Faiez la java à Montpeyroux, ça vous dit ? Encore un village de l’arrière-pays, me direz-vous. Plus beau et plus peuplé que le Vailhan d’une de mes dernières livraisons (pour ceux qui suivent…), plus intéressant encore sur le plan viticole, car on me souffle que ce village serait sur le point d’accéder au titre suprême de cru et, qui l’eut crû, au rang de mes “grands crus” du Sud. J’attends cela depuis si longtemps…
C’étai un dimanche de fin avril dernier pour la 23ème édition de ses “Toutes caves ouvertes”, une journée vécue avec bonheur, verre à la main, dans un cadre fou ponctué de fanfares, de déambulations et de dégustations avec, en guise d’apothéose, le repas – classique, mais mémorable – pris en compagnie d’une bande d’amis et supporters du couple vigneron Désirée et Sylvain Fadat. Au menu : pieds et oreilles de cochon ramenés et cuisinés par les parents de Désirée venus d’Espagne tout exprès pour l’occasion, le tout agrémenté de quelques vieux magnums de Carignan surtout pas gnangnan, cépage qui contribue largement à la renommée de ce territoire gagnant.
Quand je le vois venir de loin en remontant l’A75 vers Millau et Clermont-Ferrand, lorsque je sens se rapprocher les Cévennes et le Larzac, je sais que je suis un peu chez moi. Et quand, passé la Thongue, je me rapproche peu à peu de son ventre – la place de l’Horloge – et que je vois pointer le poing du Mont Baudile couronné d’antennes, j’ai des envies de java… de jaja aussi. On pourra relire ce que j’écrivais déjà en 2010 sur la démarche opérée alors, avec le soutien de l’excellente Cave Coopérative de Montpeyroux, par les meilleurs vignerons du village en vue de réclamer un cru, droit qui avait déjà été octroyé au bon vieux temps des VDQS. Je trouve tout à fait louable qu’une armée de vignerons, plutôt que de s’en tenir, en égoïstes, à la seule notoriété de quelques domaines, rassemble ici les forces nécessaires afin de se distinguer sur le marché du vin en adoptant le nom de leur commune, à l’instar de Pommard ou Margaux. Cette décision passée qui laisse désormais espérer un cru Montpeyroux pour 2023/2024, se justifiait encore plus à l’époque face au dynamisme de la toute nouvelle et assez vaste appellation Terrasses du Larzac (32 communes !) qui, depuis, a renforcé son aura de cru hautement recommandable chez les sommeliers comme les critiques. Il est ironique de souligner le fait que les vignerons de Montpeyroux, pourront finalement, selon les parcelles qu’ils cultivent, proposer une gamme riche de trois identités : Languedoc, Terrasses du Larzac et Montpeyroux, sans parler de plusieurs IGP (Oc, Mont Baudile, Saint-Guilhem-le-Désert…). Je m’avance un peu, beaucoup même, mais à mes yeux l’appellation risque fort, à terme, de devenir le “phare” des vins du Languedoc. Certes, l’ambition en ce cas peut paraître quelque peu démesurée… mais pourquoi pas ? À Montpeyroux, rien d’impossible !
À suivre, les quelques vins – les plus en forme ce jour-là – que j’ai pu retenir lors de cette déambulation par moments folklorique. Je n’ai pu tout goûter, faute de temps et par manque d’ardeur peut-être. Les vins sont présentés dans l’ordre de mes dégustations et vous pourrez sans mal, en quelques clics de recherche sur Internet, en savoir plus sur chaque domaine. Commencez donc par les retrouver listés ici dans leur totalité.
Domaine d’Aupilhac
L’un des plus réputés du Sud de la France, premières cuvées de Carignan en 1989, première médaille d’or l’année suivante, en bio depuis fort longtemps, ce domaine tient grâce au dynamisme du couple Désirée et Sylvain Fadat. On peut considérer que tous les vins sont d’un excellent niveau. En voici quelques-uns.
-Le Gris 2021, Vin de France composé de Clairette rose, de Carignan et de Grenache tous deux gris, est un très joli vin dodu, mais structuré et d’une longueur notoire. Autour de 13 €.
-Le Cinsault 2020, Vin de France, après 14 mois d’élevage en petits foudres, est un modèle de finesse en rouge, non dénué de densité et de matière. Autour de 17 €.
-Aupilhac 2019, Languedoc Montpeyroux gaillard au possible, élevage de 30 mois en petits foudres et barrique usagés, est en plein sur la fraîcheur, profond, garrigue et terre chaude, sur tannins finement boisés. L’exemple du cru. Par expérience, je sais qu’on en a pour 20 ans de garde minimum ! 17 €.
-La Boda 2018, Languedoc Montpeyroux, assemblage des Cocalières, amphithéâtre volcanique sur roche calcaire, et d’Aupilhac, éboulis sur marnes bleues, rouge vinifié et élevé 30 mois en cuves tronconiques, encore replié sur lui-même, matière serrée, bien droit, poivré et long en bouche. Environ 35 €.
-Le Clos 2019, Languedoc Montpeyroux principalement issu d’un secteur de marnes bleues, toujours 30 mois de fûts, est un peu, cépages mis à part, le Petrus du Languedoc. Une cohabitation entre Mourvèdre et Carignan, avec une petite place pour la Syrah. Nez où l’on sent l’élevage en fûts avec un accent de garrigue estivale. Belle densité, profondeur, droiture, tannins magnifiques, c’est un grand vin de garde, 30 à 40 ans au moins ! Environ 50 €.
Domaine Alain Chabanon
Toujours aussi haut classé dans l’esprit des amateurs, il est intéressant de suivre cette cave dont l’expérience n’est plus à remettre en cause.
-L’Esprit de Font Caude 2016, Languedoc Montpeyroux, toujours aussi exemplaire, est un rouge armé d’un fruit magnifique, très précis, long en bouche, ample et profond, tout en restant marqué par des tannins en beauté qui augurent d’une belle garde. J’ai goûté pas mal de vins d’Alain lors de Millésime Bio, commentaires à lire dans ce lien. Environ 35 €
Mas d’Amile
Ce petit domaine tenu par Amélie et son frère Sébastien ne cesse de progresser au fil des ans avec, en particulier, deux cuvées de cépage unique.
-Terret blanc 2021, Vin de France produit depuis 2014 en petite quantité (800 bouteilles en 2021) cette version est dynamique en bouche, pleine, presque suave (légères touches de sucre résiduel), avec un côté majestueux. Garder au moins 5 ans avant de l’attaquer sur des pâtes aux champignons. 18 €.
-Le Petitou 2020, aussi joyeux que son étiquette le laisse deviner, est un Terrasses du Larzac rouge bigrement attachant, en plein sur le fruit et prêt à boire frais. 9 €.
-Vieux Carignan 2017, IGP Saint-Guilhem-le-Désert, un petit hectare, un an d’élevage en barriques usagées : nez particulièrement beau ainsi qu’une sacrée amplitude en bouche. En bon vieux pionnier, je célébrais ce vin (version 2008) il y a une douzaine d’années dans le numéro 28 de Carignan Story ! 16 €.
Domaine Terre de Feu
Un couple charmant que Katherin, l’Allemande et Gonzalo Amigo, l’Argentin, couple qui se trouve à la tête de 7 ha travaillés en bio depuis 5 ans et sur lesquels je fonde plein d’espoirs.
-Glace 2019, IGP Pays d’Oc, est un blanc remarquable d’expression fruitée et d’éclat en bouche. 12 €.
-Tout Flamme 2019, Languedoc Montpeyroux, rouge plaisant d’assemblage classique (sans le Mourvèdre), est plein de largesse et de sourire, le tout dans l’amplitude et la longueur. 12 €.
Domaine Flo Busch
Un autre couple très prometteur, Paola et Florian – lui est passé de la Moselle jusqu’au Domaine d’Aupilhac – partage leur temps entre la vigne et les plantes aromatiques. Bio et biodynamie, vins ni filtrés, ni collés, j’avoue que leurs vins ont quelque chose de passionnants.
-Heureux qui comme… 2020, Vin de France. Sur sols de marnes bleues et jaunes avec fossiles et dépôts de grès, ce rouge Carignan et Grenache noir en partie élevé en barriques, se remarque surtout par un bel équilibre et une longueur de bon aloi. 15 €.
-Pointe du jour 2020, Vin de France associant Syrah et Carignan. Superbe impression de matière enrobée de velours avec beaucoup de charnu, de rebond et de longueur conduisant à une belle finale. À suivre. 20 €.
Villa Dondona
Une maison au sein du pitoresque Barry (l’ancien village) et une cave près de la coopérative, tel est le petit monde de Jo Lynch et d’André Suquet dont la vie s’articule autour d’une superbe vigne de 8 ha au-dessus de Montpeyroux. Que de belles surprises !
-Esperel 2015, Landuedoc. Un très jovial blanc (Roussanne, Marsanne, Vermentino, Grenache blanc), très rafraîchissant, bien structuré, plein, précis et long en bouche.
-Chemin des Crayades 2019, IGP Saint-Guilhem ici consacrée au seul Carignan, c’est droit, bien encadré par les tannins souples, belle tenue, longueur. Peut encore tenir 5 ans.
-Que du Grenache 2019, IGP Hérault. Ici on a l’élégance du Grenache noir cueilli à point, fraîcheur bien présente, souplesse alerte, longueur, finesse en guise de fin. Un petit régal, sans trop attendre.
-Dondona 2019 et 2020, Languedoc Montpeyroux. Le premier fort bien noté par sa présence, sa densité et sa largesse, le second mieux encore par l’extrême élégance de sa matière. Encore 5 ans pour ne pas gâcher l’esprit charmeur de ces bouteilles.
-Oppidum 2015, Languedoc Montpeyroux. Axé sur le Mourvèdre (majoritaire) et la Syrah, avec douze mois d’élevage en barriques, le nez est à la fois fin et frais, notes de garrigue, belle attaque, amplitude, vif et charnu, voilà un rouge marqué par une très belle finale sur des tannins grillés. On peut encore attendre 5 à 10 ans, probablement plus.
L’Aiguelière
Après Aimé, puis Auguste Commeyras, c’est le jeune Antoine qui reprend fièrement ce domaine réputé longuement tourné vers la seule Syrah. La sixième génération de vignerons arrive avec quelques nouveaux vins sur lesquels il faudra désormais compter. Quand bien même faudrait-il aussi raccourcir la gamme pour plus de précision, notamment au passage en cru.
-Sarments 2020, IGP Saint-Guilhem-le-Désert, est un blanc que se partagent à égalité Sauvignon et Viognier. On sent du rythme, une forte et belle densité, ainsi qu’une légère et agréable amertume pour souligner la finale. 13 €.
-Côte Rousse 2019, Languedoc Montpeyroux, agréable rouge Syrah/Grenache, un peu lisse d’aspect, plutôt facile, tannins comme adoucis, prêt à boire. 8.000 bouteilles. 23 €.
–Côte Dorée 2019, Languedoc Montpeyroux. Avec 4.000 bouteilles, je dois admettre que cette pure Syrah est resplendissante : matière riche et abondante, épatante structure tannique, longueur, c’est un grand vin de garde, pour dix ans, voire plus. 23 €.
-Anthénor 2020, Terrasses du Larzac. Il doit y avoir une erreur d’appellation que je n’ai pas relevée lors de ma dégustation, car ce pur Cabernet Sauvignon au nom d’Anthénor, le grand-père d’Antoine, vin tiré à un millier d’exemplaires, ne saurait être en AOP et ce, même si cette cuvée, moelleuse et portée sur le fruit, avec de jolies notes cacaotées et des tannins bien dessinés, attire les dégustateurs. 58 €.
Voilà, c’était la Java de Montpeyroux !