La galette (ou la coque) au vin de Paille

5 Jan

C’est l’Épiphanie ! Oui, vous savez le coup des rois mages en folies, la galette, la fève, la couronne et tout le toutim. Non pas les Rois Mages en Galilée de la jolie (question de goût) petite Sheila, robe en kilt, couettes et cætera, du moins en ce qui me concerne, mais c’est en tout cas le moment, après Noël et le jour de l’an neuf, de célébrer à nouveau une fête bien chrétienne dans une république bien laïque actuellement soumise à une forte ébullition électorale.

Photo©Michel Smith

Seul un bon vin, un vin adéquat bien sûr, un vin éblouissant, un vin d’élévation et d’éducation, sans oublier une belle et fine galette beurrée et frangipanée avec tout le raffinement pâtissier, une sublime gâterie tranchée ensuite soigneusement en autant de parts que nécessaire, pouvaient me réveiller et déclencher en moi cette envie subite, avec ou sans couronne, de partager un instant le pur bonheur d’être ou de ne point être sacré roi. Notez que chez moi, à Béziers comme dans tout le Midi, la galette est remplacée par une coque des rois, sorte de brioche parfumée à la fleur d’oranger et coiffée de quelques fruits confits.

Photo©MichelSmithh

Pour célébrer, un tour d’exploration en cave s’imposa. Et que vis-je malgré la pénombre ? Un flacon esseulé, petit, certes, mais dodu à souhait qui n’attendait que mon regard et l’élan de mon bras pour être saisi. Je tombai donc sur cet adorable mini clavelin de 35 centilitres nommé Arbois, mais encore et surtout “Vin de paille”, qui plus est signé Rolet, la plus belle maison du Jura avant celle de l’illustre Henri Maire et ici rehaussée du millésime 2003, pas si vieux, pas si jeune non plus. En trois ou quatre tours de main, je tirai l’impeccable bouchon et je servai dans ma coupe quelques lampées d’un divin vin couleur châtaigne, fier de ma trouvaille et certain d’avoir opté pour “le”, l’indéniable, l’indiscutable mariage, le choix de circonstance.

En fait de circonstance, ce fut tout simplement Byzance ! Au point que je ne pris même pas la peine de prendre de notes, assailli que j’étais par les senteurs qui émanaient du verre. Vous imaginez un peu ce que 35 centilitres d’un jus poisseux mais fin, étonnement frais, délicatement empreint de raisin confit, de poire curé cuite et de coing réduit en pâte, peuvent remuer de souvenirs, un peu comme si j’étais en visite dans un vieux grenier viticole de Vénétie. Vous pensez bien que ce vin aussi inhabituel qu’unique fut englouti sans cérémonie. Ayant raccompagné mes deux amis, je ne fus surpris qu’à moitié d’avoir laissé un très léger fond dans cette belle bouteille de taille réduite. Quelques heures plus tard, en s’épanouissant, ce vin était devenu digestif et ne chancelait nullement : sa « sucrosité » laissait place à une acidité éblouissante, il était prodigieux et, en une lampée, avalé les yeux fermés, il me pénétra et m’emporta en un délicieux sommeil de sieste. 

Michel Smith

PS En gros, voilà la fiche technique de ce vin : Savagnin et Chardonnay surtout, sans oublier 20 % de Poulsard, que de belles grappes séchées six semaines environ, puis pressées délicatement pour une lente fermentation jusqu’à 16° avec, pour finir, trois ans d’élevage en fûts de chêne. Le millésime actuel en vente au Domaine Rolet Père et Fils, le 2015, est autour de 180 € pour six jolis petits flacons.

Un amour de Manzanilla

3 Sep

Voudras-tu me pardonner d’avoir osé publier cette lettre qui, franchement, frise le ridicule ? Es-tu toujours du côté de Cadiz ? As-tu des enfants ? Serais-tu grand-mère ? Pardon d’être moi-même, incorrigible maladroit, mais faut dire que par moments, vois-tu, des choses de ma vie antérieure se raniment et remontent à la surface. Pour mon plus grand bonheur, mon cœur ce matin s’est mis à sautiller d’émotion tandis que je me préparais au réveil. La raison est simple, elle est presque enfantine : je venais de rencontrer ton visage dans un songe joyeux où je revisitais l’Andalousie en m’attardant passionnément dans cette poche très spéciale, ce triangle magique qui part de Jerez de la Frontera à El Puerto de Santa Maria pour finir par la ville de Sanlúcar de Barrameda où il me semble que tu avais de la famille. 

Cette lettre vois-tu, je la publie sans honte pour raviver une flamme bien trop brève, un amour de passage comme on dit, une folie douce autour d’un vin, d’un paysage crayeux, rêverie de voyage, instant de doux égarements, nuit enchanteresse au sein de laquelle j’ai trouvé refuge autrefois, le temps d’une rencontre magique, femme et vin à la fois, souvenirs ponctués de regards insistants, de petits plats bigarrés et piquants sur fonds de chant profond accompagné de guitare flamenca.

La carte postale…

Oui, je sais, j’ai cette fâcheuse tendance à exagérer, à tout déformer. Partout, je lis “le” Manzanilla alors que pour moi c’est “la” Manzanilla, quelque chose de définitivement féminin, comme l’eau est à la bouche, la salsa à La Havane, la tomate à la pizza et ainsi de suite. Oui, je persiste encore à vouloir féminiser ce vin andalou qui m’est devenu si familier depuis que je l’ai rencontré presqu’en même temps que j’ai fait ta connaissance à Sanlúcar de Barrameda lors d’une de ces visites professionnelles où je pensais plus à m’enivrer de tapas et de finos qu’à travailler sérieusement. Oui, te souviens-tu de cette visite où je t’ai trouvée grâce au hasard de la rencontre ? Fille étincelante décidée à conquérir le monde, si séduisante dans ton chemisier rose à peine transparent et ton pantalon jaune-orangé si bien adapté à ton allure de jeune étudiante déjà bien engagée dans la vie, forte de ta maîtrise de la langue française (ta maman, si mes souvenirs sont bons, était native de Bordeaux), tu finissais en ce début septembre ton stage de guide touristique dans les chais des Bodegas Barbadillo, une des maisons les plus traditionnelles de cette cité bizarre étalée – écartelée devrais-je dire – de tout son long sur le flanc bas du fleuve, là où ce dernier s’ouvre en une sorte de virgule géante à la rencontre de la Méditerranée

©MichelSmith

Le sac de plage en bandoulière encombré de dossiers de presse, les anses reposant sur ton épaule cuivrée, le flot de tes cheveux blonds en partie retenus, je crois, par un élégant foulard blanc filant derrière le cou pour finir presque jusqu’au creux du dos, tu paraissais fière d’accueillir ce petit troupeau de journalistes fans de fino, fière et heureuse de transmettre la culture de cette région de Jerez que tu aimais “par dessus tout”, ainsi que tu nous l’avais confié avec cet air triomphal qui te caractérisait. Cela se passait juste avant d’entrer dans la pénombre d’un chai monumental qui semblait s’imbriquer dans les fondations du château de Santiago en haut duquel, à condition de vouloir gravir les marches sous une chaleur torride, la vue sur le Guadalquivir était grandiose et mémorable. C’est fort probablement à cause de la lumière tamisée qui filtrait en rayures inégales dans l’espace étrange de cette cathédrale remplie de botas empilées les unes sur les autres que tes yeux d’un vert olive teinté de filets dorés me sont apparus, un peu comme s’ils cherchaient à capturer la part infime et inaccessible d’un soleil à peine tiédissant en ce début de soirée. Dans la décontraction la plus totale, un brin d’accent dans la voix qui se voulait enthousiaste, tu nous récitais une leçon bien apprise sur cette flor mystérieuse et microbienne, cette “fleur” qui pour nous n’est qu’un voile le plus souvent d’un blanc disgracieux recouvrant la surface du vin, mince tapis qui se veut avant tout « nourrice », de celle qui accompagne l’apprentissage du vin dans des fûts aux trois quarts remplis, ce vin qui deviendra (ou pas) Fino à Jerez mais qui ici se nomme Manzanilla

©MichelSmith

Que la Manzanilla était bonne ! Et que tu étais belle ! Belle au point d’en oublier ton prénom ce qui explique qu’aujourd’hui, tout en écrivant ces lignes, je ne retiens que ce mot, celui qui devient le nom que je te donne provisoirement, ma chère Manzanilla. Peut-être t’appelles-tu Lola, Pilar, CamilaSara ou Carmen ? Peu importe puisque tu restes pour moi LA  fille de LA Manzanilla, ce vin que l’on boit frais, celui qui a l’amertume légère, le goût de la liberté, de la rencontre, de l’amour. Il me semble qu’avec précaution ce soir-là je t’avais dit combien je détestais les danses locales, les « sévillanes » sautillantes et leurs inévitables simagrées. Tu savais aussi – on en avait bien rigolé – comment je suis capable de me retirer comme un escargot au fond de sa coquille dès lors que s’exprime la fougue arabo-andalouse avec ses irritants et cinglants coups de talons, ses cris de torpeur semblables à ceux de la veuve éplorée, que le simple bruit sourd des sabots qui martèlent le sol me fait fuir, sans parler de l’odeur du crottin chaud dans l’arène, du parfum volé et abusé de mes voisins, de la sueur et de la poussière. À cause de ces préjugés qui me font honte aujourd’hui, j’ai eu l’impression que ce soir-là, lorsque mes camarades furent partis pour rejoindre leur hôtel de luxe à Jerez et que j’ai décidé de passer la nuit à Sanlúcar, notre destin était lié, j’en étais sûr, au moins pour une nuit. Même s’il n’y avait pas à l’époque de zéro six, j’avais la certitude que nous allions nous revoir très vite.

©MichelSmith

Peu après cette visite suivie d’une dégustation, je suis sur cette large promenade qui frôle le fleuve et la plage en essayant tant bien que mal d’allumer un robusto dans le vent léger de la mer. Tu me croises, on se regarde un bref instant, on s’aborde franchement et je te demande si tu n’aurais pas une bonne adresse de fruits de mer. Maintenant, j’en suis certain, ça me revient, tu t’appelles bien Carmen. Original n’est-ce pas ? Toi et ton regard Carmen, toi que j’ai osé draguer dans la rue, cette même Carmen qui m’évoque Carmen SevillaCarmen Miranda ou plus proche de nous Carmen Amaya, ou bien encore la mondialement connue Carmen de Bizet, oui toi Carmen, tu me conduis à quelques pas de là aux portes de la Casa Bigote, cet immanquable bar et restaurant du quartier Bajo de Guia.

©CasaBigote

Pas de réservation, mais tu nous a déniché une place de choix pour engager la conversation au seuil de notre nuit agitée arrosée de maintes copitas de vin blanc toujours frais dans un défilé bien orchestré par les demoiselles de la baie de Cadiz : grosses carabineros frites couleur rouge sang, gambas blanches tirant sur le rose ou adorables langostinos tigrées du golfe de Cadiz. Je suis certain qu’à ce moment même où nous trinquions en nous regardant fixement j’ai dû penser à la Belle de Cadiz et à ses yeux de velours. Il me semble aussi que, revoyant à tes yeux coquins, contrairement à la ritournelle, la belle andalouse en face de moi était désireuse d’un amant…

Les crevettes tigres !

Une fois dehors, moi grisé par la bonne fortune de ce repas partagé, le vent séchant quelque peu ma chemise collant à ma peau de par la moiteur tropicale de la salle pleine à craquer, toi tu étais toujours là, vaillante, quoiqu’un peu hésitante. Puis, comme illuminée par ma proposition d’une tournée des bars typiques, avec pour bonne excuse : « goûter la Manzanilla dans ses différences d’un quartier à l’autre de la ville », nous sommes partis en vadrouille. Tu avais le désir fou de me montrer ta cité en partie blanchie de chaux, la volonté de trainer encore en ma compagnie. Vers une heure ou deux du matin, je laissais un instant ton visage radieux pour plonger mes yeux vers ton corsage entrouvert où luisaient quelques perles d’humidité rejoignant l’armature de ton soutien-gorge blanc d’où je devinais, comme par hasard, tes petits seins rondelets.

©MichelSmith

C’est en pensant à toi, à cette nuit ardente et tourbillonnante qui nous a fait passer d’un bar à l’autre jusqu’au lit profond de cette vieille pension au patio andalou, qu’en ce matin lumineux, trente deux ans après, si ma mémoire est bonne, je revois le moment ô combien cruel et détestable où l’envie de quitter tes yeux d’amande pour aller faire semblant de travailler et rejoindre mon groupe à Jerez a finalement été plus forte que le rêve que je caressais en secret et qui me disait de rester à tes côtés. De rester ne serait-ce qu’un jour ou deux pour un bain de mer en ta compagnie, pour un plat partagé de coquillages, pour une nuit de plus dans tes bras.

C’est fou comme la Manzanilla peut-être mauvaise conseillère quand on en abuse !

Michel Smith

Rancio, patience et langue de « cha »

18 Juin

Pourquoi ne pas faire ici l’éloge de la Patience ?

L’autre jour, je me suis transporté sans me presser chez moi, au plus profond du trou du cul de la France, là où il ne fait tout de même pas si mal vivre puisque le monde entier y accourt. Là, aux pieds du Canigou, à quelques pas du Centre du Monde, nous avons une spécialité en matière de vins que de nombreuses régions nous envient. Une spécialité qui exige une sacrée dose de patience. Bon peuple, sois rassuré, car je ne vais pas t’asséner un énième cours sur les Côtes du Roussillon Villages (ou pas Villages), ni sur les Vins de Pays des Côtes Catalanes dont les plus excitants sont très carignanisés. Non, ce ne sont pas les braves muscats qu’ils soient de Rivesaltes, de Printemps ou de Noël qui ont retenu aujourd’hui l’attention de mes délicates papilles. Ce n’est pas non plus mon beau Banyuls, encore moins mon Maury chéri, chéri… (au fait, qui se souvient dAlice Sapritch et de son « chéri, chéri » ?) que je redécouvre pour vous en ce jour printanier.

Le vin dont je vais causer a le plus souvent l’appellation un peu vieillotte et un brin ringarde de Rivesaltes tout court. Vous savez bien, le style de vin de la mémé qui dit à sa copine après une séance de sieste suivie de papotages et de ragots : « vous prendrez bien deux doigts de vin doux ? » tout en sortant du placard la boîte (en métal) qui renferme les boudoirs et les  langues-de-chat. Ah les langues-de-chat de ma mémé ! Et les plus anciens de se souvenir du chanteur bellâtre, vantant les mérites de ce vin et de son beau pays dans une pub façon Séguéla – l’enfant du pays devenu défenseur de la Rolex et non du Solex – sur l’air entraînant de « Je vais te chanter la ballade, la ballade des gens heureux »… Toute une époque !

En ce temps-là, dans les années 60, les «marketeurs» n’avaient d’yeux que pour les apéritifs de marque (Vabé, Bartissol, Byrrh… mais il y en avait d’autres) qui rapportaient alors un fric fou. Ces marques, que nos grand-mères (et pépés) confondaient souvent avec du vin cuit, se sont éteintes un beau jour, sauf peut-être quelques-unes qui sont encore présentes en GD. Accompagnant ce déclin, le public a oublié que, sous le nom Rivesaltes, il pouvait coexister plusieurs types de vins : grenat, tuilé, ambré, hors d’âge, etc. Parmi ceux-là, il en est un qui, à mon humble avis, est promis à un grand et long avenir, c’est le style rancio. Attention, ce terme, ou plutôt ce qualificatif, peut avoir au moins deux sens : rancio sec et rancio doux. Il peut aussi offrir une palette de robes entre tuilées et ambrées. Bien que cette distinction ne figure même pas dans le décret (à moins de l’avoir mal consulté ou mal interprété…), c’est le premier style, le rancio sec, qui à mon avis a le plus de noblesse et le plus de chances de séduire le palais des amateurs de vins originaux. Du moins, c’est celui qui ne souffre pas la moindre médiocrité, le moindre relâchement, la moindre marque d’impatience…

#Vendredi du Vin # 63 : Le mariage de patience entre Rancio sec et langue de Cha

Pour quelle raison a-t-il l’heur de me plaire ? Tout simplement parce qu’il se rapproche d’un mode d’élevage antique, très influencé me semble-t-il par l’Espagne si proche (mais n’étant pas Catalan, je me garderai de me prononcer avec certitude, vous le comprendrez…), et surtout un style qui réclame le plus d’abnégation puisque, en partant d’un rendement déjà faible, il faut accepter les longs séjours en vieux foudres dans une pièce sans chauffage ni climatisation, périodes au cours duquel le vin sue littéralement et s’évapore dans l’air sous forme de part des anges, phénomène encore en vogue chez les meilleurs producteurs de Cognac et d’Armagnac pour ne retenir que ces exemples-là. De cet élevage dans le temps, sur plusieurs années, plusieurs décennies parfois, le vin acquiert en même temps qu’il se concentre un goût aussi inimitable qu’il est indéfinissable. Un fort goût que, dans le pire des cas, l’on qualifiera de «goût de terroir» ce qui ne veut absolument rien dire. Car, pour moi, ce rancio a le goût même de la patience.

#Vendredi du Vin # 63 : Le mariage de patience entre Rancio sec et langue de Cha

C’est que le rancio est rancio, voilà tout. Et dans le mot rancio, il y a rance. D’où ce goût de noix verte, souvent ponctué, selon les sols, les cépages, les variations thermiques et les foudres d’élevages, de raisin de Corinthe, d’abricot sec, de bigarade, d’épices, de pierre à fusil, de café torréfié, de feuilles de tabac en fermentation, d’ananas confit, de fumée, de résine grillée, que sais-je encore. Bu frais, mais non glacé, servi à petites doses, le rancio sec est un régal à l’apéritif, sur du jambon Jabugo, par exemple, du chorizo, ou sur des amandes grillées, des olives, des anchois, etc. Il est fait pour les calmes, les sages, les philosophes. Précaution à prendre, il convient surtout d’en limiter sa consommation afin de laisser un peu de place – et de chance – aux vins qui vont suivre à table. Cette remarque, selon moi, vaut pour toutes les circonstances. Car c’est aussi un vin que je goûte volontiers sur les fromages, vieux brebis, cantal, comté, beaufort, et en général tous ces fromages que l’on peut accompagner d’une marmelade d’orange amère. Le rancio sec, c’est un peu comme le tango corse (clin d’œil à Fernandel), un de ces délicieux vins « conditionnés » qui incitent à la méditation – seul dans un transat, les yeux mi-clos, un cigare à portée de main – ou à la contemplation d’un paysage, d’un tableau, d’un film et pourquoi pas à l’écoute d’une grande musique baroque (Haendel, Bach, Lully…), d’opéra ou de jazz.

Mais je l’ai expérimenté récemment sur un mariage plus qu’inattendu, en fin d’après-midi, quand venait l’heure des douceurs. Tout cela m’est venu d’une amie journaliste, Brigitte, aujourd’hui partie pour un long et mystérieux voyage dans le ciel. Sur sa page Facebook, la dame avait présenté un jour la photo d’un drôle de rectangle d’un joli vert pâle, un vert plutôt pistache. Il s’agissait d’une nouvelle spécialité japonaise baptisée «Cha No Ka», une langue-de-chat au thé vert Okoicha (Matcha) de Kyoto, le nec plus ultra, paraît-il, des thés verts épais. Cette délicate douceur qui ressemble à une œuvre d’art contemporain comporte une mince épaisseur de chocolat blanc, comme prise en sandwich entre deux fines couches de langue-de-chat au thé vert. Suprême raffinement, délicate attention, chaque biscuit est emballé dans un sachet sous vide.

#Vendredi du Vin # 63 : Le mariage de patience entre Rancio sec et langue de Cha

Je ne suis pas fan des citations à tout va, mais là, je me régale tant avec ce mariage inattendu que j’ai ressorti celle d’Oscar Wilde«Le seul moyen de  se délivrer de la tentation, c’est d’y céder».
Voilà qui est fait. Mais dans la patience, cela va de soi.

Michel Smith

PS. Article revu et corrigé paru en 2014 sur le blog Pourlevin de l’époque… sur Skyrock !

L’Ermitage, sans le « H », mais avec cire

4 Avr

Parfois, ouvrir une bouteille devient une tâche pénible. Le vigneron – ici, il est aussi négociant – a l’idée de mettre de la cire solide, car il existe une cire « molle » qui se décolle facilement lors de l’ouverture, pour recouvrir le sommet de son (cher) flacon. Ça fait mieux, ça fait sérieux et ça donne un aspect « précieux » à la bouteille. Du moins, c’est ce que le vigneron veut croire. Alors, dans ce cas précis, le tire-bouchon devient marteau (moi aussi du coup !) et, quand vient l’heure fatidique du débouchage, on en fout partout de ces misérables éclats de cire que l’on retrouvera parfois nichés jusque sur une étagère. Comme si cela ne suffisait pas, pour parachever votre irritation, voilà que le bouchon ne sort pas, qu’il s’effrite, qu’il se transforme en poussière de liège dont on trouvera aussi des traces plus tard jusque dans le col de sa propre chemise ! Quand une telle déconfiture vous arrive, il ne vous reste plus qu’à filtrer le vin sans attendre en le passant doucement au travers d’un tamis et d’un entonnoir, afin qu’il s’écoule le plus proprement possible dans une carafe, enfin débarrassé de 99,90 % de son liège.

Enfin, seulement, on peut déguster cet Ermitage 2007 – on peut aussi mettre Hermitage sur l’étiquette – aux accents toastés et boisés. J’aime redécouvrir ces millésimes passés à la trappe. Qui se souvient en effet de cette année sans louanges particulières ? Pour ça, il fallait le conserver en cave, miser sur sa qualité. Ce que j’ai fait. Alors, direz-vous, comment est-il ?

Assez boisé, donc, concentré, presque noir de robe, marqué au nez par des effluves feuillues, viandées, avec touches de laurier, de cuir, un nez qui se complexifie au bout de deux jours d’ouverture au frigo; en bouche, les tannins boisés et fumés sont bien marqués sans être trop rêches et l’on sent derrière une matière riche, une certaine épaisseur, des notes de cassis bien mûr, une légère acidité en finale pour un vin qui se déguste sans problèmes sur des rognons de veau ou un magret de canard grillé sur la peau.

Après tout ça, Michel Chapoutier peut dormir sur ses deux oreilles : heureusement que son vin, est bon !

Pas de Mahler sans Clairette !

4 Avr

Vienne,1952. Bruno Walter dirige le Philharmonique de la capitale autrichienne. Il est accompagné de la contralto Kathleen Ferrier dans le fameux Chant de la Terre de Gustav Mahler qui fut l’ami du chef d’orchestre. Un « disque de légende », comme on dit. Un disque que je ne me lasse pas d’écouter. Et très souvent, je ne sais pourquoi ni comment, lors de mes retours de marché, il m’inspire au plus haut point et me plonge dans la préparation d’un plat spontané, sans suivre de recettes particulière et sans chichis, du type de plat qui va suivre. Sans oublier l’accompagnement.

La dernière fois, ce fut lors de mon retour d’un voyage au Maroc. J’avais soif de vin, de pureté salivante, de délice terrien. Cette soif ajoutée à la musique mahlerienne m’inspirèrent un risotto. J’ai une folle envie de vous le raconter, mon risotto. Mais avant toute affaire en cuisine, une descente en cave s’impose. Là, au bout d’une exploration rapide, je tombais pile au « rayon Rhône » sur trois bouteilles d’un vin IGP Méditerranée « Les Anthénors » de l’ami Jean-luc Colombo, un blanc issu de ses vignes de Clairette plantées quelque part au large de Carry-le-Rouet, plus précisément sur la commune de Sausset-les-Pins, à quelques lieues de Marseille, son port d’attache familial. J’examinai ce beau flacon à la forme légèrement évasée, l’étiquette ornée de trois cyprès – Jean-Luc ne fait jamais les choses à moitié -, pour découvrir le millésime. C’était un 2018 que j’avais volontairement oublié. J’ai toujours entendu, venant de la part de je ne sais quels doctes savants de la vigne et du vin, que la Clairette, par je ne sais quel manque d’acidité, ne saurait « vieillir » au-delà de deux ou trois ans. Sachant que ce cépage ancien était responsable à mes yeux de la finesse et de la profondeur de beaucoup de vins de Châteauneuf-du-Pape et de la méconnue appellation Clairette du Languedoc (goûtez celle du Château La Croix Chaptal, de par chez moi, dans l’Hérault) -, ce genre d’affirmation venant aussi de quelques remarques recueillies au fil des ans auprès de vignerons sudistes, me donna l’idée de conserver quelques exemplaires de ce cépage, comme ça, par curiosité, par esprit de contradiction certainement, enfin bref, juste pour voir. Certes six ans d’âge, ce n’est pas très vieux, mais enfin il faut faire avec ce que l’on a. Résultat, le flacon se retrouva illico au frigo pour dégustation. En un premier verre, le vin que j’avais apprécié dans sa jeunesse, n’avait guère me dire. Mais au bout de l’après-midi dans le verre, à l’air libre, il se décida à me parler, avé l’accent : fenouil des sentiers, garrigues, fleurs de thym, résine, salinité, pêche de vigne, j’étais bien en Provence, à la fois chez Giono, Pagnol et Guédiguian, en plein « Chant de la Terre ». Prenant en compte les origines italiennes, piémontaises je crois, de la famille Colombo, je gardais l’idée première d’un risotto.

Pour moi, faire un risotto, c’est un peu comme un jeu, une sorte de dépaysement, une évasion. Cette fois-ci, spontanément, je voulais donner au plat une connotation végétale et printanière inspiré que j’étais par ce que j’avais rapporté du marché, petits pois, oignons tendres, de l’aillé, ainsi qu’une botte d’asperges vertes.

A partir de là, le reste est simplissime : un peu d’huile de pépin de raisin au creux de la poêle pour faire frémir à feu vif les oignons, leurs tiges vertes et l’aillé émincés, deux ou trois belles louches de riso arborio, on touille bien jusqu’à faire briller et brunir légèrement l’ensemble, puis on y ajoute une louche de bouillon de légumes (ou de volailles), des tiges tendres d’asperges (garder la partie la plus dure des tiges pour un bouillon) taillées en fines rondelles; on touille encore et encore et, de nouveau, une louche de bouillon; lorsque le tout se met à bien saisir, on verse un demi verre du vin blanc de Clairette, quelques lamelles de parmesan pour obtenir un aspect quelque peu crémeux, puis une lichette de vin rancio pour parfumer, puis on touille et re-touille avec la spatule en bois avant de finir la cuisson avec une louche supplémentaire de bouillon, deux ou trois si nécessaire. L’opération prend une vingtaine de minutes et requiert une présence permanente au cours de laquelle on n’hésite pas à trifouiller la surface du plat à coups de tranchant de spatule dans un sens puis dans l’autre, à tourner et retourner le riz et, lorsque la cuisson avance bien, on goûte le grain jusqu’à ce qu’il soit croquant mais aussi fondant; ajouter sel et poivre selon son goût (perso, j’y met une mini cuillère à café de curcuma en poudre), on baisse le feu vers la fin de cuisson, on ajoute deux belles noix de beurre, un peu de thym frais et (ou) fines herbes grossièrement hachés, une louche de petits pois et les pointes d’asperges vertes mises préalablement en réserve lors de la préparation. Lorsque que le riz est à point, on saupoudre éventuellement selon goût un peu de Parmigiano Reggiano râpé (15 mois d’affinage au moins), on coupe le feu et on couvre le plat pour bien infuser les parfums avant de servir au besoin réchauffé une ou deux minutes à feu vif. Il m’arrive de rajouter le parmesan râpé au moment du service quitte à faire hurler les spécialistes.

Qu’il soit légumier, à base de crevettes ou de coquillages, aux truffes ou aux cèpes, à la moelle ou aux viandes blanches (lapin, pintade, poulet…), la rondeur, la suavité de la Clairette servie pas trop glacée se marie bien avec le risotto. La puissance retenue, la persistance en bouche du vin, sans oublier la profondeur, tout cela ressortira encore mieux si l’on tente de transvaser la veille le vin en une carafe ventrue. Après cela, on peut s’offrir une belle sieste en compagnie de la Première de Mahler, ou la Quatrième ou la Sixième, peu importe. Pour ma part, j’ai pu constater que s’il reste une lichette de Clairette en finale, ce n’est pas plus mal pour apaiser l’esprit !

Pour plus de Chant de la Terre, rendez-vous ICI !

Le Biz nouveau est arrivé !

28 Mar

Chaque année, en période de vendanges, il me revient en tête. Comme la Chansonnette de Montand ou comme un boomerang que l’on aurait lancé avec précision au cours de l’endormissement hivernal de la vigne pour le recevoir entre les mains (ou entre les dents) au moment crucial des vendanges. Pas de doute, il énerve, il agace, il jalouse, il irrite les pores de la peau, et pourtant, l’homme du vin, c’est bien lui, le dénommé Hervé Bizeul. Oh, il ne se revendique pas comme tel, il ne proclame pas non plus qu’il l’est, mais il insiste surtout avec justesse, me semble-t-il, sur la nécessaire vision que l’on se doit d’avoir lorsque l’on parle du vin : celle d’un rapport intime entre l’homme, la plante et la nature. 

Le travail de la vigne est saisonnier et il serait stupide de croire – à l’instar de bien des protagonistes vineux – qu’il suffit de planter la vigne dans un trou pour en récolter ensuite tous les bienfaits et les bénéfices sonnants et trébuchants. Alors, j’en reviens à Hervé Bizeul, le type même de celui qui apprend en cinq minutes, l’encyclopédiste, le curieux de tout, le frangin qui cuisine comme un chef et qui séduit les nanas à coups de fourchette et de cuisson longue, le gars qui énerve quoi, au point d’en rajouter des lignes et des lignes sur un blog à nul autre pareil où il apparait en ouverture avec une fleur des champs entre les dents.

Tout ce qu’il raconte dans ce blog indiscipliné est intéressant, tout ce qu’il décrit force l’intelligence, il fascine autant les vignerons culs terreux qu’il interpelle aussi ceux de la finance qui mettent leurs billes dans une terre starisée. On y suit les vicissitudes d’un homme des villes devenu rat des champs, explorateur infatigable de cailloux, de bosses rocheuses, de plans inclinés, chercheur sans diplômes en sciences viticoles, astrales, florales et tutti quanti, animateur-formateur d’équipes de femmes et hommes dont le principal est d’aimer le travail et de faire naître le plaisir qui en découle, même en rechignant les jours de pluie ou en grelottant face à la tramontane. Tout ce qu’il écrit, souvent avec beauté et drôlerie, tout ce dont il rêve et dont il reçoit l’émotion, un livre, une chanson, un poème, tout ce qu’il apporte, même lorsque le ton devient franchement technique, tout cela me touche, m’interpelle comme on disait il y a 50 ans, me frappe le cerveau et me laisse songeur quant au dur labeur de la vigne et du fruit béni que l’on attend d’elle.

Comme l’an dernier, ses billets au jour le jour de la vendange me sont devenus lectures indispensables. Alors faîtes comme moi, abonnez-vous au Biz Nouveau et suivez le temps des vendanges pas à pas, filez droit sur le site d’Hervé Bizeul et de son Clos des Fées !

Michel Smith

Force de rosés en Pays d’Aix

28 Mar

Fin de journée d’hiver dans l’arrière-pays d’Aix-en-Provence. Après une journée active passée avec Peter Fischer dans ses vignes bio du Château de Revelette qu’il finissait de tailler avec ses hommes, l’heure était à la détente. Provençal dans l’âme, volontiers partageur, amoureux de son « terroir le plus froid de la Provence », « Piteur », comme on l’appelle ici avé l’accent, avait rassemblé sur un simple coup de fil quelques uns de ses voisins et amis. Une petite armée vigneronne s’était mise à table chez la belle brune Christine Charvet dans sa géniale pizzeria-guinguette de Jouques où le vin occupe une place de choix. Une adresse que je recommande chaudement. Au passage, Jouques est un délicieux village où il fait bon passer un week-end vigneron entrecoupé de randonnées. Mais revenons à notre réunion. Mots d’ordre de la soirée : convivialité, déconnades en tous genres et Carignan à gogo sans ordre précis, sans cérémonial. Vaste et beau programme.

Peter Fischer, un vigneron toujours dans le vent. Photo©MichelSmith
Peter Fischer, un vigneron toujours dans le vent. Photo©MichelSmith

Je ne parlerai pas du « Pur » de Peter, vin déjà évoqué il y a peu dans cette même rubrique. Pas non plus du Carignan des absents. Mais je vais vous dire du bien de deux vins de couleur rose, pour une fois, deux cuvées qui mettent en avant mon cépage chéri.

-IGP Var 2012, Domaine de La RéaltièreL’ineffable et sympathique ingénieur agronome Pierre Michelland (je vous ai déjà parlé de son rouge « Cul Sec » 2011 l’an dernier) avait apporté son rosé brut de cuve dont la mise n’était plus qu’une affaire de jours, un vin qui ne sera pas filtré et qui comporte 80 % de carignan noir vinifié en pressurage direct et agrémenté de 20% de clairette. Comme son rouge, il pète la forme et se distingue par sa carrure et sa droiture. Vraiment à l’aise sur les délicieuses pizzas. Son « Chant du Coq » blanc 2011 à 80% carignan blanc, le reste en sauvignon, se défendait pas mal aussi en dépit d’une petite touche sucrée en finale.

Pierre Michelland, de la Réaltière. Ses vins sont aussi souriants que lui ! Photo©MichelSmith
Pierre Michelland, de la Réaltière. Ses vins sont aussi souriants que lui ! Photo©MichelSmith

Côteaux-d’Aix 2010Domaine La Chapelle Saint-BacchiChristian Valensi travaille aussi l’olivier et le lavandin. Sous le même nom cuvée, « Carpe Diem », il vinifie un pur alicante, réalise chaque année un rosé confidentiel (1.300 bouteilles, 9 € départ cave, il en reste encore un peu) cent pour cent carignan issu d’un pressurage direct vinifié d’abord en cuve avec une légère macération à froid, puis un élevage en barriques (de deux vins blancs) pour quelques mois. La robe, légèrement évoluée, a des tonalités orangées du pus bel effet et le vin, qui a conservé son fruit, offre de jolies notes grillées, là aussi légèrement sucrées. On le verrait bien sur un poulet thaï ou des crevettes grillées pas trop épicées. Le 2011 a été zappé et le prochain (2012) sera à 80% carignan.

Photo©MichelSmith

Photo©MichelSmith

Dans ce pays Aixois entre Sainte-Victoire et Luberon, le carignan qui n’a pas été arraché sur les conseils des techniciens agricoles, donne quelques espoirs aux vignerons de produire des vins différents dans une région qui, de toutes façons, n’est pas comparable au reste de la Provence viticole. Le seul problème qu’ils évoquent en parlant de ce cépage est que, dans cette zone au climat septentrional, la maturité est rarement satisfaisante à leurs yeux.

Christian Valensi, de La Chapelle Saint-Bacchi. Photo©MichelSmith
Christian Valensi, de La Chapelle Saint-Bacchi. Photo©MichelSmith

Reste que je suis sûr qu’en prenant quelques risques, comme Peter Fischer et Pierre Michelland l’ont fait avec leurs rouges, ils arriveront en poussant les maturités à vinifier de fort jolis vins de Carignan. C’est tout ce que je leur souhaite ! En attendant, on a de beaux rosé et c’est déjà pas si mal…

                                                                                                                     Michel Smith

Pinoteries et Rythm n’ Rouze

28 Mar

Ce n’est pas la première fois que je vous entretiens de cette tendance qu’ont les vignes du Midi à “pinoter”. La dernière fois, c’était cet hiver où je fourrais mon nez dans les Terrasses du Larzac. Cette fois, la fournaise aidant, j’ai retrouvé cet été la joie pure du “pinotage” à la languedocienne, sensation que je partage avec vous aujourd’hui façon “brut de cuve”, si j’ose dire. 

Photo : MichelSmith

Bouchons qui sautillent de joie, rouges servis frais surtout jusqu’à plus soif, c’est l’été quoi, et quel été ma bonne dame ! Plus que jamais par les temps qui coulent tout en courant, telle une source généreuse et jaillissante cachée dans la roche d’un paradis au milieu du désert brûlant, c’est le moment de boire à gorge déployée, loin, très loin des estivaux festivals, des plages surpeuplées et des autoroutes bondées, le moment de s’enivrer au fil de nos journées haletantes.

Alors, je goûte et re-goûte presque sans retenue le vin joyeux et n’ai d’autres envies que celle de jouir pleinement la simplicité du vin. Le genre pet’ nat’, par exemple, le tendre Pineau d’Aunis, le Gamay sucré de mon cœur, léger, frétillant et gourmand, le Pinot Noir qui, dans bien des cas, libère son fruit avec exubérance, la Négrette de Fronton, la Barbera piémontaise et j’oublie certainement au passage plus d’un raisin qui, vinifié simplement pour être bu sans trop tarder, sans manières, révèlent un fruité d’un goût oublié et avance avec fougue tel un cheval camarguais en pleine course libre dans les hautes herbes.

Mes camarades et moi avons déjà écrit à maintes reprises sur le Cinsault et les jolis rosés qu’il engendre un peu partout dans le Midi. Je ne vais donc pas trop m’attarder. Sauf pour dire que chez nous, en Languedoc, le Cinsault fait partie de ces jus que l’on n’oublie pas et les vignerons qui s’y attachent sont de plus en plus nombreux. J’ai déjà cité par le passé ceux de Sylvain Fadat, de Thierry Navarre avec ses fameuses “Œillades” – l’autre nom que l’on donne ici au Cinsault, et de bien d’autres vignerons méritants. 

Voici venir un jus réjouissant, celui de Karine et Nicolas Mirouze dont les 25 ha de vignes travaillées en biodynamie s’incrustent joliment dans la garrigue aux pieds du château du même nom, bâtisse à l’allure de forteresse médiévale. Je bois ainsi d’une traite (enfin presque) ce rouge léger (une version Viognier existe aussi en blanc) qui ne dépasse pas 11°, qui affiche une robe insolente de légèreté, entre rouge et rosé foncé, et qui m’offre une jolie coupe de petits fruits, rouges évidemment, avec quelques touches florales pour chatouiller le gosier. Comme annoncé plus haut, il s’agit d’un Cinsault non filtré armé, dans sa version 2021 du moins, d’une belle portion de Carignan et de Mourvèdre qui laissent une impression de petits tannins poivrés en finale. Un parfait vin de soif à boire sans songer à la modération !

Photo : MichelSmith

J’allais oublier le prix : 10 € chez mon pote Bruno, caviste au Nez dans le Verre à Pézenas. Un conseil : si vous ne connaissez pas les vins des Mirouze, prenez le temps de lire l’article printanier de Nadine sur ces lignes. Enfin, par ce lien, vous aurez accès à la chaîne YouTube du domaine qui permet de faire aussi connaissance avec Karine et Nicolas.

Le Jour du Seigneur

28 Mar

Nous sommes bien d’accord, n’est-ce pas : on ne devrait saisir son clavier, du moins dans le cadre d’un blog tel que le nôtre, que si l’on a quelque chose d’important à dire, non ? Eh bien c’est mon cas puisque je vais vous entretenir du Jour du Seigneur, le Seigneur Carignan, bien sûr.

Tandis que je me gave de cèpes et autres trésors de nos bois à grand renfort de poêlées dignes d’Insta et de Facebook, je me souviens que, demain lundi, je vais participer, à Berlou, au Domaine de Cambis, sous l’égide de l’Union de la Sommellerie Française Languedoc Roussillon et Vallée du Rhône Sud (ouf !), et en étroite collaboration avec l’Association Carignan Renaissance qu’il m’est arrivé à ses débuts de présider, participer donc à une dégustation qui, je l’espère, sera grandiose puisqu’elle concernera les vins de nos associés, une bonne vingtaine je pense et même plus si l’on ajoute les “vieux” millésimes. De mon côté, je me pointerai avec des bouteilles de notre Puch, 2021 et 2014, ce petit domaine fondé avec des copains il y a plus de 10 ans sur une bosse avancée vers la mer, dans la commune de la commune de Tresserre dans les Pyrénées Orientales.

Tout cela va se faire en prélude du désormais célèbre Jour du Carignan autrement connu sous le nom de International Carignan Day, en attendant que le plus jeunes de nos membres ne créent un Carignan Night Fever à l’instar de nos amis du Grenache Day. La date retenue cette année pour ce Jour du Carignan, événement suivi par de plus en plus de cavistes et sommeliers, du moins dans le Sud, est le jeudi 27 Octobre. Je lance donc un appel à nos lecteurs, mais aussi à tous les amateurs et professionnels amoureux du vin méditerranéen de bien vouloir prévoir ce jour-là d’ouvrir une bouteille de ce noble cépage, de trinquer à notre belle humeur et de faire part de vos découvertes sur les désormais indispensables réseaux sociaux. Rendez-vous en particulier ce jour-là sur notre page Facebook que vous trouverez sur ce lien, laquelle, je l’avoue, mériterait un certain rafraîchissement.

Sur ce, pour le fameux Jour du Carignan, je vais faire cuire doucettement les premières girolles du marché avant de les achever avec deux oeufs fermiers en omelette si possible baveuse, ail et persil inclus. Pour les accompagner, j’ai prévu ce très provocateur “Renverse-moi” 2019 de Fabien Reboul, un Vin de France qui a l’audace et le mérite d’associer les deux cépages valeureux que sont Carignan et Cinsault, vin que je compte servir autour de 14° de température car ici on a nettement l’impression que l’été se prolonge.

PS J’ai cherché ici sans le trouver le Spécial Vins du Point où, parait-il, mon ami Olivier Bompas a mis en valeur nos vins carignanisés. Lisez-le si vous le trouvez. Sinon, j’ai vu son article en ligne ici même.

Oh, là! V’là venir Turenne

28 Mar

Je reviens en séance de rattrapage avec cette bouteille d’un joli flacon du Languedoc gouté ce midi au petit Restaurant La Victoire, une de nos bonnes adresses de Béziers, tout au bas des fameuses Allées qui sont nos Champs Élysées bien à nous.

Photo©MichelSmith

Ce Grès de Montpellier 2017 est l’une des grandes cuvées de l’Abbaye de Valmagne, haut-lieu de notre histoire et de notre viticulture. Il s’agit-là d’un assemblage très Syrah (dont on sent le fruit), mais rehaussé de Grenache (25%) de Mourvèdre (20%) et de 5% de Morrastel. Toute l’originalité de ce vin réside dans cet apport discret de Morrastel qui, se liant à la finesse fruitée de la Syrah et à la chaleur du Grenache, sans oublier le côté un peu strict des tannins du Mourvèdre (absolument pas gênant en l’occurrence), va conférer une sympathique note presque rustique à l’assemblage. Une chose est sûre : le vin se goûte divinement bien en ce moment et il a de quoi tenir encore au moins 2 à 3 ans avec un service de préférence sur une belle volaille rôtie. Lorsque l’on connaît ce lieu incomparable de spiritualité qu’est cet ensemble abbatial cistercien fondé en 1139, on ne peut qu’adhérer.

Environ 16 € départ cave.

Photo©MichelSmith
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Le vieux Cornas dans mon flacon de gin

16 Fév

Bien évidemment, en bon débutant pas trop couillon que je reste, je sais qu’il y a la bosse de l’Hermitage posée en vigie sur la rive d’en face, prolongée par le territoire du Crozes sur la même bordure droite du fleuve. Mais à mes papilles de sérieux ronchon de service, la véritable demeure de la Syrah se situe en Ardèche, oui monsieur ! à Cornas et dans les coteaux voisins de l’appellation Saint-Joseph. Il est vrai que j’ai une tendresse pour cette Ardèche… Cela remonte au service militaire (1971) et aux premiers hippies, mais ce serait trop long à expliquer.

Flash back. Lorsque l’ami Jean-Luc Colombo (oenologue, vigneron, provençal et bon vivant, et même négociant) cherchait dans les années 70/80 à m’éduquer sur le sujet alors d’actualité de dame Syrah en Côtes du Rhône, il me conduisait volontiers dans les caves d’Alain Voge, un des vignerons marqueurs de l’identité de Cornas avec, bien évidemment, le cévenol Auguste Clape que j’allais voir sans top me faire prier mais tout de même sous la pression amicale de Tim Johnston, le “winebarister” parisien qui reste farouchement écossais. 

C’est alors que, dans le droit fil d’une discussion sur les mérites de la « trilogie magique » de 1988, 1989 et 1990 (j’en souhaite beaucoup des comme ça à mes amis vignerons !), il me fut offert cette bouteille plus que trentenaire aujourd’hui, bouteille que je redécouvre afin de vider ma cave pour lui éviter de tomber en de mauvaises mains. Décédé en 2011, Alain Voge a laissé à ses successeurs un domaine de 13 ha où l’on cultive avec autant de rigueur les notions de traditions et de rendements justes très en lien avec la nature.

Après un bouchon pourri mis en miette et sorti de main de maître à la pointe du couteau, ayant une sainte horreur de la poussière et des débris, j’ai filtré avec précaution un vin presque noir via la passoire à thé vert et l’entonnoir à tout faire.  Patatras, n’ayant pas de carafe sous la main (ce détail serait trop long à expliquer), le valeureux Cornas 1990 s’est finalement retrouvé comme libéré dans une lourde bouteille de mon gin londonien favori, bouteille évidemment bien rincée, séchée comme il se doit, le genre de celles que je recycle à la manière d’un écolo économe.

Nez peu probant malgré ce choc infligé, le vin apparaissant plutôt fermé, manquant de précision, je demeure un temps dubitatif et me dis qu’il faudra l’attendre au moins une nuit. Après deux nuits, goûté à 16° de température, tout vêtu d’un pourpre sombre dans ma coupe, voilà qu’il se fait quasi religieux en bouche. Non pas austère (je n’ai pas dit cela), mais sérieux, posé sur la réserve, un peu comme si on le dérangeait lors d’une prière, d’une méditation. Tourne et retourne, j’obtiens enfin le vrai nez : chair d’une cerise proche du noyau, finesse évidente, comme débarrassé d’un boisé un peu trop épicé, trop encombrant.

En bouche, le vin charnu tripaille légèrement, avec des notes sanguines, vieux cuir, genièvre et cerise à l’eau-de-vie à l’appui sur fond de goudrons de bois. Matière riche, structure solide, tannins présents mais fondus, très discrète amertume avec une longueur tangible menant à une finale assez nettement torréfiée. C’est bon et sacrément long en bouche. Manque plus que le perdreau !

Et voilà que la Syrah n’est jamais aussi classique que chez elle !

Michel Smith

Rive droite, After Midnight

1 Avr

Il me semble vous l’avoir déjà avoué : filles, garçons, je compte de nombreux amis dans le vignoble. Normal, puisque, même si cela complique parfois un peu plus mon job de journaliste, j’aime les vignerons. J’envie leur travail quand ils trouvent encore le temps d’être sur leurs terres, je jalouse leur vie qui, bien que compliquée, leur apporte beaucoup de choses, et je me laisse volontiers emporter par l’enthousiasme que communiquent en moi leurs vins.

Le vignoble de Sainte-Foy-la-Grande, non loin de Castillon. Photo©MichelSmith

Le vignoble de Sainte-Foy-la-Grande, non loin de Castillon. Photo©MichelSmith

D’ailleurs, c’est par eux que j’ai découvert le vin. Avant leurs paysages, leurs « terroirs », leurs « crus », avant leurs caves ou leurs vignes, avant de connaître quoi que ce soit sur leur train de vie, leur famille, leur tracteur, leur pressoir, ce sont les vignerons et eux seuls qui m’ont formé au goût du « bon » vin. Au fil des rencontres, par leurs explications, par leurs témoignages, je me suis tissé un réseau aussi amical que solide dans le vignoble, que ce soit en Alsace ou dans le Bordelais, ou ailleurs, une série de points de chute où il fait bon se poser ne serait-ce que pour humer l’air du temps. Ainsi vous comprenez pourquoi, si jamais certains d’entre vous se posaient la question, je préfère m’inviter à passer une journée chez eux plutôt que de m’imposer le temps d’un éclair ce qui est, hélas, le lot commun de bien des critiques qui se disent tout connaître et qui vont à la découverte d’une appellation en une demi-journée. Et je sais de quoi je parle…

François et Nicolas Thienpont. Photo©MichelSmith

François et Nicolas Thienpont. Photo©MichelSmith

Donc, passé Sainte-Foy-la-Grande, j’étais l’autre jour vers Castillon-la-Bataille, aux marges de la Dordogne et sur les premières marches de la côte de Saint-Émilion, que Vincent Pousson, moqueur et persifleur, a tôt fait de rebaptiser Saint-et-Million tant il est vrai que son classement à la noix ne repose sur rien d’autres que  le pognon. C’est une région que j’ai fréquentée un peu à une époque où, déjà, je commençais à me lasser du bling bling saint-émilionais et bordelais. Ainsi donc, alors que je m’apprêtais à passer une mémorable soirée en un lieu que l’on m’a interdit de citer, je songeais à ces amis vignerons que j’ai dans le coin. Je revoyais des visages, en particulier ceux de deux mondes souvent opposés pourrait-on dire : l’ironie grinçante et poétique d’un François des Ligneris ; la faconde truculente d’un Régis Moro, du Vieux Château Champ de Mars, dont les vins brillent de plus en plus depuis qu’il s’installe dans la biodynamie ;  la frêle mais décidée Dany Rolland, œnologue conseil avec son ex-époux Michel dont j’ai chroniqué le dernier livre il y a plusieurs mois ici même et dont j’aimerais bien un jour goûter la cuisine, ne serait-ce que pour mettre les points sur les « i » sur une certaine façon de faire le vin « à la bordelaise » ; l’approche « tannique » de Christine Derenoncourt, autre « femme de » qui conduit avec assurance et détermination le Domaine de l’A, en Castillon, pendant que son mari, Stéphane, sillonne le monde pour prêcher la bonne parole du vin ; les frères ThienpontFrançois et Nicolas précisément qui, allures de gentlemen farmers, drôles de mélanges belgo-bordelais, tout en surveillant les propriétés familiales des Côtes de Francs, toujours sur la même côte, me rappellent toute une époque où l’on n’avait pas besoin de salamalecs pour découvrir le Libournais en leurs compagnies, je pense à des crus remarquables tels Vieux Château Certan et Le Pin (Pomerol) dirigés par un autre membre de la famille, Alexandre, fils d’un fameux Léon, ou Château Pavie-Macquin (Saint-Émilion), quelques unes des perles gérées ou cogérées par Nicolas, sans oublier le « petit » négoce de Bordeaux dirigé par François ; j’oublie encore certain noms amis, mais vous allez me reprocher de faire dans le « name dropping »…

Tout cela pour en venir à un vin goûté lors de cette trop courte escapade du côté de Castillon-la-Bataille, un vin assez unique, un rouge bordelais servi en magnum comme tous les autres vins de la soirée, mais un rouge qui, hormis un Barolo de Voerzio et un Douro  de Nieport m’est arrivé sur table sur le coup de deux heures du matin, horaire où j’étais tout juste apte à prendre quelques photos et complètement incapable de noter quoi que ce soit. À mes côtés, j’avais un ami de Facebook en la personne de Daniel Sériot dont il m’arrive de suivre le blog. En compagnie d’Isabelle son épouse, Daniel semblait approuver poliment mes paroles. Au stade où j’en étais, je ne faisais probablement que dire à la cantonade quelque chose de stupide comme « Putain, il est super ce vin » sans prendre pour autant l’accent de Cantona !

Photo©MichelSmith

Le vin d’après minuit Photo©MichelSmith

De mes vagues souvenirs encore embués, il ressort que ce Montagne Saint-Émilion 2005 au nom de Château Beauséjour (ni Duffau-Lagarosse, ni Bécot…) avait un équilibre tel qu’il arrivait à me charmer en cette heure pourtant avancée de la nuit. En plus de me charmer, j’ose dire qu’il me rafraîchissait. Et même qu’il me réveillait l’esprit, qu’il me mettait en appétit, bref, qu’il me fascinait. Aucun cinéma, pas d’entourloupe, pas de maquillage, pas d’ outrance, rien que la justesse, un soupçon de retenue aussi, mais point trop, il y avait dans ce vin une sorte de don de soi qui m’allait au plus profond. Faut-il en arriver là pour être en mesure de décréter qu’un vin est noble, grand, ou tout ce que vous voulez ? Je veux dire, faut-il le déguster bien après minuit ?

Certainement pas, bien sûr. Les vieilles vignes de ce domaine à forte proportion cabernet franc sont à n’en pas douter responsables de l’épaisseur ressentie dans ce premier millésime marquant le renouveau de Beauséjour. Mais ce qui est sûr, c’est que la prochaine fois que je navigue à contre courant du mascaret le long de la Dordogne je ferais un crochet pour rencontrer l’auteur de ce vin, un sage connu sous le nom de Pierre Bernault.

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Que déduire de tout ce charabia ? Que l’on déguste pas si mal après minuit... 

Michel Smith

(article publié en juillet 2013 sur le site les5duVin)

Un magnum pour se la péter à deux !

18 Sep

Sand, elle est chiante. Sandrine Goeyvaerts de son vrai nom, elle anime à elle seule – et pas de main morte – son blog La Pinardothèque (ou thek, c’est selon…) et c’est elle qui nous a demandé de tout péter pour cet énième VdV. Je crois la connaître : elle voudrait du beau bouchon de liège et je n’ai qu’une vulgaire capsule à lui proposer. Ah, les filles d’aujourd’hui…

#Vendredi du Vin #65 : Méfiez-vous, ça va péter !

Elle veut qu’ça pète à tous les étages et je n’ai ni Champagne ni Blanquette à la cave. Et point de crémant à l’horizon ! Elle veut du peinard, du tranquille, du sage alors que je pense Révolution et que je l’attends de pied ferme ce mouvement de rue. D’ailleurs, au départ, je ne souhaitais pas évoquer les bulles. Pour péter un plomb on n’a nul besoin de gaz. Alors, tout bien réfléchi, je me suis dit qu’une petite provoque de vieux bourgeois déconfit ne ferait de mal à personne. Comme évoquer le pet de nonne ou le pet de lapin associé à un verre de grand liquoreux, par exemple. Disserter sur le noble pet, en somme. Âmes sensibles, s’abstenir…

Voyant que tout le monde fonce dans le registre de la « moustille » et de la turbulence, je me sens obliger de changer mon fusil d’épaule. Et de ressortir mon vieux motto de parvenu gauchiste : « toujours péter librement dans un lit de dentelle et de soie avant de s’endormir ». Alors, puisque de toute façon je sens bien que ça va péter dans tous les sens, de tous les côtés et jusque dans tous les coins, vu que je ne suis pas du genre à tirer le premier, j’en reviens à un bon vieux magnum capsulé, le dernier qui me reste. Un OVNI, quelque chose qui ne vient ni de Champagne, ni d’Alsace, mais du bon, du brave Sud-Ouest, de Fronton même, autant dire du pays de cocagne. Roc’Ambulle, mixture de Mauzac et de Négrette vendue 13 € uniquement en magnum au Domaine le Roc, est un vin de France qui ne titre que 9,5 degrés. Un vin qui pétille et qui mousse. Un vin de fillettes pour certains frimeurs du goulot.

#Vendredi du Vin #65 : Méfiez-vous, ça va péter !

Oui, je sais que depuis que je l’ai découvert à Vinisud, là où les blogueurs et les journalistes ne restent pas plus de 24 heures, pour cause de séjour limité, généreusement offert par les autorités de tutelle, j’ai une fâcheuse tendance à vous en rabâcher les oreilles. Depuis, j’en ai acheté un carton, et pourtant je sais que ce n’est pas le genre de truc qui attire les foules initiées. Tant mieux ! D’ailleurs, les gens boivent ça d’une traite comme si c’était du cidre ou de la bière. C’est ma faute puisque c’est moi qui leur ai dit ça par simple provocation. « Buvez, c’est de la bière de vin ! » Ils ne remarquent même pas le gros contenant, le côté festif du magnum.

Passez-moi le décapsuleur.

Attention, ça risque de péter !

#Vendredi du Vin #65 : Méfiez-vous, ça va péter !

Moi, j’y trouve de la finesse, du fruit, de la fraise écrasée, de la gaieté, du copinage, de la légèreté, de la soif et même une pointe d’amour coquin. Un petit clin d’œil du genre : « dis donc coco, viens donc te coller à moi, ne crains rien, viens… ». Certes, pas de quoi en faire des tonnes, mais de quoi ne pas s’ennuyer non plus alors que tout le monde autour de vous s’agite en poncifs et ne parle que grand vin, grand machin, grand cru, grand ceci, grand cela. Oui, ce magistral pet que l’on sent venir en soi en éclusant cette bouteille à mille lieues de la frime, loin d’être un simple pet mouillé, ce pet en magnum sera sûrement celui du bonheur partagé.

Après tout, c’est si beau de péter à deux !

(PS. Article paru en 2014 ici : https://pourlevin.skyrock.com/)

Michel Smith