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Pinoteries et Rythm n’ Rouze

28 Mar

Ce n’est pas la première fois que je vous entretiens de cette tendance qu’ont les vignes du Midi à “pinoter”. La dernière fois, c’était cet hiver où je fourrais mon nez dans les Terrasses du Larzac. Cette fois, la fournaise aidant, j’ai retrouvé cet été la joie pure du “pinotage” à la languedocienne, sensation que je partage avec vous aujourd’hui façon “brut de cuve”, si j’ose dire. 

Photo : MichelSmith

Bouchons qui sautillent de joie, rouges servis frais surtout jusqu’à plus soif, c’est l’été quoi, et quel été ma bonne dame ! Plus que jamais par les temps qui coulent tout en courant, telle une source généreuse et jaillissante cachée dans la roche d’un paradis au milieu du désert brûlant, c’est le moment de boire à gorge déployée, loin, très loin des estivaux festivals, des plages surpeuplées et des autoroutes bondées, le moment de s’enivrer au fil de nos journées haletantes.

Alors, je goûte et re-goûte presque sans retenue le vin joyeux et n’ai d’autres envies que celle de jouir pleinement la simplicité du vin. Le genre pet’ nat’, par exemple, le tendre Pineau d’Aunis, le Gamay sucré de mon cœur, léger, frétillant et gourmand, le Pinot Noir qui, dans bien des cas, libère son fruit avec exubérance, la Négrette de Fronton, la Barbera piémontaise et j’oublie certainement au passage plus d’un raisin qui, vinifié simplement pour être bu sans trop tarder, sans manières, révèlent un fruité d’un goût oublié et avance avec fougue tel un cheval camarguais en pleine course libre dans les hautes herbes.

Mes camarades et moi avons déjà écrit à maintes reprises sur le Cinsault et les jolis rosés qu’il engendre un peu partout dans le Midi. Je ne vais donc pas trop m’attarder. Sauf pour dire que chez nous, en Languedoc, le Cinsault fait partie de ces jus que l’on n’oublie pas et les vignerons qui s’y attachent sont de plus en plus nombreux. J’ai déjà cité par le passé ceux de Sylvain Fadat, de Thierry Navarre avec ses fameuses “Œillades” – l’autre nom que l’on donne ici au Cinsault, et de bien d’autres vignerons méritants. 

Voici venir un jus réjouissant, celui de Karine et Nicolas Mirouze dont les 25 ha de vignes travaillées en biodynamie s’incrustent joliment dans la garrigue aux pieds du château du même nom, bâtisse à l’allure de forteresse médiévale. Je bois ainsi d’une traite (enfin presque) ce rouge léger (une version Viognier existe aussi en blanc) qui ne dépasse pas 11°, qui affiche une robe insolente de légèreté, entre rouge et rosé foncé, et qui m’offre une jolie coupe de petits fruits, rouges évidemment, avec quelques touches florales pour chatouiller le gosier. Comme annoncé plus haut, il s’agit d’un Cinsault non filtré armé, dans sa version 2021 du moins, d’une belle portion de Carignan et de Mourvèdre qui laissent une impression de petits tannins poivrés en finale. Un parfait vin de soif à boire sans songer à la modération !

Photo : MichelSmith

J’allais oublier le prix : 10 € chez mon pote Bruno, caviste au Nez dans le Verre à Pézenas. Un conseil : si vous ne connaissez pas les vins des Mirouze, prenez le temps de lire l’article printanier de Nadine sur ces lignes. Enfin, par ce lien, vous aurez accès à la chaîne YouTube du domaine qui permet de faire aussi connaissance avec Karine et Nicolas.

Un magnum pour se la péter à deux !

18 Sep

Sand, elle est chiante. Sandrine Goeyvaerts de son vrai nom, elle anime à elle seule – et pas de main morte – son blog La Pinardothèque (ou thek, c’est selon…) et c’est elle qui nous a demandé de tout péter pour cet énième VdV. Je crois la connaître : elle voudrait du beau bouchon de liège et je n’ai qu’une vulgaire capsule à lui proposer. Ah, les filles d’aujourd’hui…

#Vendredi du Vin #65 : Méfiez-vous, ça va péter !

Elle veut qu’ça pète à tous les étages et je n’ai ni Champagne ni Blanquette à la cave. Et point de crémant à l’horizon ! Elle veut du peinard, du tranquille, du sage alors que je pense Révolution et que je l’attends de pied ferme ce mouvement de rue. D’ailleurs, au départ, je ne souhaitais pas évoquer les bulles. Pour péter un plomb on n’a nul besoin de gaz. Alors, tout bien réfléchi, je me suis dit qu’une petite provoque de vieux bourgeois déconfit ne ferait de mal à personne. Comme évoquer le pet de nonne ou le pet de lapin associé à un verre de grand liquoreux, par exemple. Disserter sur le noble pet, en somme. Âmes sensibles, s’abstenir…

Voyant que tout le monde fonce dans le registre de la « moustille » et de la turbulence, je me sens obliger de changer mon fusil d’épaule. Et de ressortir mon vieux motto de parvenu gauchiste : « toujours péter librement dans un lit de dentelle et de soie avant de s’endormir ». Alors, puisque de toute façon je sens bien que ça va péter dans tous les sens, de tous les côtés et jusque dans tous les coins, vu que je ne suis pas du genre à tirer le premier, j’en reviens à un bon vieux magnum capsulé, le dernier qui me reste. Un OVNI, quelque chose qui ne vient ni de Champagne, ni d’Alsace, mais du bon, du brave Sud-Ouest, de Fronton même, autant dire du pays de cocagne. Roc’Ambulle, mixture de Mauzac et de Négrette vendue 13 € uniquement en magnum au Domaine le Roc, est un vin de France qui ne titre que 9,5 degrés. Un vin qui pétille et qui mousse. Un vin de fillettes pour certains frimeurs du goulot.

#Vendredi du Vin #65 : Méfiez-vous, ça va péter !

Oui, je sais que depuis que je l’ai découvert à Vinisud, là où les blogueurs et les journalistes ne restent pas plus de 24 heures, pour cause de séjour limité, généreusement offert par les autorités de tutelle, j’ai une fâcheuse tendance à vous en rabâcher les oreilles. Depuis, j’en ai acheté un carton, et pourtant je sais que ce n’est pas le genre de truc qui attire les foules initiées. Tant mieux ! D’ailleurs, les gens boivent ça d’une traite comme si c’était du cidre ou de la bière. C’est ma faute puisque c’est moi qui leur ai dit ça par simple provocation. « Buvez, c’est de la bière de vin ! » Ils ne remarquent même pas le gros contenant, le côté festif du magnum.

Passez-moi le décapsuleur.

Attention, ça risque de péter !

#Vendredi du Vin #65 : Méfiez-vous, ça va péter !

Moi, j’y trouve de la finesse, du fruit, de la fraise écrasée, de la gaieté, du copinage, de la légèreté, de la soif et même une pointe d’amour coquin. Un petit clin d’œil du genre : « dis donc coco, viens donc te coller à moi, ne crains rien, viens… ». Certes, pas de quoi en faire des tonnes, mais de quoi ne pas s’ennuyer non plus alors que tout le monde autour de vous s’agite en poncifs et ne parle que grand vin, grand machin, grand cru, grand ceci, grand cela. Oui, ce magistral pet que l’on sent venir en soi en éclusant cette bouteille à mille lieues de la frime, loin d’être un simple pet mouillé, ce pet en magnum sera sûrement celui du bonheur partagé.

Après tout, c’est si beau de péter à deux !

(PS. Article paru en 2014 ici : https://pourlevin.skyrock.com/)

Michel Smith

Bruckner et le mystère enfoui de la Jarana

16 Sep

Dans le genre vin et musique ou musique et vins, on ne fait guère mieux ! Cette fois-ci, il y a le même souffle, la même respiration, le mouvement identique, la symphonique ressemblante, la communion ; majesté, paix, silence, puis dramaturgie musclée, magnificence, puissance, que sais-je encore…, dans l’émouvante interprétation de la symphonie n°7 d’Anton Bruckner par un Herbert von Karajan vieillissant mais vaillant, romantique, un dernier souffle de vie associé à la précision légendaire du Wiener Philharmoniker, “un disque de légende” comme on aime le claironner sur France Musique où je l’ai entendu pour la toute première fois, disque que j’ai pu récupérer chez mon pote YouTube afin de vous le faire partager en toute bonté de ma part, car ma bonté, elle aussi est légendaire, et elle n’a pas de limites !

Parce qu’il y a un mystère tout aussi dissimulé, mystère difficilement perceptible dans le vin blond et presque rond que je laisse fondre en bouche avant d’affronter mon déjeuner, une demi-heure de réflexion, c’est mon temps de méditation – il s’agit d’une cuvée Jarana de la maison Emilio Lustau à Jerez-de-la-Frontera – offrant au palais une progression que je qualifierai de “dramatique”, un vin “difficile” tellement qu’il est facile de passer à côté, de le voir sans y prêter attention, sans y déceler ce qu’il a à cacher. Et pourtant, j’aime ces vins émotifs, cette manière qu’ils ont de nous calmer, de nous faire adopter une lente respiration, encore une fois un mouvement en retenue, mais si joliment rythmée, respiration allègre perceptible uniquement les yeux clos, dans la discrétion, tant elle est faite d’élégance et de subtilités infimes entrecoupées de vastes paysages, espaces tantôt langoureux puis devenant subitement majestueux – je sais, je me répète – s’étirant en plein éveil, guettant la pleine lumière, celle de la création, celle de l’Andalousie (pourquoi pas puisque c’est le royaume de ce vin) qui s’accorde sans que l’on ait besoin de prier en ce précieux moment alors que résonne cette sublime « numéro sept » du cher Anton. Des choses que je ne ressens que chez lui ? Évidemment, non puisqu’il y a en réserve bien d’autres musiques planantes et dansantes même en allant flâner quelques fois vers le jazz et ses compositeurs de génie ; j’y reviendrai un jour en examinant d’autres vins aussi inspirants que celui-ci, ce Jerez (xérès chez certains sommeliers) Fino qui, au passage, me laisse encore en bouche cette saveur particulière comme une étrange salinité liée au cuir et à la sueur, un sucré-salé-amer, goût bizarre, me direz-vous, mais une saveur qui colle avec ces grands espaces, paysages arides et montagneux que l’on rencontre dans certains westerns bien filmés, du Technicolor certes, mais bien édulcoré, grâce à une étrange palette brumeuse, un peu comme ces montagnes douces, pourtant sévères, de nos Corbières ou des Cévennes.

Et comme s’il fallait en rajouter, je vous propose de communiquer un peu plus en sirotant quelques lampées de cette mystérieuse Jarana jusqu’à plus soif, tandis que vous laisserez voyager en vous le vin pour en apprécier chaque mouvement, chaque note, chaque instant le plus calmement et le plus longuement possible. Profitez-en, le vin n’est pas ruineux, du moins là où je l’achète. Je n’ai pas à ce jour meilleur exercice à vous proposer !

Alors, bien sûr, il y a Brahms, Ravel, Dvorák, Strauss, Debussy, Haydn, Beethoven et les autres… Tenez, j’ai aussi retenu pour vous cette merveilleuse symphonie numéro neuf de mon bien-aimé Gustav (Mahler) avec le même Karajan et son équipage dynamique du Berliner Philharmoniker. C’est beau et suave comme un Tokaji de Hongrie, ou comme un Danube bleu, bien bleu, sage et argenté comme la Loire vers Les Rosiers, entre Saumur et Angers quand on la descend, ou bucolique comme les rives de la Gartempe en Charente, comme un verre de Condrieu bu à Condrieu au bord du Rhône, ou encore tendre comme un coucher de soleil sur les Carpates, ou bien alors romantique comme une promenade nocturne dans un Venise désert un soir de pleine lune ! Amusez-vous donc à les marier ces rythmes avec les jus des treilles les jours de solitudes (oui, j’ai plusieurs solitudes !) lorsque vous ne savez guère que faire. Laissez votre “vague à l’âme” voguer au fil de votre rêverie, laissez-le vous guider sans opposer de résistance. Vous verrez, c’est un sacré bon moment à passer.

Michel Smith

Finomania, la grande dégustation

4 Sep

Comme vous le savez, la Finomania est ancrée en moi pour de bon, et ce, depuis belle lurette ! Ce jour là, c’était en 2014, bien avant que ne se rapplique la grande dépression. Et j’avais éprouvé l’envie de rassembler chez moi avec l’aide précieuse de quelques amis du Fino parmi lesquels Isabelle Brunet et Bruno Stirnemann, un maximum d’échantillons de vins de Jerez de la Frontera, de Sanlucar de Barrameda, de Puerto Santa Maria, sans oublier quelques flacons de Montilla-Morilles. Une journée de dégustation à la fois folle et sérieuse, à l’image du Fino, à deux pas du Centre du monde, la gare de Perpignan.

Bruno Stirnemann. Photo©MichelSmith
Bruno

Pour cette session, pas de cinoche « à l’aveugle » : les bouteilles étaient alignées par mes soins, mélangeant volontairement (la folie, vous dis-je) les trois appellations – Jerez, Manzanilla, Montilla-Moriles – sachant, je le rappelle, que la dernière D.O. est la seule, du moins dans la qualité Fino, à ne pas être mutée, renforcée à l’alcool si vous préférez. À charge pour moi, par la suite, de mettre tout cela en ordre et par écrit. En queue de dégustation, sept bouteilles d’un type Fino, certes, mais un vin élevé plus longtemps, flirtant avec le style Amontillado. Là encore, j’entends l’armée des puristes et spécialistes se manifester dans les rangs, mais nous autres, simples amateurs, n’avons rien trouvé à redire de cette manière de voir les choses.

Isabelle Brunet. Photo©MichelSmith
Isabelle

Cette dégustation n’est certainement pas parfaite. Pas d’étoiles ni de notations chiffrées, tant pis pour les amateurs de classements. Je sais, il manque des marques et cela ne plaira certainement pas aux aficións, donc pas la peine de m’en tenir grief. Vous ne lirez rien, hélas, sur l’Inocente de Valdespino, par exemple… la Quinta, le cheval de bataille d’Osborne et Coquinero d’Osborne également, le Fino Superiore de Sandman, le Hidalgo Fino d’Emilio Hidalgo, le Pavon de Luis Caballero, le Harveys Fino de Harveys, le Fino Romate de Sanchez Romate, le Gran Barquero de Pérez Barquero (Montilla-Moriles), etc. J’ai dû faire avec les moyens du bord ! Tous les vins de cette série titrent 15°. En gras, se distinguent nos vins préférés, nos coups de cœur. Pour ces premiers douze vins, les prix en grandes surfaces, comme chez certains cavistes en Espagne, oscillent entre 6 et 8 euros. Un seul est en dessous de 9 €, tandis qu’un autre est à 12 € en France. Bien sûr, tous les autres sont plus chers en France et ce n’est pas toujours justifié. Bref, pour ceux qui vont se ravitailler en Espagne, vraiment pas de quoi se ruiner ! À noter aussi que dans les bonnes boutiques espagnoles, beaucoup de ces vins sont aussi disponibles en demi-bouteilles, ce qui est un avantage pour préserver la fraîcheur du vin. Les bouteilles sont alignées : allons-y !

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– Muyfina, Manzanilla, de chez Barbadillo (bouchon à vis). Robe jaune pâle. Un goût cireux, étrange, poussiéreux, notes de vieux cuir… Puissant, gras et long en bouche mais sur une tonalité rustique. Dur, manquant à la fois de fraîcheur et de finesse.

Comportement acceptable sur des tapas : olives, anchois…

– Carta Blanca, Jerez, de chez Blazquez (distribué par Allied Domecq). Robe paille étonnement soutenue. Densité, profondeur, quelque chose d’inhabituel, rusticité, plus proche de l’oxydation que de la flor, avec des notes de caramel et (ou) de Pedro Ximenez. Très léger rancio en finale.

Bien sur des tapas genre tortillas. À tenter sur un fromage comme le Manchego (brebis) ou un Picón de Valdeón, persillé de chèvre et de vache.

– Tio Pepe, Jerez, de chez Gonzalez Byass (DLC Novembre 2014. Robe bien pâle. Nez de voile. Très sec en bouche, comme c’est annoncé sur l’étiquette. Le vin joue son rôle, sans plus. Il ne surprend pas. Simple et court.

Sans hésiter à l’apéritif sur du jambon, clovisses ou salade de poulpe.

– La Gitana, Manzanilla, de chez Hidalgo (bouchon à vis). Robe très pâle. Nez frais. Excellente prise en bouche, du nerf, de l’attaque, notes de fruits secs, bonne petite longueur qui s’achève sur la salinité.

Exquis sur de belles olives, beignets d’anchois, gambas, ratatouille froide.

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– San Leon, Manzanilla, des Bodegas Arguezo. Robe moyennement pâle. Nez pas très net, simple et rustique. Bouche réglisse et fumée.

Ça fonctionne sur le gras du jambon et sur le boudin noir de campagne.

– La Ina, Jerez, de chez Lustau. Robe pâle. Nez plutôt complexe sur la flor et l’amande grillée avec de légères notes de fumé. Belle amplitude en bouche, de la fraîcheur, du mordant, rondeur en milieu de bouche, finale sans bavures sur des notes salines.

L’apéritif presque parfait sur amandes grillées, olives pimentées, jambon bellota, lomo, chorizo, palourdes, anchois frais, sardines grillées…

– La Guita, Manzanilla, de chez Raneira Perez Marin (bouchon à vis, mise en bouteilles décembre 2013). Robe légèrement paillée. Nez fin et discret avec touche d’amande. Une vraie présence en bouche, ça frisotte, léger rancio, manque peut-être un poil de finesse, notes d’amandes salées en finale. C’est bien foutu.

Plus sur des plats de crustacés, langoustines, crevettes, etc.

 El Maestro Sierra, Jerez, des Bodegas Maestro Sierra (Mise en bouteilles en avril 2014). Belle robe pâle. Nez fumé. Dense, ample et riche en bouche, un poil rondouillard, mais bien fait dans l’ensemble.

Apéritif, certes, mais le garder pour un plat de poisson au four, ou pour un plat de morue, une omelette de pommes de terre ou de champignons.

Photo©MichelSmith
Photo©MichelSmith

– Fino Electrico, Montilla-Morilès, de Toro Albala (12 € pour 50 cl. Diffusé par Valade & Transandine chez Soif D’Ailleurs à Paris) Robe pâle. Nez fruité, élégant, notes d’amande fraîche et de fumé. Finesse en bouche, impression de légèreté, complet, finale sur la longueur.

« Une bouche à jambon », quelqu’un. Oui, mais il lui faut un grand pata negra ! Quant à Bruno il le verrait bien sur un turbot. Et pour ma part, je lui propose une brouillade de truffes !

– Puerto Fino, Jerez, de Lustau (élevé à El Puerto Santa Maria). Belle robe légère. Très complexe au nez comme en bouche : notes de fougère, amande fraîche, écorce de citron, iode, silex, épices, vieux cuir, volume… on sent que ce fino est associé à une vieille réserve de type solera tant la longueur le maintient en bouche avec toute sa richesse. Les critiques le propulsent « Roi des Finos » et ils n’ont pas tort.

Un grand apéritif de salon, parfait pour réfléchir aux choses de la vie au creux d’un profond fauteuil. Un bon robusto de Cuba, genre Ramon Allones, pour les inconditionnels du cigare. À essayer aussi sur une cuisine asiatique, Thaï ou Coréenne. Sur une huître tiède à la crème ou sur une mouclade légèrement crémée et épicée.

– Papirusa, Manzanilla, de Lustau (Bouchage vis, aurait dû passer à mon avis avant le précédent). Si je ne me trompe pas, le fino a pour base une solera moins âgée que pour le Puerto Fino. Belle robe blonde. Parfaitement sec en bouche, c’est propre, net, élégant, fraîcheur évidente, salinité bien affirmée, un régal de précision, une touche animale pour finir, genre vieux cuir. Finale exemplaire où le goût du vin reste en bouche pour longtemps. Difficile de dire, en tout cas pour moi, si c’est ce vin qui l’emporte sur l’autre. Question de goût. Toujours est-il que c’est un formidable rapport qualité-prix !

Là encore un vin de cigare, plutôt celui de la fin de matinée. Doit être à l’aise sur de gros crustacés, genre homard thermidor, surtout si on ajoute un peu de fino dans la cuisson. Sinon, parfait pour le jambon de qualité, les fritures de poissons ou de calamars.

Solear, Manzanilla, de chez Barbadillo (Bouchage vis, DLC Avril 2015). Belle robe blonde et lumineuse. Nez discret et fin. Bouche fumée, fraîche avec des notes de fruits cuit (abricot). Un fino assez classique, voire simple et qui s’oxyde assez vite. Il ne fait pas l’unanimité.

Sur des tapas : ailes de poulet, travers de porc, poivrons, sardines à l’escabèche, thon, maquereau.

Photo©MichelSmith
Photo©MichelSmith

– 3 En Rama, Jerez, Fino d’El Puerto de Santa Maria, de chez Lustau (50 cl). Blond de robe, fin de nez, exceptionnel de droiture, de finesse et de longueur en bouche, cette série fondée sur la mise en exergue des 3 zones d’élevages de l’appellation confirme la suprématie de Lustau dans l’art de la précision. La complexité en bouche n’est pas absente : noix, amande, touche de bois brûlé, on rêve de le marier à un saumon fumé de belle origine en gravlax. J’ai aussi pensé à un carpaccio de veau avec câpres, huile d’olive, une pointe de vinaigre balsamique et de généreux copeaux de vieux parmesan.

– Sacristia AB, Manzanilla, Secunda Saca 2013, d’Antonio Barbadillo Mateos (37,5 cl, 15°). Robe blonde sans surprise, mais nez surprenant au premier abord, presque moisi. À l’oxydation, le vin devient prenant, dense, entêtant au point qu’il finit par captiver l’auditoire. Huit jours après, il confine au sublime : on devine l’épaisseur, on sent le zeste de citron, le fumé, la salinité et la belle amertume qui vient souligner la finale. Il lui faudrait quelques blocs de maquereau cru avec des feuilles de basilic et des morceaux d’olives vertes et noires, mais là encore on pense au parmesan disposé cette fois-ci sur des asperges vertes légèrement poêlées et servies tièdes avec un filet d’huile de noix. Où alors on lui donne un jeune navet coupé en lamelles fines avec huile d’olive et truffe. Mais on songe aussi à un tartare de cèpes…

– Fino Una Palma, Jerez, Gonzalez Byass (50 cl, mis en bouteilles le 25/10/2013). Un autre monde pour cette palme (la marque repère inscrite à la craie par le maître de chais sur un fût qui se comporte particulièrement bien), la plus jeune d’une série de quatre. Dans ce cas précis, il s’agirait de 3 botas (fûts) assemblées, un Fino de 6 ans d’âge minimum. C’est plein, épais, riche mais bien structuré, rond mais avec ce qu’il faut d’acidité et de jolies notes d’amande grillées. Un très joli vin où l’on ressent la présence excitante de la flor ainsi qu’une longueur assez inhabituelle. Certains pensent au cognac et de ce fait au havane. D’autres évoquent une dégustation de chocolats de différentes origines. De mon côté, je penche pour un très léger curry de crevettes…

Photo©MichelSmith
Photo©MichelSmith

– Fino Dos Palmas, Jerez, Gonzalez Byass (50 cl, mis en bouteilles le 15/10/2012). Toujours cette belle étiquette ancienne sur un élégant flacon montrant une robe plus ambrée. Huit ans d’âge au moins, ce qui fait que l’on boit la puissance… Rondeur, intensité, l’acidité se distingue sur la longueur qui, elle même, est assez phénoménale. On boit, on parle, on boit et on reparle, on ne remarque même pas que le vin commence à être chaud depuis le temps qu’il attend son tour dans cette dégustation estivale. C’est un vin de repas, on en convient – Bruno le voit sur un turbot aux morilles -, mais c’est aussi un vin de fauteuil, un vin de méditation.

– Fino Tres Palmas, Jerez, Gonzalez Byass (50 cl, mis en bouteilles le 18/10/2012). Nous sommes sur des vins ayant passé 10 ans sous voile, ce qui est plutôt rare et même rarissime. Au premier abord, on pense à de vieux Château-Chalon. Le style Fino est encore présent, mais on devine quelques touches de rancio caramélisé en finale qui vient s’ajouter à des notes de noisettes grillées. Le vin fait causer. « C’est la mort de la fleur » lance quelqu’un en imaginant le voile qui se déchire et se désintègre petit à petit dans le fût. « Doré, soyeux et tendu en bouche », s’avance un autre dégustateur. Que faire avec ? Lire ? Écouter de la grande musique ? Sombrer dans un profond fauteuil ? Aimer ? Fumer un grand havane ? Contempler la campagne ou la mer, ou le ciel ? Bref, à vous de voir… Sachez qu’il existe un Cuatro Palmas qui est en réalité un très vieil Amontillado tiré d’une très vieille réserve…

– Pastrana, Manzanilla Pasada, La Gitana de Hidalgo. Pour ainsi dire très peu filtré et composée de vins deux fois plus âgés que ceux entrant dans la composition de la Gitana (voir commentaire plus haut), ce vin d’une seule vigne (single vineyard sur l’étiquette) était très mal placé dans notre dégustation. Bien que sa robe ambrée fut agréable à l’œil, je l’ai trouvé un peu éteint, mou, tandis que mes collègues de dégustation ont préféré utiliser le terme « discret ». Certains ont tout de même relevé des volutes de havane et des effluves de fruits secs. On a même envisagé un mariage sur l’huître !

Photo©MichelSmith
Photo©MichelSmith

Antique Fino, Jerez, Bodegas Rey Fernando de Castilla (50 cl). Une gamme de vieux Jerez dans toutes les catégories, voilà ce que propose ce négociant, à commencer par ce Fino luxueusement présenté. Je lui ai trouvé un nez légèrement bouchonné, tandis que d’autres, comme Bruno, ont relevé un nez complexe fait de rancio, de cognac et de vanille. Il l’a d’ailleurs examiné sous l’angle d’un digestif, tandis qu’Isabelle, en fait « son » vin de cigare ! Goûté de nouveau quelques jours après, le côté liège avait disparu pour laisser place à un vin que j’ai trouvé dur et massif, en tout cas pas dans l’esprit fino, même vieux.

Michel Smith

Quelques notes complémentaires et pratiques

-Absente de cette dégustation, il convient de noter la série « En Rama » de la maison Tio Pepe, plutôt Gonzalez Byass, dont le chef de cave, Antonio Flores, met chaque année en bouteilles une sélection particulière donnant lieu à un assemblage de finos pour ainsi dire à l’état brut (non filtrés) ayant passé cinq ans au moins sous voile dans deux chais réputés pour leur hygrométrie. Le souvenir de l’un d’entre eux, goûté il y a trois ans (chaque année, une nouvelle étiquette est copiée sur un modèle ancien) est encore présent… Il faut dire qu’il y avait un remarquable jambon à portée de doigts !

-À propos de la série des Palmas de Gonzalez Byass (voir plus haut), je recommande le récit d’une dégustation du même type organisée par le maître de chais de Gonzalez Byass à laquelle le journaliste Danois Per Karlsson (BKWine Magazine) a pu assister. Et puisqu’il faut tout de même de temps en temps causer prix, le 3 Palmas de Gonzalez Byass tourne autour de 30 € pour 50 cl quand on en trouve en Espagne, le 2 Palmas est à un peu plus de 20 € et le 1 Palma autour de 15 €. Il existe aussi un cuatro Palmas (Manzanilla) mais en Amontillado à près de 90 € (50 cl). Merci encore à Bruno Stirnemann de nous avoir offert ces vins de grande noblesse extirpés de sa cave.

-Dans le même genre d’idée, la maison n’est pas en reste, elle qui commercialise 3 versions de finos en rama, un Jerez (que nous avons dégusté plus haut), une Manzanilla et un autre Jerez mais d’El Puerto de Santa Maria. Compter près de 17 € pour 50 cl.

-Une boutique en ligne ? La plus sérieuse me semble être celle de Villa Viniteca, une institution à Barcelone, avec quelques raretés chères à notre dégustatrice Isabelle Brunet, comme les finos de l’Equipo Havazos hélas absents de notre dégustation. Bien qu’intéressés par tous les vins espagnols, les membres de cette équipe semblent avoir une prédilection pour l’Andalousie. Leur mission : détecter des pépites dans les caves du royaume, se les réserver, suivre leur élevage, puis leur mise en bouteilles, enfin leur commercialisation. Je vous avais déjà déterré quelques bouteilles ici même. Je me souviens d’une exceptionnelle Manzanilla Bota n° 32 qui fait encore frémir mes papilles de jouvenceau… Introuvable désormais, à moins d’un miracle ! Quelques raretés de cette fameuse équipe sont cependant en vente à la Maison du Whisky qui semble en avoir l’exclusivité en France.

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-Une boutique pas trop mal achalandée et proche de la France, le magasin Grau, en Catalogne, où je me suis largement servi en payant ma note, je le précise, au cas où certains auraient des doutes… Sinon, allez sur le site Univum où un large choix est proposé. Un autre site semble s’intéresser au Fino : Vino Iberico. Quant à Lavinia, pourtant partie de l’Espagne, son offre en ligne en France est plutôt décevante en matière de Finos.

-Enfin, un blog sérieux à consulter régulièrement si vous lisez l’anglais : le Sherry Notes du Belge Robert Luyten.

Millésime Bio 2022 : mon petit parcours.

3 Avr

Bio ou pas, le tout dernier jour d’un salon consacré au vin a le plus souvent l’allure d’un vagabondage apaisant, et ce, pour plusieurs raisons, à commencer par le fait que l’on y croise moins d’emmerdeurs, moins d’anciens combattants de la vitisphère aussi, moins de vignerons saisis de grossetêtisme aigu, de journalistes désœuvrés ou sur le déclin (c’est mon cas !), moins de sommeliers starisés, moins d’attroupements aux stands des célébrités vigneronnes. En route pour une journée de dégustations à Millésime Bio 2022.

©Salon Millésime Bio

En réalité, pour bien visiter un tel salon (plus de 1.500 exposants), il faut s’organiser, planifier ses dégustations, parcourir des kilomètres en tentant d’éviter les enseignes amies afin de respecter au mieux un planning et enfin, boire, boire beaucoup d’eau. Autant de choses dont je me sens incapable. Sans organisation précise, il faut donc se fier à l’improvisation et à la liberté qui en découle. Suffit alors d’arpenter une travée prise au hasard, d’éviter les invitations pressantes de commerciaux aux allures de rabatteurs de boîtes de nuit, ne pas trop se fier aux mines souriantes des uns et des autres, marcher droit en levant bien la tête pour repérer les noms d’exposants, noms qui déclenchent l’envie de passer son chemin ou, au contraire, de s’arrêter pour une pause ou une dégustation des plus complètes. Ce faisant, on accepte le principe du choix arbitraire, voire hasardeux : c’est ainsi que, de manière à ne pas trop embrouiller mon palais, et ce, jusqu’à l’heure du déjeuner, j’attaque sans discussion au blanc sec, puis j’accélère aussi sec au rouge jusqu’à ce que la faim, comme réveillée par les tannins, se profile et me tenaille. Pour finir, clore la visite par des bulles. Pas de vins spéciaux, privé de liqueurs, de cidres, poirés ou bières…

On part donc avec l’idée que l’on ne va pas participer à un marathon-dégustation à l’image de ce que l’on savait faire lorsque l’on était jeune et beau, mais que l’on s’autorise juste une promenade curieuse pleine de bonnes surprises. Accepter enfin le fait que l’on ne peut pas tout en même temps goûter, cracher, se concentrer, prendre de notes et photographier. Ceci explique la pauvreté des illustrations dans ce reportage, la plupart de mes photos étant ratées du fait d’un encombrement quelque peu déstabilisant : carnet, stylo, mouchoir en papier, portable, etc.

©PhotoMichelSmith

Il me fallait des blancs en ce début de matinée lorsque je me suis scotché au stand de Jean (le père) et Victor (le fils) Gardiès qui, selon ma propre expérience des vins du Roussillon, sont à mettre en peloton de tête d’un éventuel top ten de cette région qui fut longtemps la mienne. Les Gardiès m’ont présenté 4 blancs secs, tous impeccables, issus de leurs vignes, ce qui prouve une fois de plus que le Roussillon devient de plus en plus un eldorado pour des vins de cette catégorie. Les quatre, de vignes, de cépages sudistes, d’assemblages et d’élevages différents, traduisent la grandeur des paysages de la Vallée de l’Agly et attestent de façon admirable le travail sérieux et réfléchi effectué de longue date par Jean Gardiès. Mon préféré est la Torreta (40 €), un vin nouveau basé sur le Tourbat en majorité (Malvoisie du Roussillon) et le Maccabeu, le tout élevé plusieurs mois en demi-muids et 12 mois en bouteilles. Moins cher, le Grenache gris joliment intitulé « Je cherche le ciel » (19 €) est tout aussi remarquable. Ça commence bien, et j’ai au moins une photo !

©PhotoMichelSmith

Deuxième halte blanche, angevine cette fois, au Domaine Ogereau qui, sur 23 ha de vignes, en possède 5 ha en Savennières, le tout avec des lieux-dits bien répartis en 3 appellations. C’est parfaitement expliqué par Emmanuel Ogereau sur le site maison. Je ne goûte que les 2020 actuellement en vente et, après une “Saponnaire” ample et persistante, je pose mon nez sur la délicatesse des “Bonnes Blanches” (24 €), un sec doté d’une éclatante acidité évoquant cette lumière que l’on ne trouve qu’en bord de Loire. Retour vers le Layon, l’Anjou “Vent de Spilite” est comme cisaillé, sculpté par le temps, offrant droiture et structure, le tout porté par une persistance de toute beauté. On remonte vers Chaume avec cette “Martinière” d’appellation Anjou aux sols chauds et caillouteux qui évoquent puissance et longueur. Vient un Savennières “Le Grand Beaupréau” (27 €), clos situé sur les hauteurs aux pieds du moulin du même nom. Je tombe amoureux de ce vin car, tout en restant sur la fraîcheur tonique, je me laisse prendre par le gras, l’épaisseur, l’opulence… Une veine de grès sur le même coteau me fait tomber sur un Savennières “L’Enthousiasme”, blanc étale à la fraîcheur exemplaire, sans parler de la fougue énergique et de la longueur. Pour finir, un Coteaux-du-Layon Saint-Lambert (20 €), un entre-deux qui associe la finesse du botrytis à l’éclat de la fraîcheur. Je compte bien me rincer en beauté au Crémant, mais il n’y en a pas…

Par bonheur se pointe le Domaine Sauvète et son Touraine Sauvignon 2020 (10 €) très agréable de maturité, prêt à boire et joliment savoureux comme l’est le même cépage en Touraine Chenonceaux 2019 (14 €) à la fois clair et bien dessiné. Au passage, je ne peux passer à côté d’un rouge “Antea” 2018 de même appellation (comme de prix) marqué par 80 % de Côt aux jolies notes de cassis.

Photo©OlivierLebaron

I mix French and English with Deborah and Peter du Mas Gabriel et un délicieux Carignan blanc d’IGP Hérault 2021 (16 €). Bien que j’en sois tenté, je ne vais pas faire appel à la “minéralité”, mais plus à l’éclat fruité que m’évoque ce beau vin : poire et pomme presque blette, soleil, en veux-tu, en voilà, longueur aussi, acidité avec une pointe de verveine citronnée, c’est à mon avis un blanc d’avenir qu’il convient d’encaver. À noter que les “Trois Terrasses”, rouge 2020 (13 €) à majorité Carignan, au joli nez fin, velouté et notes de café en grains, souple, mais long, reste une fort belle affaire.

Languedoc toujours, même secteur de Caux, avec la Font des Ormes, domaine de 20 ha d’un seul tenant et un premier et prometteur millésime (2021, 14 €) blanc à forte majorité Rolle complété par le Grenache gris, aussi intéressant en complexité et longueur que l’IGP Pays de Caux 2021 (18 €), de pur et vieux Terret Bourret, sol de basalte sur calcaire. En rouge, je suis étonné par l’élégance du Coteaux-du-Languedoc Pézenas “Basalte” 2016 (28 €) dont les vignes de Mourvèdre, Syrah et Grenache sont au sommet d’une coulée de lave : notes salées, fumées, harmonie, distinction des tannins et jolis fruits rouges tout en longueur. Noter que ces deux cuvées existent en magnum.

Immanquable arrêt au stand d’Alain Chabanon, un des grands noms du Languedoc. On attaque avec le rosé “Tremier“ 2020 de pressurage direct, IGP Saint-Guilhem-le-Désert (12 €) à 80% Mourvèdre, reste Grenache blanc toujours aussi craquant de franchise ponctuée par un léger grésillement tannique. Un Terrasses-du-Larzac 2020 “Campredon” (Mourvèdre, Syrah, Grenache presque à égalité (16,50 €) vient ensuite : encore un peu perturbé par la mise récente, il ne livre qu’un joli fruit et une belle fermeté. Cependant, mon préféré en rouge reste tout de même le joli clin d’œil au Merlot “Petit Merle aux Alouettes” 2020 (16,50 €) qui, avec une macération de 30 jours, nous offre une magnifique matière, du grain et de formidable tannins équilibrés.

Prochain quai d’amarrage, celui de Rémy Soulié du Domaine des Soulié, à Assignan, un des tout premiers bio de France. J’y vais d’habitude pour son Malbec franc et sincère (7,50 €), ainsi que pour le sourire du vigneron et pour son Saint-Chinian toujours simple, joyeux et équilibré (7,50 € pour le 2021). Mais c’est la version 2020 d’un pur Cinsault (7,50 €), IGP Vin de Pays des Monts de Lagrage, certes un peu vert, mais bigrement frais et décoiffant en bouche, que je retiens le plus.

Photo©DomaineSérol

Puisque le rouge est lancé, c’est au tour du GamayCarine et Stéphane Sérol, comme toujours, sont à la manœuvre avec une Côte Roannaise 2020 “Les Millerands”, vieux plants de Gamay de 70, 90 et 110 ans d’âge à 520 m d’altitude qui d’emblée vous font sourire de plaisir tant la bouche est juteuse autant qu’harmonieuse. Engouement personnel pour le “Perdrizière” 2020 (sol de gorrhe) somptueux malgré une matière en réserve, particulièrement long en bouche et armé de jolis tannins. Sans soufre, 7 mois en amphores, “Chez Coste” 2020, vignes de 30 ans, ne démérite pas non plus : joli nez, souplesse en attaque, mais vif par la suite, bien structuré, il fait preuve d’allant et de charme. Et pour clore la séance, on a droit à une coupe de Méthode ancestrale dégorgée “Turbulent”, un pur jus de Gamay ne titrant que 9,5° (12 €) toujours aussi allègre et si beau à mirer !

Pto©MichelSmith

Au tour du Champagne avec deux maisons (et domaines) en ligne de mire, à commencer par Fleury qui se compose de 15 ha de vignes dans l’Aube. Sur 10 cuvées dégustées, dont deux Coteaux Champenois blanc et rouge, je retiens le brut nature “Notes blanches” 2015, un pur Pinot blanc toujours aussi vif, brillant, dense et plein d’esprit. Le très Pinot noir “Sonate” 2012, à la fois épicé, grillé et blé mûr, avait du mal à aller plus loin, car servi trop glacé. Ce ne fut pas le cas en revanche de mon favori du moment, le pur Pinot noir sans dosage (extra brut) “Boléro” 2008 (90 €), élevé au tiers sous bois, que j’ai adoré à la fois pour son bon rapport acidité/gras/densité, mais aussi pour sa structure et sa longueur. 

Enfin, au stand Leclerc Briant, maison qui dispose de 14 ha de vignes près d’Épernay, j’ai le plaisir de goûter un “Blanc de Meunier” 2015 (140 €), cuvée crée avec le millésime 2013 à partir de cépage Meunier ou Pinot Meunier provenant du nord de la Montagne de Reims. Un zéro dosage large et expressif en bouche, poire et pomme dominantes sur fond presque miellé. Tirage de 3 à 4.000 bouteilles.

Michel Smith

Salon Millésime Bio 2015 : mes trophées de l’année.

3 Avr

Les organisateurs du petit salon sympa de jadis, devenu en quelques années la vitrine géante de la bio mondiale ont eu l’idée – à moitié heureuse à mes yeux – d’organiser une sorte de « prix spécial de la presse »; une super récompense des médias, à partir des médaillés vins bio de l’année, ceux du Challenge Millésime Bio. J’ai bien essayé de participer en commençant par les rouges, le premier jour, mais j’ai vite déchanté, car les vins n’étant pas cachés d’une robe, ce qui me paraît essentiel dans le cadre de l’attribution d’un prix, j’étais bien entendu tenté, tordu comme je suis, d’attribuer mes coups de cœur aux flacons de mes potes vignerons en priorité, si possible ceux amoureux des cépages autochtones, CinsaultCarignanTerretGrenache et consorts. J’aurais pu m’en tenir au Sud-Ouest ou au Bordelais, à la Savoie, l’Autriche ou l’Afrique du Sud, mais là aussi, je me sentais piégé car, depuis le temps que je viens au salon, je commence à en connaître un rayon et à avoir une flopée de favoris.

Alors, pour me venger en souriant de ces déconvenues, n’ayant pas encore reçu les résultats de ce super concours à l’heure où je rends ma copie, c’est à dire cette nuit, j’ai décidé d’attribuer mes propres trophées, en fonction de plusieurs catégories un peu loufoques afin de faire un maximum de buzz et un maximum d’heureux. Si vous souhaitez en ajouter d’autres, libre à vous! Par honnêteté, je précise que, sur un plan purement déontologique, à mon avis, un vrai journaliste ne devrait jamais avoir à attribuer de prix. Mais voilà, vous me connaissez et je n’en suis pas à une contradiction près.

Photos©MichelSmith
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1 – Le prix du plus beau Crachoir du salon est remis à l’Alsacien Mathieu Boesch (Domaine Léon Boesch) pour son magnifique crachoir en grès de sel typique de Betschdorf !

Photo©MichelSmith
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2 – Le prix du Fino le plus Fou va à la Gélatine de Fino des Bodegas Robles à Montilla, spécialité que les cuisiniers du royaume s’arrachent déjà !

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3 – Le prix du Couple Vigneron qui a résisté plus de 40 ans à toutes les tempêtes va à Monique et Michel Louison qui, après s’être battus à Faugères font revivre un magnifique terroir à leur dimension, le Domaine de La Martine, dans le Haute Vallée de l’Aude, près de Limoux, où le Cabernet franc donne un incomparable rosé encore plus dense que celui déjà repéré l’an dernier.

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4 – Le prix du plus Beau Design pour un « bag in box » est attribué à ce dessin de Mika et ce joli slogan aperçu au stand de Biotiful Wines. J’en profite pour ajouter que Nadine Franjus-Adenis qui commente souvent sur ce blog est à l’origine d’un nouveau concours vineux dédié à ce genre de contenants.

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5 – Le prix des plus Jolies Bulles revient tout naturellement à l’équipe du Château de La Liquière qui, non contente de vinifier des Carignans hors pairs concocte depuis 3 ans un délicieux breuvage moitié Grenache, moitié Mourvèdre, élaboré dans une cave de Gaillac pour une sacrée méthode ancestrale baptisée « L’unique Gaz de Schiste » qui vaut son pesant de douceur et de vivacité !

Photo©MichelSmith
Jim, trying to eat ! Photo©MichelSmith

6 – Le prix de la plus Belle Moustache 2015 était pour moi le plus facile à attribuer, le plus évident : il va à notre Jim Budd qui n’a pas cessé durant trois jours de gambader dans les rues de Montpellier et les travées de Millésime Bio.

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7 – Le prix de la Déclaration d’Amour va tout droit à John Bojanowski du Clos du Gravillas qui a choisi de composer un tendre message à l’attention de son épouse Nicole, en guise de numéro de lot tatoué sur le col de ses bouteilles.

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Place de la Comédie, Montpellier by night. Photo©MichelSmith

8 – Le prix de la plus Belle des Soirées va, comme d’habitude, aux jeunes vignerons du Beaujolais venus dans une belle brasserie proche de la Place de la Comédie avec force magnum et vieilles bouteilles afin de prouver que le Beaujolais a du cœur !

Photo©MichelSmith
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9 – Le prix des « Estrangers » les plus Accueillants est attribué aux quatre vignerons de Vinibio menés par le conquérant et francophile Jao Roseira, de la Quinta do Infantado, monté de son Douro natal pour tenter de faire connaître les Vinho VerdeLisboa et autres appellations du Portugal.

Photo©MichelSmith
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10 – Le prix de l’Optimisme Catalan a été décerné à Bruno Ribière et à Frédérique Barriol-Montès qui ont su résister face au « Roussillon bashing » infligé par notre consoeur Rosemary George dans le dernier numéro de Decanter.

 Michel Smith

(Article initialement publié le 29 Janvier 2015 sur le site Les5duVin)

Le Vin de l’Adieu

23 Fév

Il arrive qu’un ami nous quitte, comme ça, sans rien dire.

Un copain de bistro nommé Eric, un camarade parisien exilé dans ce Sud profond…

Robe vieil or ou bronze aux multiples reflets joyeux, le verre tournoie et vient égayer la table de travail pour évoquer le souvenir d’un copain.

A portée de l’œil, proche du nez, pas loin de la bouche, le vin de chenin, l’Anjou, l’ange et le vin, l’Angevin, celui qui balise le chemin, le ch’nin du voyage, le vin de l’adieu, celui qui brille et que l’on trinque plus d’une fois, que l’on boit en pensant à ce personnage mystérieux, chaleureux, cet ancien, Eric, fidèle et courageux compagnon du café à la terrasse animée donnant sur la place des Trois Six.

Le Quarts de Chaume presque éternel, celui d’une grande année et d’un domaine angevin qui fut exemplaire, le sublime cru de lumière et de clarté, une de ces bouteilles que l’on n’oubliera pas de si tôt.

Michel Smith

Deux vins faciles, mais joyeux

16 Fév

Je voulais entamer cette mi-février par une note joyeuse afin d’insuffler un minimum d’espoir et d’encourager tous les indigents qui se seraient laissés berner par la stupide couillonnade médiatique qui a déferlé sur nos provinces, et qui, le mois dernier, consistait à vouloir assécher nos gosiers pour nous aider à mieux racheter nos coupables cuites de fin d’année. Chez nous, en Languedoc, c’est vrai que notre janvier a été plus “dry” que “wet” pour la bonne raison que le soleil et le ciel bleu nous ont accompagné presque sans relâche. Cela n’a fait que renforcer ma soif revancharde. Alors, pour mieux punir ces empêcheurs de boire en paix, je leur inflige en plein février ces deux cuvées inspirantes et désaltérantes, à boire sans trop attendre et sans retenue tant elles sont porteuses de bonheur.

Le Tempranillo du Languedoc

Très honnêtement, au début de la dégustation (à l’aveugle, of course), je pensais intuitivement à la vinification carbonique vue par l’esprit d’un artiste vigneron. “Mais c’est un super Beaujolais !” m’écriai-je, tout heureux que j’étais de me retrouver dans le plus parfait style de cette technique qui n’est pas donnée à tout le monde et qui est par ailleurs honteusement méprisée du côté des extrémistes du vin (il y en a !) qui se disent aussi volontiers puristes. Ce n’est que plus tard, en me penchant sur la fiche technique, que j’eus le plaisir de constater que le nul en dégustation que je suis avait, pour une fois, raison… tout en ayant tort, car le vin, précieusement illustré comme toutes les cuvées de la Famille Fabre (mille bravos pour la joliesse des étiquettes et bien le bonjour au passage à ce cher Louis, prince des Corbières !) n’était en rien un Beaujolais sudiste, mais un brave Pays d’Oc. Ce n’était pas un Gamay vinifié en macération carbonique, mais un Tempranillo, cépage espagnol très répandu outre-Pyrénées et qui, sans les années 50/60 s’est glissé timidement entre Corbières et Minervois, ainsi qu’en Biterrois. Une fois ces données assimilées, j’eus la confirmation du plaisir que me procure cette “carbo” lorsqu’elle est menée avec soin, cette sensation d’immédiateté (ne me parlez surtout pas de “buvabilité” !), l’impression de croquer dans le millésime 2020 que l’on commence à voir évoluer en qualité. Aujourd’hui que je l’ai bien en bouche et que je le savoure frais sans réserve (au bout de trois jours de réfrigérateur) sur ma très hivernale potée de queue de bœuf, choux, navets, carottes, etc, il est temps de le raconter : le fruit assurément bien en place, présent et mûr à cœur (cerise, plutôt) se ressent dès les premières gorgées sans qu’on ait besoin de l’implorer; j’y ajoute toutes sortes de notes ensoleillées, une saveur rondouillarde et charmante, une belle pincée de poivre, une touche cacaotée, voire sucrée et une envie folle d’enchanter de nouveau mon gosier lors d’un futur déjeuner sur l’herbe. De ce fait, le vin fut englouti sans qu’il soit besoin de me prier ! 

Photo©MichelSmith

Avec ce Tempranillo du Midi, dont la source se trouve au Domaine Coulon, propriété des Fabre certifiée bio (Ecocert) depuis près de 30 ans, vin vinifié sans soufre de surcroît, nous entrons dans la règle, dans la plus noble définition d’un vin de macération carbonique, celle qui consiste à reproduire le goût de la grappe entière conduite à bonne maturité à la manière d’un Henry Marionnet en Touraine. J’ai pu par ailleurs apprécier un autre cépage espagnol de la famille Fabre, blanc cette fois-ci, l’Alvarinho du Domaine de la Grande Courtade. 8,80 € départ cave, tel est le prix de la joie !

Photo©MichelSmith

Le Cabernet Franc de Loire

Cela faisait un bail que je n’avais pas plongé mon nez et mes lèvres dans un vin de cette société de négoce portant le nom de son fondateur, Donatien Bahuaud, maison fondée en 1929, maison que j’allais visiter il y a 40 ans dans le Pays Nantais et plus précisément dans le Muscadet, histoire de parfaire mon éducation et d’apprécier les vins, ceux du Château de La Cassemichère en particulier, sans omettre ceux de la cuvée “Masters”, série qui consacrait à la fois les compétitions de golf et les meilleurs jus de l’appellation en leur redonnant fruit, corps et matière. Depuis, cette société familiale a été reprise par je ne sais plus qui pour évoluer et se recentrer sur la gamme des appellations ligériennes, à l’instar de ce Saint-Nicolas-de-Bourgueil 2018 qui semble être la seule cuvée estampillée “bio” de la maison. Saisi à bonne température, c’est-à-dire autour de 16/17°, ce rouge soyeux, assez généreux en tannins que j’ai trouvés plutôt aimables, veloutés et poivrés, gorgé d’accents floraux et fruités (violette, mûre…), ce vin quasi gargantuesque, eh bien figurez-vous que je l’ai bu de bon cœur et qu’il m’a fallu me raisonner pour, in fine, planquer la bouteille une fois entamée de moitié et m’éviter ainsi de la vider presque d’un trait.

Assurément, c’est bon signe lorsque le vin se boit volontiers, comme ça, sans hésitation, signe que c’est immédiatement bon et sans reproche, surtout sur un magret de canard bien grillé sur sa peau ou encore sur des travers de porc également bien brunis. Je n’ai pas de fiche technique sur ce Cabernet franc de négoce, mais je parierais volontiers ma chemise de cow boy que la macération carbonique est pour quelque chose dans le plaisir ressenti. Environ 12 €, tel est le prix du plaisir !

Michel Smith

La galette (ou la coque) au vin de Paille

5 Jan

C’est l’Épiphanie ! Oui, vous savez le coup des rois mages en folies, la galette, la fève, la couronne et tout le toutim. Non pas les Rois Mages en Galilée de la jolie (question de goût) petite Sheila, robe en kilt, couettes et cætera, du moins en ce qui me concerne, mais c’est en tout cas le moment, après Noël et le jour de l’an neuf, de célébrer à nouveau une fête bien chrétienne dans une république bien laïque actuellement soumise à une forte ébullition électorale.

Photo©Michel Smith

Seul un bon vin, un vin adéquat bien sûr, un vin éblouissant, un vin d’élévation et d’éducation, sans oublier une belle et fine galette beurrée et frangipanée avec tout le raffinement pâtissier, une sublime gâterie tranchée ensuite soigneusement en autant de parts que nécessaire, pouvaient me réveiller et déclencher en moi cette envie subite, avec ou sans couronne, de partager un instant le pur bonheur d’être ou de ne point être sacré roi. Notez que chez moi, à Béziers comme dans tout le Midi, la galette est remplacée par une coque des rois, sorte de brioche parfumée à la fleur d’oranger et coiffée de quelques fruits confits.

Photo©MichelSmithh

Pour célébrer, un tour d’exploration en cave s’imposa. Et que vis-je malgré la pénombre ? Un flacon esseulé, petit, certes, mais dodu à souhait qui n’attendait que mon regard et l’élan de mon bras pour être saisi. Je tombai donc sur cet adorable mini clavelin de 35 centilitres nommé Arbois, mais encore et surtout “Vin de paille”, qui plus est signé Rolet, la plus belle maison du Jura avant celle de l’illustre Henri Maire et ici rehaussée du millésime 2003, pas si vieux, pas si jeune non plus. En trois ou quatre tours de main, je tirai l’impeccable bouchon et je servai dans ma coupe quelques lampées d’un divin vin couleur châtaigne, fier de ma trouvaille et certain d’avoir opté pour “le”, l’indéniable, l’indiscutable mariage, le choix de circonstance.

En fait de circonstance, ce fut tout simplement Byzance ! Au point que je ne pris même pas la peine de prendre de notes, assailli que j’étais par les senteurs qui émanaient du verre. Vous imaginez un peu ce que 35 centilitres d’un jus poisseux mais fin, étonnement frais, délicatement empreint de raisin confit, de poire curé cuite et de coing réduit en pâte, peuvent remuer de souvenirs, un peu comme si j’étais en visite dans un vieux grenier viticole de Vénétie. Vous pensez bien que ce vin aussi inhabituel qu’unique fut englouti sans cérémonie. Ayant raccompagné mes deux amis, je ne fus surpris qu’à moitié d’avoir laissé un très léger fond dans cette belle bouteille de taille réduite. Quelques heures plus tard, en s’épanouissant, ce vin était devenu digestif et ne chancelait nullement : sa « sucrosité » laissait place à une acidité éblouissante, il était prodigieux et, en une lampée, avalé les yeux fermés, il me pénétra et m’emporta en un délicieux sommeil de sieste. 

Michel Smith

PS En gros, voilà la fiche technique de ce vin : Savagnin et Chardonnay surtout, sans oublier 20 % de Poulsard, que de belles grappes séchées six semaines environ, puis pressées délicatement pour une lente fermentation jusqu’à 16° avec, pour finir, trois ans d’élevage en fûts de chêne. Le millésime actuel en vente au Domaine Rolet Père et Fils, le 2015, est autour de 180 € pour six jolis petits flacons.

Mon Madère de voyage

7 Déc

Hourra, je fiche le camp, je décolle, je file, je vole ! Destination l’inconnu, un caillou volcanique quelque part dans l’Atlantique. C’est mon premier voyage hors de nos frontières depuis de longues années, le premier qui me mènera aussi loin puisque, au moment où je ponds ce texte, je serai bientôt quelque part dans l’archipel des Açores, sur l’île de Sao Miguel plus précisément. Je sais qu’il y a deux ou trois vignes au moins sur l’une des neuf îles qui composent cette province autonome portugaise, mais comme je ne suis pas certain de pouvoir goûter les vins, je veux célébrer à ma façon tout en vous recommandant un de ces grands vins dont s’honore le Portugal, un vin presque aussi connu – si ce n’est autant – que le Porto.

©MichelSmith

Tout en pliant mon sac, j’ouvre un Madère fort joliment “madérisé”- c’est le cas de le dire -, un 5 ans d’âge de belle facture, œuvre de la bien connue maison Henriques & Henriques : un vin bronze pâle aux reflets lumineux qui titre 19° et qui se veut franc et vif d’attaque, vin importé en France par la société Dugas. La mention “Finest Dry Seco” (à opposer au “Full Rich Reserve”) bien en vue sur l’étiquette me l’a fait choisir en me disant qu’après tout cela faisait des lustres que je n’avais sniffé, bu et sifflé un flacon de vin de Madère. À moins de le commander en direct chez Dugas, vous le trouverez chez un bon caviste aux alentours de 20€ le flacon. Grâce à ce vin suggéré par l’ami Bruno Stirnemann, je sais par avance que je vais pouvoir m’éclater à la prochaine commande avec un autre variant, un “Medium Dry” de 3 ans à 19 € chez mon caviste du Nez dans le Verre basé à Pézenas.

D’abord, il y a ce nez complexe et fin d’essences et goudrons boisés ; en bouche, on sent l’exemplaire volupté du vin, sorte de voile mystérieux qui enrobe une structure puissante armée d’arômes d’écorces émanant de toutes variétés d’agrumes, notes qui en plus du noyau de l’abricot, font penser au quinquina de nos grand-mères ; cette brise légère, dont la beauté est accentuée par diverses épices, va balayer la bouche d’une large gamme fruitée, sans pour autant la fouetter, et va laisser un fond de liqueur concentrée se développer autour d’un raisin proche du muscat sec et de la pêche bien mûre, goût qui s’abandonne progressivement sans réellement se décider à quitter la bouche ; signature ultime et distinctive, cette finale révèle enfin toute la fraîcheur du vin, une qualité que l’on doit surtout à la précision et à la noblesse de l’amertume qui persiste longuement au palais sans l’assommer comme on pourrait le redouter. Avec ce vin, on a l’impression de partir pour un périple au long cours. Et ça me va bien.

©MichelSmith

Cette même satisfaction, je l’avais ressentie plus tôt avec une version pourtant considérée comme « ordinaire » (voir les deux photos plus haut), un Madère « de cuisine » de la même maison dont la fraîcheur réjouissante, ainsi que la tenue exemplaire, m’avaient en son temps régalé allant jusqu’à me forcer, en la circonstance, à allumer un de mes derniers Cohiba. Alors, pour un prochain rendez-vous, Madame, la chose est bien entendue : vous m’offrez le havane et j’arrive avec le madère ! En tout cas, c’est mon souhait et c’est tout ce que je vous souhaite à vous qui restez dans le gris moite et frémissant de l’hiver.

En attendant le prochain mariage Cuba-Madère, je m’en reverse volontiers une lichette…

Michel Smith