, se concentrer, prendre de notes et photographier. Ceci explique la pauvreté des illustrations dans ce reportage, la plupart de mes photos étant ratées du fait d’un encombrement quelque peu déstabilisant : carnet, stylo, mouchoir en papier, portable, etc.

©PhotoMichelSmith

Il me fallait des blancs en ce début de matinée lorsque je me suis scotché au stand de Jean (le père) et Victor (le fils) Gardiès qui, selon ma propre expérience des vins du Roussillon, sont à mettre en peloton de tête d’un éventuel top ten de cette région qui fut longtemps la mienne. Les Gardiès m’ont présenté 4 blancs secs, tous impeccables, issus de leurs vignes, ce qui prouve une fois de plus que le Roussillon devient de plus en plus un eldorado pour des vins de cette catégorie. Les quatre, de vignes, de cépages sudistes, d’assemblages et d’élevages différents, traduisent la grandeur des paysages de la Vallée de l’Agly et attestent de façon admirable le travail sérieux et réfléchi effectué de longue date par Jean Gardiès. Mon préféré est la Torreta (40 €), un vin nouveau basé sur le Tourbat en majorité (Malvoisie du Roussillon) et le Maccabeu, le tout élevé plusieurs mois en demi-muids et 12 mois en bouteilles. Moins cher, le Grenache gris joliment intitulé « Je cherche le ciel » (19 €) est tout aussi remarquable. Ça commence bien, et j’ai au moins une photo !

©PhotoMichelSmith

Deuxième halte blanche, angevine cette fois, au Domaine Ogereau qui, sur 23 ha de vignes, en possède 5 ha en Savennières, le tout avec des lieux-dits bien répartis en 3 appellations. C’est parfaitement expliqué par Emmanuel Ogereau sur le site maison. Je ne goûte que les 2020 actuellement en vente et, après une “Saponnaire” ample et persistante, je pose mon nez sur la délicatesse des “Bonnes Blanches” (24 €), un sec doté d’une éclatante acidité évoquant cette lumière que l’on ne trouve qu’en bord de Loire. Retour vers le Layon, l’Anjou “Vent de Spilite” est comme cisaillé, sculpté par le temps, offrant droiture et structure, le tout porté par une persistance de toute beauté. On remonte vers Chaume avec cette “Martinière” d’appellation Anjou aux sols chauds et caillouteux qui évoquent puissance et longueur. Vient un Savennières “Le Grand Beaupréau” (27 €), clos situé sur les hauteurs aux pieds du moulin du même nom. Je tombe amoureux de ce vin car, tout en restant sur la fraîcheur tonique, je me laisse prendre par le gras, l’épaisseur, l’opulence… Une veine de grès sur le même coteau me fait tomber sur un Savennières “L’Enthousiasme”, blanc étale à la fraîcheur exemplaire, sans parler de la fougue énergique et de la longueur. Pour finir, un Coteaux-du-Layon Saint-Lambert (20 €), un entre-deux qui associe la finesse du botrytis à l’éclat de la fraîcheur. Je compte bien me rincer en beauté au Crémant, mais il n’y en a pas…

Par bonheur se pointe le Domaine Sauvète et son Touraine Sauvignon 2020 (10 €) très agréable de maturité, prêt à boire et joliment savoureux comme l’est le même cépage en Touraine Chenonceaux 2019 (14 €) à la fois clair et bien dessiné. Au passage, je ne peux passer à côté d’un rouge “Antea” 2018 de même appellation (comme de prix) marqué par 80 % de Côt aux jolies notes de cassis.

Photo©OlivierLebaron

I mix French and English with Deborah and Peter du Mas Gabriel et un délicieux Carignan blanc d’IGP Hérault 2021 (16 €). Bien que j’en sois tenté, je ne vais pas faire appel à la “minéralité”, mais plus à l’éclat fruité que m’évoque ce beau vin : poire et pomme presque blette, soleil, en veux-tu, en voilà, longueur aussi, acidité avec une pointe de verveine citronnée, c’est à mon avis un blanc d’avenir qu’il convient d’encaver. À noter que les “Trois Terrasses”, rouge 2020 (13 €) à majorité Carignan, au joli nez fin, velouté et notes de café en grains, souple, mais long, reste une fort belle affaire.

Languedoc toujours, même secteur de Caux, avec la Font des Ormes, domaine de 20 ha d’un seul tenant et un premier et prometteur millésime (2021, 14 €) blanc à forte majorité Rolle complété par le Grenache gris, aussi intéressant en complexité et longueur que l’IGP Pays de Caux 2021 (18 €), de pur et vieux Terret Bourret, sol de basalte sur calcaire. En rouge, je suis étonné par l’élégance du Coteaux-du-Languedoc Pézenas “Basalte” 2016 (28 €) dont les vignes de Mourvèdre, Syrah et Grenache sont au sommet d’une coulée de lave : notes salées, fumées, harmonie, distinction des tannins et jolis fruits rouges tout en longueur. Noter que ces deux cuvées existent en magnum.

Immanquable arrêt au stand d’Alain Chabanon, un des grands noms du Languedoc. On attaque avec le rosé “Tremier“ 2020 de pressurage direct, IGP Saint-Guilhem-le-Désert (12 €) à 80% Mourvèdre, reste Grenache blanc toujours aussi craquant de franchise ponctuée par un léger grésillement tannique. Un Terrasses-du-Larzac 2020 “Campredon” (Mourvèdre, Syrah, Grenache presque à égalité (16,50 €) vient ensuite : encore un peu perturbé par la mise récente, il ne livre qu’un joli fruit et une belle fermeté. Cependant, mon préféré en rouge reste tout de même le joli clin d’œil au Merlot “Petit Merle aux Alouettes” 2020 (16,50 €) qui, avec une macération de 30 jours, nous offre une magnifique matière, du grain et de formidable tannins équilibrés.

Prochain quai d’amarrage, celui de Rémy Soulié du Domaine des Soulié, à Assignan, un des tout premiers bio de France. J’y vais d’habitude pour son Malbec franc et sincère (7,50 €), ainsi que pour le sourire du vigneron et pour son Saint-Chinian toujours simple, joyeux et équilibré (7,50 € pour le 2021). Mais c’est la version 2020 d’un pur Cinsault (7,50 €), IGP Vin de Pays des Monts de Lagrage, certes un peu vert, mais bigrement frais et décoiffant en bouche, que je retiens le plus.

Photo©DomaineSérol

Puisque le rouge est lancé, c’est au tour du GamayCarine et Stéphane Sérol, comme toujours, sont à la manœuvre avec une Côte Roannaise 2020 “Les Millerands”, vieux plants de Gamay de 70, 90 et 110 ans d’âge à 520 m d’altitude qui d’emblée vous font sourire de plaisir tant la bouche est juteuse autant qu’harmonieuse. Engouement personnel pour le “Perdrizière” 2020 (sol de gorrhe) somptueux malgré une matière en réserve, particulièrement long en bouche et armé de jolis tannins. Sans soufre, 7 mois en amphores, “Chez Coste” 2020, vignes de 30 ans, ne démérite pas non plus : joli nez, souplesse en attaque, mais vif par la suite, bien structuré, il fait preuve d’allant et de charme. Et pour clore la séance, on a droit à une coupe de Méthode ancestrale dégorgée “Turbulent”, un pur jus de Gamay ne titrant que 9,5° (12 €) toujours aussi allègre et si beau à mirer !

Pto©MichelSmith

Au tour du Champagne avec deux maisons (et domaines) en ligne de mire, à commencer par Fleury qui se compose de 15 ha de vignes dans l’Aube. Sur 10 cuvées dégustées, dont deux Coteaux Champenois blanc et rouge, je retiens le brut nature “Notes blanches” 2015, un pur Pinot blanc toujours aussi vif, brillant, dense et plein d’esprit. Le très Pinot noir “Sonate” 2012, à la fois épicé, grillé et blé mûr, avait du mal à aller plus loin, car servi trop glacé. Ce ne fut pas le cas en revanche de mon favori du moment, le pur Pinot noir sans dosage (extra brut) “Boléro” 2008 (90 €), élevé au tiers sous bois, que j’ai adoré à la fois pour son bon rapport acidité/gras/densité, mais aussi pour sa structure et sa longueur. 

Enfin, au stand Leclerc Briant, maison qui dispose de 14 ha de vignes près d’Épernay, j’ai le plaisir de goûter un “Blanc de Meunier” 2015 (140 €), cuvée crée avec le millésime 2013 à partir de cépage Meunier ou Pinot Meunier provenant du nord de la Montagne de Reims. Un zéro dosage large et expressif en bouche, poire et pomme dominantes sur fond presque miellé. Tirage de 3 à 4.000 bouteilles.

Michel Smith