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Force de rosés en Pays d’Aix

28 Mar

Fin de journée d’hiver dans l’arrière-pays d’Aix-en-Provence. Après une journée active passée avec Peter Fischer dans ses vignes bio du Château de Revelette qu’il finissait de tailler avec ses hommes, l’heure était à la détente. Provençal dans l’âme, volontiers partageur, amoureux de son « terroir le plus froid de la Provence », « Piteur », comme on l’appelle ici avé l’accent, avait rassemblé sur un simple coup de fil quelques uns de ses voisins et amis. Une petite armée vigneronne s’était mise à table chez la belle brune Christine Charvet dans sa géniale pizzeria-guinguette de Jouques où le vin occupe une place de choix. Une adresse que je recommande chaudement. Au passage, Jouques est un délicieux village où il fait bon passer un week-end vigneron entrecoupé de randonnées. Mais revenons à notre réunion. Mots d’ordre de la soirée : convivialité, déconnades en tous genres et Carignan à gogo sans ordre précis, sans cérémonial. Vaste et beau programme.

Peter Fischer, un vigneron toujours dans le vent. Photo©MichelSmith
Peter Fischer, un vigneron toujours dans le vent. Photo©MichelSmith

Je ne parlerai pas du « Pur » de Peter, vin déjà évoqué il y a peu dans cette même rubrique. Pas non plus du Carignan des absents. Mais je vais vous dire du bien de deux vins de couleur rose, pour une fois, deux cuvées qui mettent en avant mon cépage chéri.

-IGP Var 2012, Domaine de La RéaltièreL’ineffable et sympathique ingénieur agronome Pierre Michelland (je vous ai déjà parlé de son rouge « Cul Sec » 2011 l’an dernier) avait apporté son rosé brut de cuve dont la mise n’était plus qu’une affaire de jours, un vin qui ne sera pas filtré et qui comporte 80 % de carignan noir vinifié en pressurage direct et agrémenté de 20% de clairette. Comme son rouge, il pète la forme et se distingue par sa carrure et sa droiture. Vraiment à l’aise sur les délicieuses pizzas. Son « Chant du Coq » blanc 2011 à 80% carignan blanc, le reste en sauvignon, se défendait pas mal aussi en dépit d’une petite touche sucrée en finale.

Pierre Michelland, de la Réaltière. Ses vins sont aussi souriants que lui ! Photo©MichelSmith
Pierre Michelland, de la Réaltière. Ses vins sont aussi souriants que lui ! Photo©MichelSmith

Côteaux-d’Aix 2010Domaine La Chapelle Saint-BacchiChristian Valensi travaille aussi l’olivier et le lavandin. Sous le même nom cuvée, « Carpe Diem », il vinifie un pur alicante, réalise chaque année un rosé confidentiel (1.300 bouteilles, 9 € départ cave, il en reste encore un peu) cent pour cent carignan issu d’un pressurage direct vinifié d’abord en cuve avec une légère macération à froid, puis un élevage en barriques (de deux vins blancs) pour quelques mois. La robe, légèrement évoluée, a des tonalités orangées du pus bel effet et le vin, qui a conservé son fruit, offre de jolies notes grillées, là aussi légèrement sucrées. On le verrait bien sur un poulet thaï ou des crevettes grillées pas trop épicées. Le 2011 a été zappé et le prochain (2012) sera à 80% carignan.

Photo©MichelSmith

Photo©MichelSmith

Dans ce pays Aixois entre Sainte-Victoire et Luberon, le carignan qui n’a pas été arraché sur les conseils des techniciens agricoles, donne quelques espoirs aux vignerons de produire des vins différents dans une région qui, de toutes façons, n’est pas comparable au reste de la Provence viticole. Le seul problème qu’ils évoquent en parlant de ce cépage est que, dans cette zone au climat septentrional, la maturité est rarement satisfaisante à leurs yeux.

Christian Valensi, de La Chapelle Saint-Bacchi. Photo©MichelSmith
Christian Valensi, de La Chapelle Saint-Bacchi. Photo©MichelSmith

Reste que je suis sûr qu’en prenant quelques risques, comme Peter Fischer et Pierre Michelland l’ont fait avec leurs rouges, ils arriveront en poussant les maturités à vinifier de fort jolis vins de Carignan. C’est tout ce que je leur souhaite ! En attendant, on a de beaux rosé et c’est déjà pas si mal…

                                                                                                                     Michel Smith

Rive droite, After Midnight

1 Avr

Il me semble vous l’avoir déjà avoué : filles, garçons, je compte de nombreux amis dans le vignoble. Normal, puisque, même si cela complique parfois un peu plus mon job de journaliste, j’aime les vignerons. J’envie leur travail quand ils trouvent encore le temps d’être sur leurs terres, je jalouse leur vie qui, bien que compliquée, leur apporte beaucoup de choses, et je me laisse volontiers emporter par l’enthousiasme que communiquent en moi leurs vins.

Le vignoble de Sainte-Foy-la-Grande, non loin de Castillon. Photo©MichelSmith

Le vignoble de Sainte-Foy-la-Grande, non loin de Castillon. Photo©MichelSmith

D’ailleurs, c’est par eux que j’ai découvert le vin. Avant leurs paysages, leurs « terroirs », leurs « crus », avant leurs caves ou leurs vignes, avant de connaître quoi que ce soit sur leur train de vie, leur famille, leur tracteur, leur pressoir, ce sont les vignerons et eux seuls qui m’ont formé au goût du « bon » vin. Au fil des rencontres, par leurs explications, par leurs témoignages, je me suis tissé un réseau aussi amical que solide dans le vignoble, que ce soit en Alsace ou dans le Bordelais, ou ailleurs, une série de points de chute où il fait bon se poser ne serait-ce que pour humer l’air du temps. Ainsi vous comprenez pourquoi, si jamais certains d’entre vous se posaient la question, je préfère m’inviter à passer une journée chez eux plutôt que de m’imposer le temps d’un éclair ce qui est, hélas, le lot commun de bien des critiques qui se disent tout connaître et qui vont à la découverte d’une appellation en une demi-journée. Et je sais de quoi je parle…

François et Nicolas Thienpont. Photo©MichelSmith

François et Nicolas Thienpont. Photo©MichelSmith

Donc, passé Sainte-Foy-la-Grande, j’étais l’autre jour vers Castillon-la-Bataille, aux marges de la Dordogne et sur les premières marches de la côte de Saint-Émilion, que Vincent Pousson, moqueur et persifleur, a tôt fait de rebaptiser Saint-et-Million tant il est vrai que son classement à la noix ne repose sur rien d’autres que  le pognon. C’est une région que j’ai fréquentée un peu à une époque où, déjà, je commençais à me lasser du bling bling saint-émilionais et bordelais. Ainsi donc, alors que je m’apprêtais à passer une mémorable soirée en un lieu que l’on m’a interdit de citer, je songeais à ces amis vignerons que j’ai dans le coin. Je revoyais des visages, en particulier ceux de deux mondes souvent opposés pourrait-on dire : l’ironie grinçante et poétique d’un François des Ligneris ; la faconde truculente d’un Régis Moro, du Vieux Château Champ de Mars, dont les vins brillent de plus en plus depuis qu’il s’installe dans la biodynamie ;  la frêle mais décidée Dany Rolland, œnologue conseil avec son ex-époux Michel dont j’ai chroniqué le dernier livre il y a plusieurs mois ici même et dont j’aimerais bien un jour goûter la cuisine, ne serait-ce que pour mettre les points sur les « i » sur une certaine façon de faire le vin « à la bordelaise » ; l’approche « tannique » de Christine Derenoncourt, autre « femme de » qui conduit avec assurance et détermination le Domaine de l’A, en Castillon, pendant que son mari, Stéphane, sillonne le monde pour prêcher la bonne parole du vin ; les frères ThienpontFrançois et Nicolas précisément qui, allures de gentlemen farmers, drôles de mélanges belgo-bordelais, tout en surveillant les propriétés familiales des Côtes de Francs, toujours sur la même côte, me rappellent toute une époque où l’on n’avait pas besoin de salamalecs pour découvrir le Libournais en leurs compagnies, je pense à des crus remarquables tels Vieux Château Certan et Le Pin (Pomerol) dirigés par un autre membre de la famille, Alexandre, fils d’un fameux Léon, ou Château Pavie-Macquin (Saint-Émilion), quelques unes des perles gérées ou cogérées par Nicolas, sans oublier le « petit » négoce de Bordeaux dirigé par François ; j’oublie encore certain noms amis, mais vous allez me reprocher de faire dans le « name dropping »…

Tout cela pour en venir à un vin goûté lors de cette trop courte escapade du côté de Castillon-la-Bataille, un vin assez unique, un rouge bordelais servi en magnum comme tous les autres vins de la soirée, mais un rouge qui, hormis un Barolo de Voerzio et un Douro  de Nieport m’est arrivé sur table sur le coup de deux heures du matin, horaire où j’étais tout juste apte à prendre quelques photos et complètement incapable de noter quoi que ce soit. À mes côtés, j’avais un ami de Facebook en la personne de Daniel Sériot dont il m’arrive de suivre le blog. En compagnie d’Isabelle son épouse, Daniel semblait approuver poliment mes paroles. Au stade où j’en étais, je ne faisais probablement que dire à la cantonade quelque chose de stupide comme « Putain, il est super ce vin » sans prendre pour autant l’accent de Cantona !

Photo©MichelSmith

Le vin d’après minuit Photo©MichelSmith

De mes vagues souvenirs encore embués, il ressort que ce Montagne Saint-Émilion 2005 au nom de Château Beauséjour (ni Duffau-Lagarosse, ni Bécot…) avait un équilibre tel qu’il arrivait à me charmer en cette heure pourtant avancée de la nuit. En plus de me charmer, j’ose dire qu’il me rafraîchissait. Et même qu’il me réveillait l’esprit, qu’il me mettait en appétit, bref, qu’il me fascinait. Aucun cinéma, pas d’entourloupe, pas de maquillage, pas d’ outrance, rien que la justesse, un soupçon de retenue aussi, mais point trop, il y avait dans ce vin une sorte de don de soi qui m’allait au plus profond. Faut-il en arriver là pour être en mesure de décréter qu’un vin est noble, grand, ou tout ce que vous voulez ? Je veux dire, faut-il le déguster bien après minuit ?

Certainement pas, bien sûr. Les vieilles vignes de ce domaine à forte proportion cabernet franc sont à n’en pas douter responsables de l’épaisseur ressentie dans ce premier millésime marquant le renouveau de Beauséjour. Mais ce qui est sûr, c’est que la prochaine fois que je navigue à contre courant du mascaret le long de la Dordogne je ferais un crochet pour rencontrer l’auteur de ce vin, un sage connu sous le nom de Pierre Bernault.

laporte05

Que déduire de tout ce charabia ? Que l’on déguste pas si mal après minuit... 

Michel Smith

(article publié en juillet 2013 sur le site les5duVin)

Salon Millésime Bio 2015 : mes trophées de l’année.

3 Avr

Les organisateurs du petit salon sympa de jadis, devenu en quelques années la vitrine géante de la bio mondiale ont eu l’idée – à moitié heureuse à mes yeux – d’organiser une sorte de « prix spécial de la presse »; une super récompense des médias, à partir des médaillés vins bio de l’année, ceux du Challenge Millésime Bio. J’ai bien essayé de participer en commençant par les rouges, le premier jour, mais j’ai vite déchanté, car les vins n’étant pas cachés d’une robe, ce qui me paraît essentiel dans le cadre de l’attribution d’un prix, j’étais bien entendu tenté, tordu comme je suis, d’attribuer mes coups de cœur aux flacons de mes potes vignerons en priorité, si possible ceux amoureux des cépages autochtones, CinsaultCarignanTerretGrenache et consorts. J’aurais pu m’en tenir au Sud-Ouest ou au Bordelais, à la Savoie, l’Autriche ou l’Afrique du Sud, mais là aussi, je me sentais piégé car, depuis le temps que je viens au salon, je commence à en connaître un rayon et à avoir une flopée de favoris.

Alors, pour me venger en souriant de ces déconvenues, n’ayant pas encore reçu les résultats de ce super concours à l’heure où je rends ma copie, c’est à dire cette nuit, j’ai décidé d’attribuer mes propres trophées, en fonction de plusieurs catégories un peu loufoques afin de faire un maximum de buzz et un maximum d’heureux. Si vous souhaitez en ajouter d’autres, libre à vous! Par honnêteté, je précise que, sur un plan purement déontologique, à mon avis, un vrai journaliste ne devrait jamais avoir à attribuer de prix. Mais voilà, vous me connaissez et je n’en suis pas à une contradiction près.

Photos©MichelSmith
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1 – Le prix du plus beau Crachoir du salon est remis à l’Alsacien Mathieu Boesch (Domaine Léon Boesch) pour son magnifique crachoir en grès de sel typique de Betschdorf !

Photo©MichelSmith
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2 – Le prix du Fino le plus Fou va à la Gélatine de Fino des Bodegas Robles à Montilla, spécialité que les cuisiniers du royaume s’arrachent déjà !

Photo©MichelSmith
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3 – Le prix du Couple Vigneron qui a résisté plus de 40 ans à toutes les tempêtes va à Monique et Michel Louison qui, après s’être battus à Faugères font revivre un magnifique terroir à leur dimension, le Domaine de La Martine, dans le Haute Vallée de l’Aude, près de Limoux, où le Cabernet franc donne un incomparable rosé encore plus dense que celui déjà repéré l’an dernier.

Photo©MichelSmith
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4 – Le prix du plus Beau Design pour un « bag in box » est attribué à ce dessin de Mika et ce joli slogan aperçu au stand de Biotiful Wines. J’en profite pour ajouter que Nadine Franjus-Adenis qui commente souvent sur ce blog est à l’origine d’un nouveau concours vineux dédié à ce genre de contenants.

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5 – Le prix des plus Jolies Bulles revient tout naturellement à l’équipe du Château de La Liquière qui, non contente de vinifier des Carignans hors pairs concocte depuis 3 ans un délicieux breuvage moitié Grenache, moitié Mourvèdre, élaboré dans une cave de Gaillac pour une sacrée méthode ancestrale baptisée « L’unique Gaz de Schiste » qui vaut son pesant de douceur et de vivacité !

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Jim, trying to eat ! Photo©MichelSmith

6 – Le prix de la plus Belle Moustache 2015 était pour moi le plus facile à attribuer, le plus évident : il va à notre Jim Budd qui n’a pas cessé durant trois jours de gambader dans les rues de Montpellier et les travées de Millésime Bio.

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7 – Le prix de la Déclaration d’Amour va tout droit à John Bojanowski du Clos du Gravillas qui a choisi de composer un tendre message à l’attention de son épouse Nicole, en guise de numéro de lot tatoué sur le col de ses bouteilles.

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Place de la Comédie, Montpellier by night. Photo©MichelSmith

8 – Le prix de la plus Belle des Soirées va, comme d’habitude, aux jeunes vignerons du Beaujolais venus dans une belle brasserie proche de la Place de la Comédie avec force magnum et vieilles bouteilles afin de prouver que le Beaujolais a du cœur !

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9 – Le prix des « Estrangers » les plus Accueillants est attribué aux quatre vignerons de Vinibio menés par le conquérant et francophile Jao Roseira, de la Quinta do Infantado, monté de son Douro natal pour tenter de faire connaître les Vinho VerdeLisboa et autres appellations du Portugal.

Photo©MichelSmith
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10 – Le prix de l’Optimisme Catalan a été décerné à Bruno Ribière et à Frédérique Barriol-Montès qui ont su résister face au « Roussillon bashing » infligé par notre consoeur Rosemary George dans le dernier numéro de Decanter.

 Michel Smith

(Article initialement publié le 29 Janvier 2015 sur le site Les5duVin)