Archive | janvier, 2022

La galette (ou la coque) au vin de Paille

5 Jan

C’est l’Épiphanie ! Oui, vous savez le coup des rois mages en folies, la galette, la fève, la couronne et tout le toutim. Non pas les Rois Mages en Galilée de la jolie (question de goût) petite Sheila, robe en kilt, couettes et cætera, du moins en ce qui me concerne, mais c’est en tout cas le moment, après Noël et le jour de l’an neuf, de célébrer à nouveau une fête bien chrétienne dans une république bien laïque actuellement soumise à une forte ébullition électorale.

Photo©Michel Smith

Seul un bon vin, un vin adéquat bien sûr, un vin éblouissant, un vin d’élévation et d’éducation, sans oublier une belle et fine galette beurrée et frangipanée avec tout le raffinement pâtissier, une sublime gâterie tranchée ensuite soigneusement en autant de parts que nécessaire, pouvaient me réveiller et déclencher en moi cette envie subite, avec ou sans couronne, de partager un instant le pur bonheur d’être ou de ne point être sacré roi. Notez que chez moi, à Béziers comme dans tout le Midi, la galette est remplacée par une coque des rois, sorte de brioche parfumée à la fleur d’oranger et coiffée de quelques fruits confits.

Photo©MichelSmithh

Pour célébrer, un tour d’exploration en cave s’imposa. Et que vis-je malgré la pénombre ? Un flacon esseulé, petit, certes, mais dodu à souhait qui n’attendait que mon regard et l’élan de mon bras pour être saisi. Je tombai donc sur cet adorable mini clavelin de 35 centilitres nommé Arbois, mais encore et surtout “Vin de paille”, qui plus est signé Rolet, la plus belle maison du Jura avant celle de l’illustre Henri Maire et ici rehaussée du millésime 2003, pas si vieux, pas si jeune non plus. En trois ou quatre tours de main, je tirai l’impeccable bouchon et je servai dans ma coupe quelques lampées d’un divin vin couleur châtaigne, fier de ma trouvaille et certain d’avoir opté pour “le”, l’indéniable, l’indiscutable mariage, le choix de circonstance.

En fait de circonstance, ce fut tout simplement Byzance ! Au point que je ne pris même pas la peine de prendre de notes, assailli que j’étais par les senteurs qui émanaient du verre. Vous imaginez un peu ce que 35 centilitres d’un jus poisseux mais fin, étonnement frais, délicatement empreint de raisin confit, de poire curé cuite et de coing réduit en pâte, peuvent remuer de souvenirs, un peu comme si j’étais en visite dans un vieux grenier viticole de Vénétie. Vous pensez bien que ce vin aussi inhabituel qu’unique fut englouti sans cérémonie. Ayant raccompagné mes deux amis, je ne fus surpris qu’à moitié d’avoir laissé un très léger fond dans cette belle bouteille de taille réduite. Quelques heures plus tard, en s’épanouissant, ce vin était devenu digestif et ne chancelait nullement : sa « sucrosité » laissait place à une acidité éblouissante, il était prodigieux et, en une lampée, avalé les yeux fermés, il me pénétra et m’emporta en un délicieux sommeil de sieste. 

Michel Smith

PS En gros, voilà la fiche technique de ce vin : Savagnin et Chardonnay surtout, sans oublier 20 % de Poulsard, que de belles grappes séchées six semaines environ, puis pressées délicatement pour une lente fermentation jusqu’à 16° avec, pour finir, trois ans d’élevage en fûts de chêne. Le millésime actuel en vente au Domaine Rolet Père et Fils, le 2015, est autour de 180 € pour six jolis petits flacons.