Archive | avril, 2022

Millésime Bio 2022 : mon petit parcours.

3 Avr

Bio ou pas, le tout dernier jour d’un salon consacré au vin a le plus souvent l’allure d’un vagabondage apaisant, et ce, pour plusieurs raisons, à commencer par le fait que l’on y croise moins d’emmerdeurs, moins d’anciens combattants de la vitisphère aussi, moins de vignerons saisis de grossetêtisme aigu, de journalistes désœuvrés ou sur le déclin (c’est mon cas !), moins de sommeliers starisés, moins d’attroupements aux stands des célébrités vigneronnes. En route pour une journée de dégustations à Millésime Bio 2022.

©Salon Millésime Bio

En réalité, pour bien visiter un tel salon (plus de 1.500 exposants), il faut s’organiser, planifier ses dégustations, parcourir des kilomètres en tentant d’éviter les enseignes amies afin de respecter au mieux un planning et enfin, boire, boire beaucoup d’eau. Autant de choses dont je me sens incapable. Sans organisation précise, il faut donc se fier à l’improvisation et à la liberté qui en découle. Suffit alors d’arpenter une travée prise au hasard, d’éviter les invitations pressantes de commerciaux aux allures de rabatteurs de boîtes de nuit, ne pas trop se fier aux mines souriantes des uns et des autres, marcher droit en levant bien la tête pour repérer les noms d’exposants, noms qui déclenchent l’envie de passer son chemin ou, au contraire, de s’arrêter pour une pause ou une dégustation des plus complètes. Ce faisant, on accepte le principe du choix arbitraire, voire hasardeux : c’est ainsi que, de manière à ne pas trop embrouiller mon palais, et ce, jusqu’à l’heure du déjeuner, j’attaque sans discussion au blanc sec, puis j’accélère aussi sec au rouge jusqu’à ce que la faim, comme réveillée par les tannins, se profile et me tenaille. Pour finir, clore la visite par des bulles. Pas de vins spéciaux, privé de liqueurs, de cidres, poirés ou bières…

On part donc avec l’idée que l’on ne va pas participer à un marathon-dégustation à l’image de ce que l’on savait faire lorsque l’on était jeune et beau, mais que l’on s’autorise juste une promenade curieuse pleine de bonnes surprises. Accepter enfin le fait que l’on ne peut pas tout en même temps goûter, cracher, se concentrer, prendre de notes et photographier. Ceci explique la pauvreté des illustrations dans ce reportage, la plupart de mes photos étant ratées du fait d’un encombrement quelque peu déstabilisant : carnet, stylo, mouchoir en papier, portable, etc.

©PhotoMichelSmith

Il me fallait des blancs en ce début de matinée lorsque je me suis scotché au stand de Jean (le père) et Victor (le fils) Gardiès qui, selon ma propre expérience des vins du Roussillon, sont à mettre en peloton de tête d’un éventuel top ten de cette région qui fut longtemps la mienne. Les Gardiès m’ont présenté 4 blancs secs, tous impeccables, issus de leurs vignes, ce qui prouve une fois de plus que le Roussillon devient de plus en plus un eldorado pour des vins de cette catégorie. Les quatre, de vignes, de cépages sudistes, d’assemblages et d’élevages différents, traduisent la grandeur des paysages de la Vallée de l’Agly et attestent de façon admirable le travail sérieux et réfléchi effectué de longue date par Jean Gardiès. Mon préféré est la Torreta (40 €), un vin nouveau basé sur le Tourbat en majorité (Malvoisie du Roussillon) et le Maccabeu, le tout élevé plusieurs mois en demi-muids et 12 mois en bouteilles. Moins cher, le Grenache gris joliment intitulé « Je cherche le ciel » (19 €) est tout aussi remarquable. Ça commence bien, et j’ai au moins une photo !

©PhotoMichelSmith

Deuxième halte blanche, angevine cette fois, au Domaine Ogereau qui, sur 23 ha de vignes, en possède 5 ha en Savennières, le tout avec des lieux-dits bien répartis en 3 appellations. C’est parfaitement expliqué par Emmanuel Ogereau sur le site maison. Je ne goûte que les 2020 actuellement en vente et, après une “Saponnaire” ample et persistante, je pose mon nez sur la délicatesse des “Bonnes Blanches” (24 €), un sec doté d’une éclatante acidité évoquant cette lumière que l’on ne trouve qu’en bord de Loire. Retour vers le Layon, l’Anjou “Vent de Spilite” est comme cisaillé, sculpté par le temps, offrant droiture et structure, le tout porté par une persistance de toute beauté. On remonte vers Chaume avec cette “Martinière” d’appellation Anjou aux sols chauds et caillouteux qui évoquent puissance et longueur. Vient un Savennières “Le Grand Beaupréau” (27 €), clos situé sur les hauteurs aux pieds du moulin du même nom. Je tombe amoureux de ce vin car, tout en restant sur la fraîcheur tonique, je me laisse prendre par le gras, l’épaisseur, l’opulence… Une veine de grès sur le même coteau me fait tomber sur un Savennières “L’Enthousiasme”, blanc étale à la fraîcheur exemplaire, sans parler de la fougue énergique et de la longueur. Pour finir, un Coteaux-du-Layon Saint-Lambert (20 €), un entre-deux qui associe la finesse du botrytis à l’éclat de la fraîcheur. Je compte bien me rincer en beauté au Crémant, mais il n’y en a pas…

Par bonheur se pointe le Domaine Sauvète et son Touraine Sauvignon 2020 (10 €) très agréable de maturité, prêt à boire et joliment savoureux comme l’est le même cépage en Touraine Chenonceaux 2019 (14 €) à la fois clair et bien dessiné. Au passage, je ne peux passer à côté d’un rouge “Antea” 2018 de même appellation (comme de prix) marqué par 80 % de Côt aux jolies notes de cassis.

Photo©OlivierLebaron

I mix French and English with Deborah and Peter du Mas Gabriel et un délicieux Carignan blanc d’IGP Hérault 2021 (16 €). Bien que j’en sois tenté, je ne vais pas faire appel à la “minéralité”, mais plus à l’éclat fruité que m’évoque ce beau vin : poire et pomme presque blette, soleil, en veux-tu, en voilà, longueur aussi, acidité avec une pointe de verveine citronnée, c’est à mon avis un blanc d’avenir qu’il convient d’encaver. À noter que les “Trois Terrasses”, rouge 2020 (13 €) à majorité Carignan, au joli nez fin, velouté et notes de café en grains, souple, mais long, reste une fort belle affaire.

Languedoc toujours, même secteur de Caux, avec la Font des Ormes, domaine de 20 ha d’un seul tenant et un premier et prometteur millésime (2021, 14 €) blanc à forte majorité Rolle complété par le Grenache gris, aussi intéressant en complexité et longueur que l’IGP Pays de Caux 2021 (18 €), de pur et vieux Terret Bourret, sol de basalte sur calcaire. En rouge, je suis étonné par l’élégance du Coteaux-du-Languedoc Pézenas “Basalte” 2016 (28 €) dont les vignes de Mourvèdre, Syrah et Grenache sont au sommet d’une coulée de lave : notes salées, fumées, harmonie, distinction des tannins et jolis fruits rouges tout en longueur. Noter que ces deux cuvées existent en magnum.

Immanquable arrêt au stand d’Alain Chabanon, un des grands noms du Languedoc. On attaque avec le rosé “Tremier“ 2020 de pressurage direct, IGP Saint-Guilhem-le-Désert (12 €) à 80% Mourvèdre, reste Grenache blanc toujours aussi craquant de franchise ponctuée par un léger grésillement tannique. Un Terrasses-du-Larzac 2020 “Campredon” (Mourvèdre, Syrah, Grenache presque à égalité (16,50 €) vient ensuite : encore un peu perturbé par la mise récente, il ne livre qu’un joli fruit et une belle fermeté. Cependant, mon préféré en rouge reste tout de même le joli clin d’œil au Merlot “Petit Merle aux Alouettes” 2020 (16,50 €) qui, avec une macération de 30 jours, nous offre une magnifique matière, du grain et de formidable tannins équilibrés.

Prochain quai d’amarrage, celui de Rémy Soulié du Domaine des Soulié, à Assignan, un des tout premiers bio de France. J’y vais d’habitude pour son Malbec franc et sincère (7,50 €), ainsi que pour le sourire du vigneron et pour son Saint-Chinian toujours simple, joyeux et équilibré (7,50 € pour le 2021). Mais c’est la version 2020 d’un pur Cinsault (7,50 €), IGP Vin de Pays des Monts de Lagrage, certes un peu vert, mais bigrement frais et décoiffant en bouche, que je retiens le plus.

Photo©DomaineSérol

Puisque le rouge est lancé, c’est au tour du GamayCarine et Stéphane Sérol, comme toujours, sont à la manœuvre avec une Côte Roannaise 2020 “Les Millerands”, vieux plants de Gamay de 70, 90 et 110 ans d’âge à 520 m d’altitude qui d’emblée vous font sourire de plaisir tant la bouche est juteuse autant qu’harmonieuse. Engouement personnel pour le “Perdrizière” 2020 (sol de gorrhe) somptueux malgré une matière en réserve, particulièrement long en bouche et armé de jolis tannins. Sans soufre, 7 mois en amphores, “Chez Coste” 2020, vignes de 30 ans, ne démérite pas non plus : joli nez, souplesse en attaque, mais vif par la suite, bien structuré, il fait preuve d’allant et de charme. Et pour clore la séance, on a droit à une coupe de Méthode ancestrale dégorgée “Turbulent”, un pur jus de Gamay ne titrant que 9,5° (12 €) toujours aussi allègre et si beau à mirer !

Pto©MichelSmith

Au tour du Champagne avec deux maisons (et domaines) en ligne de mire, à commencer par Fleury qui se compose de 15 ha de vignes dans l’Aube. Sur 10 cuvées dégustées, dont deux Coteaux Champenois blanc et rouge, je retiens le brut nature “Notes blanches” 2015, un pur Pinot blanc toujours aussi vif, brillant, dense et plein d’esprit. Le très Pinot noir “Sonate” 2012, à la fois épicé, grillé et blé mûr, avait du mal à aller plus loin, car servi trop glacé. Ce ne fut pas le cas en revanche de mon favori du moment, le pur Pinot noir sans dosage (extra brut) “Boléro” 2008 (90 €), élevé au tiers sous bois, que j’ai adoré à la fois pour son bon rapport acidité/gras/densité, mais aussi pour sa structure et sa longueur. 

Enfin, au stand Leclerc Briant, maison qui dispose de 14 ha de vignes près d’Épernay, j’ai le plaisir de goûter un “Blanc de Meunier” 2015 (140 €), cuvée crée avec le millésime 2013 à partir de cépage Meunier ou Pinot Meunier provenant du nord de la Montagne de Reims. Un zéro dosage large et expressif en bouche, poire et pomme dominantes sur fond presque miellé. Tirage de 3 à 4.000 bouteilles.

Michel Smith

Millésime Bio 2021 : dégustation privée.

3 Avr

Bon je ne vous fais pas de dessin : Covid oblige, le salon Millésime Bio 2021 de Montpellier que nous apprécions tous en temps ordinaires a opté cette année pour des rendez-vous cent pour cent digitalisés, What’s Up et autre Zoom, entre «exposants» et «visiteurs» ou bien, dans le même esprit, pour des contacts très directs par écrans interposés afin d’assister à des conférences «live». Désolé, mais pas trop pour moi.

En revanche, les filles (il paraît qu’il y a aussi des gars…) de l’agence Clair de Lune (à Lyon), qui s’occupent de la presse pour le salon, m’ont gentiment proposé de choisir une dizaine d’échantillons parmi les 520 vins médaillés par Sudvinbio, l’organisateur du salon et du Challenge Millésime Bio qui va avec. Ravi de pouvoir faire un choix en vue de cet article, je me suis concentré sur les 217 médaillés d’or de 12 pays. J’avoue que ce chiffre (217) m’a paru énorme. Face à l’inévitable dilemme du choix, je me suis souvenu d’une sage recommandation de Tim Atkin (Master of Wine, svp) qui me rappelait dans son blog, hélas je ne me souviens plus quand avec certitude, qu’il ne fallait en aucun cas attribuer de médaille d’or à moins que l’on soit prêt soi-même à acheter un carton du vin que l’on s’apprête à mettre à l’honneur. Sage remarque toute britannique.

Je me souviens moi-même avoir commis un (ou deux) billet furibard contre la bouffonnerie de certaines compétitions de vins. Et c’est pourquoi je rappelle en préambule, contradiction oblige, que je suis personnellement contre le cinéma – pour ne pas dire le cirque – des médailles que l’on distribue à tout va. Cette démarche toujours très en vogue, à mon avis, ne grandit pas le vin mais l’élève en produit purement, simplement et bassement commercial caché sous l’honorable prétexte de guider le consommateur. Éternel débat dans lequel je ne vais pas m’attarder. Étant plutôt de bonne humeur, pour une fois j’accepte l’idée qu’il est nécessaire de tout faire, surtout en période de crise mondiale, pour doper la vente de vin sachant que, par la force des choses, la médaille d’or garantit au minimum une augmentation des ventes de 30%, ce qui n’est pas négligeable pour un domaine. Tout cela pour dire que, pour une fois, je me plie au jeu des médailles.

Millésime Bio 2021 sous Covid ©MillésimeBio

Revenons à ma dégustation. Donc, je reçois les échantillons de médaillés d’or Challenge Millésime Bio 2021 à la maison, certains avec pas mal de retard (toujours ces satanés livreurs qui ne viennent que lorsqu’on ne les attend plus et lorsqu’ils ne sont pas annoncés) et j’arrive tout de même à aligner neuf flacons, un peu plus en réalité car deux domaines déjà connus de mes narines ont jugé bon de me faire une idée de leur travail sur d’autres cuvées. Un dixième échantillon venu d’Espagne étant arrivé hors délai, sera dégusté en dernier, en solitaire. Pour corser l’exercice, pour récompense aussi, je me suis autorisé d’ajouter à la fin deux magnifiques Cornas « Les Ruchets » que venait de m’adresser mon vieil ami Jean-Luc Colombo, vins sur lesquels je reviendrai prochainement.

Je vais donc vous présenter les 10 vins médaillés d’or dans le sens de la dégustation avec leur prix de vente TTC départ cave. Quels ont été mes critères ? Vu la quantité proposée – 217 médaillés d’or – je n’avais que l’embarras du choix. J’ai donc pioché un peu au hasard en prenant deux ou trois domaines déjà connus dans mon Sud d’adoption, puis à l’Ouest un blanc Nantais, un Libournais, un Loire avec bulles, un rosé de Béziers (ma ville de résidence), un Italien, un Espagnol, un Portugais… N’étant pas à l’abri d’une défaillance, pour m’épauler j’ai fait appel à mon ami et talentueux dégustateur-caviste Bruno Stirnemann. Après avoir réparti les vins classiquement (bulles, blanc, rosé, puis rouges) nous voilà partis pour une bonne heure de dégustation non aveugle, mais exempte en principe d’à-priori.

-Crémant de Loire 2019 brut nature, cuvée Ancestrale, Château de Passavant. Entre 13 et 14€

Estampillé Demeter, cet assemblage (chenin 60%, le reste partagé entre cabernet franc et chardonnay) d’un domaine réputé pour son travail exigeant ne nous a pas paru aussi expressif qu’il devrait l’être. Il manquait même à mes yeux d’une indispensable structure acide (un peu plus de 3g/l sur la fiche technique), affichant une rondeur inattendue et décevante. Une certaine franchise tout de même, une matière fournie et des notes croustillantes de pain grillé. Plus un vin de repas (sur un canard aux navets) que d’apéritif. Pour notre part, une médaille d’argent, mais pas en or.

-Muscadet-de-Sèvre-et-Maine 2019, Château de La Gravelle. 15€ environ

Lui aussi d’une attaque un peu mollassonne – est-ce le millésime ou la personnalité du terroir volcanique (gabbro) de Gorges ? -, le vin, bien que long en bouche, manquait de tension et d’expression à la première approche tandis qu’à l’aération, il se complexifiait singulièrement, offrant des notes florales sur une bouche ample et fruitée (poire blette) gratifiée d’une superbe finale. Après débat entre membres d’un jury, on lui aurait volontiers concédé une place d’honneur, mais pas d’or. Goûter sur des légumes en bâtonnets très légèrement cuits avec un aïoli plutôt léger.

-Coteaux de Béziers «Edena» 2020, Domaine Pierre Chauvin. 6,50€

En dépit d’un bouchage vis qui mérite un bon point, hormis quelques notes de fraîcheur et de noyau de pêche, ce vin ne dépassera pas à nos yeux le stade d’un rosé classique, sans autre ambition particulière que de satisfaire la soif des baigneurs attablés dans un restaurant de plage. De là à mériter une médaille d’or… Allez, le bronze à la rigueur.

-Terrasses du Larzac 2018 «La Villa Romaine», Mas des Quernes. 25€

Nez à fond sur les effluves de garrique après la pluie, la bouche se fait dense, profonde, marquée par des tannins d’une belle fermeté et une longueur estimable. Plus d’une semaine après, la bouteille entamée se goûtait rudement bien, reflétant indéniablement l’étoffe d’un vin de garde d’au moins 10 ans. En consultant la fiche technique, on n’est pas surpris d’apprendre que le mourvèdre (40%) s’impose sur un duo carignan/grenache de vieilles souches (moyenne de 40 ans), le tout vinifié parcelle par parcelle en petites cuves inox avant un élevage d’un an en barriques (très peu de bois neuf) par cépage et par parcelle, le tout assemblé en cuve 6 mois avant la mise en bouteilles. L’or ne fait aucun doute pour récompenser l’équipe de ce beau domaine d’une famille de vignerons-oenologues (Pierre et Jean Natoli) que j’ai visité avec bonheur à ses débuts pour ma rubrique Carignan Story. 

-Côtes-du-Rhône-Villages Massif d’Uchaux 2017, Domaine Vincent Baumet. 14,50€

On retrouve la garrigue mêlées ici à des notes dérangeantes de viscères animales, au mieux ventre de lièvre. La bouche est assez fluide, entachée par des tannins quelque peu ordinaires. On attendait mieux de ce grand terroir. Désolé, mais cela ne vaut même pas une médaille. Aux dernières nouvelles il ne resterait plus à la vente que des magnums de ce millésime. 

-Côtes-du-Roussillon-Villages Caramany 2017 «Comme Avant», Domaine Modat. 16,50 €

Il s’agit ici, selon Quentin Modat, de mettre en exergue le carignan, «comme avant» sans oublier pour autant les cépages «obligés» que sont syrah et grenache noir. Le carignan (60 %) est indéniablement responsable de la belle fraîcheur d’ensemble ainsi que du fruit «croquant», tandis que la Syrah (30 %) apporte son lot de tannins fins et soyeux. Nez de pierres chaudes, thym, romarin en fleur, c’est un vin complet, équilibré et fait pour durer au moins 5 ans, même s’il commence à se préparer pour une palette de cochon de Bigorre. Ayant un faible pour ce domaine qui faisait partie de mes préférés lors de mais années roussillonnaises, c’est plus que volontiers que je lui accorde la médaille d’or avec félicitations du jury ! Goûté dans la foulée, le 2018, un tantinet plus léger, résineux et boisé fin au nez, est d’ores et déjà prêt à boire sur une grillade de boeuf. Enfin, j’annonce ici la sortie prochaine (élevage 18 mois en barriques au tiers neuves) d’un super carignan remarquable d’élégance et d’équilibre tiré à un millier d’exemplaires (35 €). Bref, une valeur sûre.

Médaille méritée photo©MichelSmith

-Pomerol 2018, Château Bellegrave. 40€ environ

A 75% merlot, le reste en cabernet franc, 35 ans d’âge moyen pour les vignes, rendement de 42 hl/ha, élevage en barriques au tiers neuves puis d’un et deux vins, on distingue d’emblée l’impression de légèreté, j’ose même dire de facilité, imputable probablement à sa position juste après des vins sudistes en diable, mais plus vraisemblablement au terroir de graves caillouteuses, sable et argile, sur un socle riche en crasses de fer. En dépit de son prix et de sa notoire tendresse en bouche, c’est néanmoins un vin ravissant et de fort belle tenue : boisé noble, juste et plutôt discret sur des notes de maturité, fruits rouges et fraîcheur, avec un fond tannique assez dense en bouche. On peut commencer à l’ouvrir d’ici 3 ans sur un classique carré d’agneau accompagné d’une poêlée de cèpes. Médaille méritée !

Alentejano 2018, Touriga Nacional «HDL». Helena Ferreira Manuel. 13 € environ

Assez joli nez de petits fruits rouges (framboise, cassis), poivré et boisé, ce vin dit «vegan» nous convie à une bouche plutôt tendre malgré un encadrement presque rigide de tannins sans grande complexité. On le boira sur des côtelettes d’agneau ou de porc, mais je note que l’or est ici un peu trop généreux pour un vin auquel on attribuerait de l’argent plus par générosité qu’autre chose, tandis que s’il ne s’agissait que de moi, il n’aurait que le bronze.

Médaille de coeur...Photo©MichelSmith

-Amarone della Valpolicella Classico 2016, La Dama. 40 € environ

Ma dernière dégustation sérieuse de ce vin spécial remonte à 1997 ! Et ce sont les maisons Gini et Allegrini qui m’avaient le plus impressionné durant Vinitaly de cette année-là où j’avais, pour une fois, accepté de faire partie d’un impressionnant jury. Je suis de nouveau conquis par ce vin qui m’accompagnera par petites doses sur plusieurs jours après la dégustation. Grappes triées conduites en pergola véronaise de corvina (70%), rondinella (17%), corvinone (10%) et molinara séchées par ventilation une centaine de jours jusqu’à perdre 40% de leur poids, fermentation lente sur 30 jours, élevage de 36 mois en foudres et repos d’un an après la mise (8.500 bouteilles), le vin en impose en bouche (il titre 16,5°) sans pour autant que l’on ressente la moindre violence. Quelques petits tannins bien mûrs, une belle acidité en milieu de bouche, longueur par la suite, le tout conduisant vers une finale en douceur sans que l’on ait la sensation de sucré mais en allant plutôt vers une belle impression de gelée de fruits rouges, groseille et cerise en tête. On dit qu’il faut le garder 15 ans, mais je l’apprécie dès maintenant sur de petits toasts de viande des grisons avec quelques baies de poivre rose. Mais selon Bruno, il y a tant d’autres mariages en vue !

Bien, mais…

-Tempranillo, Bodegas Parra Jiménez. 6€

Outre qu’il nous vient de la Mancha, ce pur cépage tempranillo se présente bouché vis (encore un bon point), certifié Demeter, donc biodynamique, vegan et sans sulfites. Arrivé bien après notre dégustation, il a donc été goûté plus tard et en solitaire cette fois-ci. Un beau jus à la robe violine, plein de fruit (fraise, pruneau) en bouche, tannins veloutés et chocolatés, presqu’à la manière d’un Beaujolais Nouveau, c’est-à-dire simple, sans longueur, sans rien d’autre qu’un jus agréable à boire frais en été sur une cuisine de barbecue.

Si j’ai bien compté, sur 10 médaillés goûtés, nous arrivons à 4 vins dont la médaille d’or me semble amplement méritée. Bien sûr, un autre duo de dégustateurs en aurait à coup sûr trouvé plus… ou moins. C’est toute l’ambiguïté de ce genre d’exercice qui, tout de même, nous a permis de passer un agréable et studieux moment – et sans masque!

Michel Smith

Salon Millésime Bio 2015 : mes trophées de l’année.

3 Avr

Les organisateurs du petit salon sympa de jadis, devenu en quelques années la vitrine géante de la bio mondiale ont eu l’idée – à moitié heureuse à mes yeux – d’organiser une sorte de « prix spécial de la presse »; une super récompense des médias, à partir des médaillés vins bio de l’année, ceux du Challenge Millésime Bio. J’ai bien essayé de participer en commençant par les rouges, le premier jour, mais j’ai vite déchanté, car les vins n’étant pas cachés d’une robe, ce qui me paraît essentiel dans le cadre de l’attribution d’un prix, j’étais bien entendu tenté, tordu comme je suis, d’attribuer mes coups de cœur aux flacons de mes potes vignerons en priorité, si possible ceux amoureux des cépages autochtones, CinsaultCarignanTerretGrenache et consorts. J’aurais pu m’en tenir au Sud-Ouest ou au Bordelais, à la Savoie, l’Autriche ou l’Afrique du Sud, mais là aussi, je me sentais piégé car, depuis le temps que je viens au salon, je commence à en connaître un rayon et à avoir une flopée de favoris.

Alors, pour me venger en souriant de ces déconvenues, n’ayant pas encore reçu les résultats de ce super concours à l’heure où je rends ma copie, c’est à dire cette nuit, j’ai décidé d’attribuer mes propres trophées, en fonction de plusieurs catégories un peu loufoques afin de faire un maximum de buzz et un maximum d’heureux. Si vous souhaitez en ajouter d’autres, libre à vous! Par honnêteté, je précise que, sur un plan purement déontologique, à mon avis, un vrai journaliste ne devrait jamais avoir à attribuer de prix. Mais voilà, vous me connaissez et je n’en suis pas à une contradiction près.

Photos©MichelSmith
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1 – Le prix du plus beau Crachoir du salon est remis à l’Alsacien Mathieu Boesch (Domaine Léon Boesch) pour son magnifique crachoir en grès de sel typique de Betschdorf !

Photo©MichelSmith
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2 – Le prix du Fino le plus Fou va à la Gélatine de Fino des Bodegas Robles à Montilla, spécialité que les cuisiniers du royaume s’arrachent déjà !

Photo©MichelSmith
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3 – Le prix du Couple Vigneron qui a résisté plus de 40 ans à toutes les tempêtes va à Monique et Michel Louison qui, après s’être battus à Faugères font revivre un magnifique terroir à leur dimension, le Domaine de La Martine, dans le Haute Vallée de l’Aude, près de Limoux, où le Cabernet franc donne un incomparable rosé encore plus dense que celui déjà repéré l’an dernier.

Photo©MichelSmith
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4 – Le prix du plus Beau Design pour un « bag in box » est attribué à ce dessin de Mika et ce joli slogan aperçu au stand de Biotiful Wines. J’en profite pour ajouter que Nadine Franjus-Adenis qui commente souvent sur ce blog est à l’origine d’un nouveau concours vineux dédié à ce genre de contenants.

Photo©MichelSmith
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5 – Le prix des plus Jolies Bulles revient tout naturellement à l’équipe du Château de La Liquière qui, non contente de vinifier des Carignans hors pairs concocte depuis 3 ans un délicieux breuvage moitié Grenache, moitié Mourvèdre, élaboré dans une cave de Gaillac pour une sacrée méthode ancestrale baptisée « L’unique Gaz de Schiste » qui vaut son pesant de douceur et de vivacité !

Photo©MichelSmith
Jim, trying to eat ! Photo©MichelSmith

6 – Le prix de la plus Belle Moustache 2015 était pour moi le plus facile à attribuer, le plus évident : il va à notre Jim Budd qui n’a pas cessé durant trois jours de gambader dans les rues de Montpellier et les travées de Millésime Bio.

Photo©MichelSmith
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7 – Le prix de la Déclaration d’Amour va tout droit à John Bojanowski du Clos du Gravillas qui a choisi de composer un tendre message à l’attention de son épouse Nicole, en guise de numéro de lot tatoué sur le col de ses bouteilles.

Photo©MichelSmith
Place de la Comédie, Montpellier by night. Photo©MichelSmith

8 – Le prix de la plus Belle des Soirées va, comme d’habitude, aux jeunes vignerons du Beaujolais venus dans une belle brasserie proche de la Place de la Comédie avec force magnum et vieilles bouteilles afin de prouver que le Beaujolais a du cœur !

Photo©MichelSmith
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9 – Le prix des « Estrangers » les plus Accueillants est attribué aux quatre vignerons de Vinibio menés par le conquérant et francophile Jao Roseira, de la Quinta do Infantado, monté de son Douro natal pour tenter de faire connaître les Vinho VerdeLisboa et autres appellations du Portugal.

Photo©MichelSmith
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10 – Le prix de l’Optimisme Catalan a été décerné à Bruno Ribière et à Frédérique Barriol-Montès qui ont su résister face au « Roussillon bashing » infligé par notre consoeur Rosemary George dans le dernier numéro de Decanter.

 Michel Smith

(Article initialement publié le 29 Janvier 2015 sur le site Les5duVin)