Mon Madère de voyage

7 Déc

Hourra, je fiche le camp, je décolle, je file, je vole ! Destination l’inconnu, un caillou volcanique quelque part dans l’Atlantique. C’est mon premier voyage hors de nos frontières depuis de longues années, le premier qui me mènera aussi loin puisque, au moment où je ponds ce texte, je serai bientôt quelque part dans l’archipel des Açores, sur l’île de Sao Miguel plus précisément. Je sais qu’il y a deux ou trois vignes au moins sur l’une des neuf îles qui composent cette province autonome portugaise, mais comme je ne suis pas certain de pouvoir goûter les vins, je veux célébrer à ma façon tout en vous recommandant un de ces grands vins dont s’honore le Portugal, un vin presque aussi connu – si ce n’est autant – que le Porto.

©MichelSmith

Tout en pliant mon sac, j’ouvre un Madère fort joliment “madérisé”- c’est le cas de le dire -, un 5 ans d’âge de belle facture, œuvre de la bien connue maison Henriques & Henriques : un vin bronze pâle aux reflets lumineux qui titre 19° et qui se veut franc et vif d’attaque, vin importé en France par la société Dugas. La mention “Finest Dry Seco” (à opposer au “Full Rich Reserve”) bien en vue sur l’étiquette me l’a fait choisir en me disant qu’après tout cela faisait des lustres que je n’avais sniffé, bu et sifflé un flacon de vin de Madère. À moins de le commander en direct chez Dugas, vous le trouverez chez un bon caviste aux alentours de 20€ le flacon. Grâce à ce vin suggéré par l’ami Bruno Stirnemann, je sais par avance que je vais pouvoir m’éclater à la prochaine commande avec un autre variant, un “Medium Dry” de 3 ans à 19 € chez mon caviste du Nez dans le Verre basé à Pézenas.

D’abord, il y a ce nez complexe et fin d’essences et goudrons boisés ; en bouche, on sent l’exemplaire volupté du vin, sorte de voile mystérieux qui enrobe une structure puissante armée d’arômes d’écorces émanant de toutes variétés d’agrumes, notes qui en plus du noyau de l’abricot, font penser au quinquina de nos grand-mères ; cette brise légère, dont la beauté est accentuée par diverses épices, va balayer la bouche d’une large gamme fruitée, sans pour autant la fouetter, et va laisser un fond de liqueur concentrée se développer autour d’un raisin proche du muscat sec et de la pêche bien mûre, goût qui s’abandonne progressivement sans réellement se décider à quitter la bouche ; signature ultime et distinctive, cette finale révèle enfin toute la fraîcheur du vin, une qualité que l’on doit surtout à la précision et à la noblesse de l’amertume qui persiste longuement au palais sans l’assommer comme on pourrait le redouter. Avec ce vin, on a l’impression de partir pour un périple au long cours. Et ça me va bien.

©MichelSmith

Cette même satisfaction, je l’avais ressentie plus tôt avec une version pourtant considérée comme « ordinaire » (voir les deux photos plus haut), un Madère « de cuisine » de la même maison dont la fraîcheur réjouissante, ainsi que la tenue exemplaire, m’avaient en son temps régalé allant jusqu’à me forcer, en la circonstance, à allumer un de mes derniers Cohiba. Alors, pour un prochain rendez-vous, Madame, la chose est bien entendue : vous m’offrez le havane et j’arrive avec le madère ! En tout cas, c’est mon souhait et c’est tout ce que je vous souhaite à vous qui restez dans le gris moite et frémissant de l’hiver.

En attendant le prochain mariage Cuba-Madère, je m’en reverse volontiers une lichette…

Michel Smith

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